Jean-Paul Curtay : "Le magnésium est un nutriment essentiel"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 29/03/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Le Dr Jean-Paul Curtay a publié avec le Dr Rose Razafimbelo le Guide Familial des Aliments Soigneurs (Albin Michel). Ce guide permet notamment de découvrir ce qu’il y a de bon – ou de moins bon – dans un aliment et à quoi sert telle vitamine ou tel minéral. Le Dr Curtay revient pour LaNutrition.fr sur les bénéfices d’une alimentation saine et équilibrée. Interview.

Qu’est-ce que la nutrithérapie ?

Comme son nom l’indique, la nutrithérapie est une discipline qui utilise le conseil et les compléments alimentaires. Au-delà du diagnostic et de la correction des déficits en vitamines, minéraux, acides gras et acides aminés (constituants des protéines), le médecin nutrithérapeute utilise les aliments, les nutriments et de nombreuses molécules aux effets pharmacologiques (par exemple les phytooestrogènes de soja qui sont des hormones) comme des médicaments.

Qu’est-ce qu’un nutriment ?

C’est tout simplement une molécule indispensable au fonctionnement de l’organisme. On parle de macronutriments quand il s’agit de molécules présentes en grandes quantités (les protéines, calories, glucides, lipides, mais également certains minéraux comme le calcium). Les vitamines, au contraire, sont des micronutriments.

Mais les aliments ne sont pas composés que de nutriments. Ainsi, les fibres, qui ne sont pas digérées, jouent un rôle important sur l’organisme. C’est également le cas des hormones, des pigments, des neurotransmetteurs... Il faut finalement compter 500 à 1000 molécules différentes par aliment.

Quelle différence entre un nutritionniste et un nutrithérapeute ?

Le premier conseille sur l’alimentation. Il ne s’intéresse pas aux déficits, il est essentiellement centré sur les problèmes de surpoids et de diabète. Il manie les calories. Il peut également préparer des régimes particuliers, pour les insuffisants rénaux par exemple.

Le nutrithérapeute, lui, s’intéresse au surpoids mais il apporte des solutions différentes. Chez le diabétique, il utilise le magnésium et les vitamines B pour que le sucre soit mieux transporté et brûlé dans les cellules.

Mais le nutrithérapeute s’intéresse également à la personne saine, qui ne souffre ni de diabète ni d’excès de poids. Il y a tout un aspect préventif dans le travail de nutrithérapeute. Il dispose également de protocoles thérapeutiques indépendants ou complémentaires d’autres techniques (médicaments, chirurgie, psychothérapie, etc…).

Il peut ainsi traiter la quasi totalité des maladies. La nutrithérapie est une discipline beaucoup plus étendue que la nutrition telle qu’on l’avait pratiquée jusqu’à présent.

A quoi sert un aliment ?

L’aliment est d’abord perçu comme un plaisir. Ensuite, comme une source d’énergie (c’est d’ailleurs pour cela qu’on a tendance à plus manger quand on est fatigué) et enfin comme un produit santé. Et pourtant… Il est temps de remettre l’aliment à sa place. La fonction plaisir est évidemment primordiale mais on peut aujourd’hui se faire plaisir avec des aliments beaucoup plus utiles et pour la forme et pour la santé.

Quel type de nourriture peut-on privilégier ?

Il existe des trucs tout simples. Ainsi, il serait préférable d’emballer tout ce qu’on fait cuire au barbecue dans du papier sulfurisé. On sait depuis 10 ans que le noirci de la viande ou du poisson est très dangereux pour la santé. Il serait bon d’enlever le noirci des aliments cuits car ces molécules déformées ont tendance à se coller sur les gènes. Ce sont des substances mutagènes, comme certaines substances de la cigarette, mais encore plus puissantes et encore plus dangereuses.

On peut également manger plus de fruits et de légumes. On entend souvent que 5 par jour, c’est contraignant, ça fait beaucoup… Pourtant, ce n’est pas bien sorcier, il ne faut pas se prendre la tête. Prendre déjà un demi-pamplemousse et un fruit pressé au petit déjeuner n’est pas bien difficile !

Le choix de l’huile est également primordial. L’huile d’olive a déjà détrôné l’huile de tournesol, ce qui est une bonne chose. On devrait désormais privilégier l’huile de colza pour l’assaisonnement.

Autre conseil : manger plus de poissons, de poissons gras en particulier, que de viande. Ces poissons ne supportent pas la chaleur excessive. Il est donc préférable de les préparer à la vapeur, pochés ou simplement marinés.

Enfin, consommez des oléagineux. Ces aliments sont excellents et, contrairement à ce que l’on croit, ils ne font pas grossir.

Devrait-on manger comme il y a un siècle ?

Oui, selon moi, il serait nécessaire de revaloriser les aliments traditionnels de la campagne : légumes secs (lentilles, pois, haricots…), courges, aux dépends des produits gras, sucrés, salés proposés par l’industrie.

Mais il ne faut pas non plus revenir en arrière. Il y a plus de cent ans, en 1890, on consommait quotidiennement plus de 4000 calories par jour pour les hommes et 3000 pour les femmes. Aujourd’hui, on en prend deux fois moins et la durée de vie a augmenté. Car quand on brûle des calories, on fabrique des radicaux libres qui favorisent le vieillissement. C’est un peu comme une chaudière : si on met 50 kilogrammes par jour de charbon dedans, la chaudière durera moins longtemps que si on en met 25 kilos par jour !

Depuis les années 1890, on a gagné plus de 30 années d’espérance de vie. C’est donc très positif.

La congélation est meilleure que la salaison. Bref, tout cela illustre bien le progrès.

Mais dans le même temps, ce progrès a des inconvénients. Avec moins de calories, on diminue ses apports en vitamines et en minéraux. Avant, on faisait plus d’efforts physiques et on mangeait plus de fruits et légumes du jardin. Aujourd’hui, on mange des produits préfabriqués remplis de « calories vides » et des aliments pasteurisés issus de l’agriculture intensive.

Existe-t-il des aliments à éviter ?

Il faudrait moins consommer de produits d’origine animale, comme les produits laitiers. Les fromages gras sont riches en calcium certes mais ce dernier est peu absorbé par l’organisme. Il est en effet bloqué par les graisses. Le fromage peut être un aliment plaisir.

Il est nécessaire d’ailleurs de bien faire la différence entre aliments santé et aliments plaisir. Dans cette dernière catégorie, on trouve les alcools, le chocolat…

Et des aliments à bannir ?

Avec la vache folle, on a interdit la cervelle. Je ne pense pas qu’on puisse interdir totalement et à tout jamais des aliments. Un barbecue peut être bien fait si les graisses vaporisées n’enfument pas la viande ou le poisson. Mal fait, il peut devenir dangereux pour la santé.

Pour les fêtes, on peut manger du saumon fumé, les autres jours on privilégiera le saumon frais… On peut toujours faire des exceptions.

Ce qui compte surtout, c’est de se nourrir au quotidien avec les aliments les plus riches en nutriments protecteurs. C’est ce qui optimise la forme immédiate et la santé à long terme.

Peut-on se soigner uniquement avec une alimentation bien choisie

Avec l’alimentation seule ? Non. On ne peut pas tout faire avec la nutrition. Le sport, la respiration (qui apporte de l’oxygène), la gestion du stress sont également primordiaux. Le stress par exemple fait dépenser inutilement du magnésium à notre organisme. Indirectement, la psychologie joue un rôle sur la nutrition. Nous mangeons pour nous détendre, pour nous déstresser.

Et, évidemment, il y a des maladies qui requièrent des médicaments. Si l’on est malade, les conseils alimentaires, la correction des déficits et l’utilisation des nutriments comme médicaments peuvent toutefois permettre de réduire les doses de médicaments et donc leurs effets secondaires.

Vous parlez d’ailleurs beaucoup du magnésium dans votre livre. A quoi sert-il ?

Le magnésium est effectivement un nutriment essentiel. Pourtant, sa carence est la plus répandue. C’est toute la population qui est touchée.

En cas de stress, lié à un bruit par exemple, le cœur s’accélère, le tonus musculaire augmente. La noradrénaline, un neurotransmetteur, envoie un signal. Une contraction musculaire se produit grâce à l’arrivée de calcium dans les cellules. Mais ce calcium, en entrant, chasse du magnésium hors de la cellule. Ce dernier se retrouve dans le sang puis dans le rein. Là, le magnésium est envoyé dans les urines. La déperdition de ce nutriment est parfois supérieure à l’apport quotidien recommandé !

1000 calories apportent en moyenne 120 mg de magnésium. Sachant que les femmes consomment 1700 calories par jour (2000 calories pour les hommes), on remarque que la majorité n’a pas l’apport conseillé. Selon l’étude SUVIMAX, plus des trois quarts de la population ne reçoit pas les apports quotidiens recommandés en magnésium.

Le manque de magnésium serait la première cause de fatigue. Pourtant, les médecins n’en entendent pas du tout parler au cours de leur cursus universitaire. Le médecin connaît les calories pour le surpoids mais pas le magnésium pour la fatigue !

Le magnésium est également essentiel pour les personnes malades. Quelque soit la thérapie, s’il n’y a pas d’énergie dans les cellules, le patient ne pourra pas guérir, le traitement sera nettement moins efficace.

Le manque de magnesium est également responsable de troubles du sommeil, de troubles digestifs…

Remonter le taux de magnésium permettrait de moins utiliser d’anxiolytiques, d’antidépresseurs, de bêta-bloquants, d’anti-hypertenseurs ou même tout simplement de laxatifs…

Pourquoi, dans ces conditions, n’est-il pas plus prescrit ?

Déjà parce que les médecins n’en ont pas entendu parler au cours de leur cursus universitaire. De plus, on me dit souvent que « c’est trop simple » pour être vrai…Sans compter qu’il n’y a pas d’argent derrière de telles molécules non brevetables... C’est aussi une question d’habitudes. Les patients peuvent parfois être déçus s’ils ne ressortent pas avec une bonne « tartine » de médicaments remboursés.

Lire : Quel magnésium choisir

De quelles carences souffrent les gens en général ?

Il existe des carences évidentes. On peut citer le magnésium bien sûr mais aussi la vitamine E ou les oméga-3. Pour la vitamine E, il est impossible d’avoir une quantité suffisante uniquement par l’alimentation. Il est nécessaire de prendre des suppléments. Après 65 ans, on manque généralement de zinc et de vitamines B6. Le problème de la vitamine D est aussi loin d’être résolu. L’INSERM conseille de donner de la vitamine D aux adolescents jusqu’à la fin de leur croissance. Mais cette recommandation est loin d’être suivie.

Lors d’une consultation, le praticien peut rapidement détecter certaines carences. Des crampes ou de la fatigue sont synonymes de manque de magnésium, une peau sèche d’un déficit en oméga-3. Après les examens cliniques, on peut utiliser des analyses biologiques et des dosages. Les résultats nous permettent de donner des conseils alimentaires adaptés à chacun.

Pour certains nutriments comme le fer ou le calcium, une alimentation équilibrée peut suffir. En revanche, d’autres tels le magnésium, nécessitent la prise d’un complément, surtout en traitement d’attaque. Les doses sont ensuite très personnelles. On ne prendra pas la même dose de magnésium en vacances ou au moment d’un divorce… Enfin, d’autres nutriments (vitamines D, E…) devraient, tout comme l’iode, être donnés systématiquement. Et c’est loin d’être le cas. Il reste donc beaucoup de choses à faire.

Comment choisir son complément ?

Avant, on avait tendance à prescrire le « tout en un ». Toutes les vitamines dans un même comprimé. Mais je ne conseille pas de faire ça car tout le monde ne manque pas des même choses. Je préfère le cas par cas. Il faut aussi veiller à ne pas mélanger certaines substances. La vitamine C est un antioxydant tandis que le cuivre et le fer sont des pro-oxydants et ont donc l’effet inverse. Lorsque du fer et du cuivre se trouvent dans le même complément, non seulement ils détruisent les vitamines antioxydantes comme la vitamine C, mais ils produisent des radicaux libres. La commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments (AMM) a bien précisé que l’association vitamine C-fer est « une bombe oxydative ».

Concrètement, le premier critère de choix d’un complément est qu’il n’y ait ni fer ni cuivre. Le deuxième est que les minéraux soient absorbables (« biodisponibles »). Troisième critère : la vitamine E doit être naturelle et le bêta-carotène doit remplacer la vitamine A.

Faut-il prendre en permanence des compléments alimentaires ?

Il faut distinguer les compléments purement nutritionnels, faits pour compenser les limites de l’alimentation des compléments circonstanciels. Sans oublier les compléments que l’on pourrait appeler de « démarche active ».

Les compléments purement nutritionnels contiennent pour la plupart des vitamines et des minéraux compatibles précisément dosés. Ils sont censés apporter ce que l’alimentation n’apporte pas suffisamment. Tout cela pour éviter les déficits. Ils sont donc à prendre chaque jour. C’est d’ailleurs ce que font plus de 90% des Américains et 70% des Suédois. En France nous n’en sommes qu’au tout début.

Enfants, adolescents et personnes âgées doivent recevoir en plus de la vitamine D prescrite par leur médecin.

Au-delà vous avez les compléments circonstanciels qui répondent à des besoin particuliers (lors de la grossesse, d’un examen, d’une pratique sportive, d’une période de stress…).

Et puis vous avez des compléments qui ne répondent plus du tout à un besoin nutritionnel mais qui représentent une intervention active. Par exemple un complexe antioxydant comprenant vitamine E naturelle, vitamine C, bêta-carotène, lycopène (pigment rouge de la tomate), lutéine (pigment jaune du maïs qui protège la rétine des brûlures du soleil et de la DMLA) et du sélénium… Tout cela à des doses supérieures aux doses nutritionnelles. Il s’agit ici de freiner les phénomènes du vieillissement et de réduire des risques de pathologies à long terme (comme les pathologies cardiovasculaires, la maladie d’Alzheimer…).

Les gens s’intéressent-ils à la nutrithérapie ?

De plus en plus… On voit que les demandes sont de plus en plus nombreuses. En cas de problèmes de fertilité, certains s’orientent vers la nutrithérapie. Les femmes enceintes veulent des conseils pour mener à bien leur grossesse. La nutrithérapie peut permettre d’arrêter de fumer plus facilement. Avec des glucides lents, du magnésium et du lithium, on peut diminuer les dépendances, au tabac notamment. Il y a beaucoup d’applications possibles.

Les gens lisent aussi de plus en plus sur ce sujet. Ils entendent dire que, statistiquement, 70% des médicaments ne seraient pas appropriés. Pour le cholestérol, la tension artérielle (étude DASH), la prévention de récidive d’un infarctus (études sur le régime méditerranéen de Lyon ou étude CHAOS), l’anxiété, certaines dépressions et même des pathologies graves comme la sclérose plaques ou la myopathie, on sait aussi que les conseils alimentaires et/ou les compléments sont au moins aussi efficaces (et avec moins d’effets secondaires) que les médicaments.

En ce moment, c’est finalement le patient qui dynamise le mouvement. Si la nutrithérapie marche, c’est bien qu’elle correspond à une demande réelle. De toutes les façons, je suis sûr que les mœurs vont changer. Et je crois sincèrement qu’on ne pourra pas faire autrement.

La nutrithérapie est-elle la médecine de l’avenir ?

Quand on voit tout ce qu’on dépense en soins médicaux, cela donne envie de faire de la prévention ! Surtout quand, pour certaines maladies comme la dégénérescence maculaire liées à l’âge (DMLA : destruction progressive de la zone centrale de la rétine, appelée macula, qui se manifeste par une baisse de la vision centrale et qui évolue progressivement vers la cécité, ndlr) ou la maladie d’Alzheimer, il n’y a pas de traitement réellement efficace !

Près de 12.000 chercheurs travaillent sur le stress oxydatif et les radicaux libres. Ces substances sont responsables du vieillissement et de maladies telles que les maladies cardio-vasculaires, les cancers, la cataracte, la DMLA, l’ostéoporose, l’arthrose, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson… Et aujourd’hui on retrouve ce stress oxydatif dans les maladies du prématuré, les infections, l’inflammation, l’allergie…L’inflammation s’avère un phénomène très important dans le surpoids, le diabète… Tout cela met en avant l’extraordinaire potentiel de la nutrithérapie, car les réponses se trouvent dans des nutriments comme les acides gras oméga-3, les antioxydants et le magnésium. Que ce soit en prévention ou en thérapeutique, la médecine ne pourra plus se contenter de l’ancienne réponse confiante en la toute-puissance du médicament. Il va lui falloir réintégrer des dimensions basiques comme la nutrition. C’est d’ailleurs ce qu’a commencé à reconnaître le gouvernement avec des études comme SUVIMAX, le Plan National Nutrition Santé et les nouvelles mesures prises contre le surpoids chez les enfants et adolescents.

Quel est selon vous l’aliment santé par excellence ?

C’est difficile comme question... C’est l’ensemble de l’alimentation qui est important. On ne peut pas citer un aliment seul. C’est vraiment tout un faisceau. Désigner un aliment parmi tant d’autres serait trop simpliste.

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