Qu’est-ce que l’autophagie ?

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 16/05/2018 Mis à jour le 02/03/2022
Définition

C’est l’un des sujets de recherches les plus brûlants du moment : l’autophagie, du grec « auto » voulant dire « soi-même » et « phagie » signifiant « manger », est un processus naturel d’auto-nettoyage des cellules hérité de l’évolution.

Qu’est-ce que l’autophagie ?

Définition

L’autophagie, du grec « auto » voulant dire « soi-même » et « phagie » signifiant « manger », est un processus naturel d’auto-nettoyage des cellules hérité de l’évolution. Aujourd’hui, les chercheurs qui étudient l’autophagie pensent que cancer, maladie d’Alzheimer, maladies auto-immunes, diabète, maladies cardiovasculaires ou hépatiques… pourraient être associées à une autophagie défaillante.

Qui a reçu le prix Nobel pour l'autophagie ?

La découverte du mécanisme de l’autophagie est relativement récente. En 1963, le Belge Christian de Duve (Nobel de physiologie en 1974) décrit un mécanisme de dégradation des protéines à l’intérieur des cellules et lui donne le nom d’autophagie. En 1988, le Japonais Yoshinori Ohsumi (Institut de Technologie de Tokyo) est le premier à observer au microscope, dans des cellules de levures privées de nutriments, des vésicules impliquées dans l’autophagie. Il se voit décerner en 2016 le Nobel de médecine pour avoir décrit ce mécanisme.

Les mécanismes physiologiques

Les cellules du corps sont comparables aux voitures dont il faut remplacer de plus en plus de pièces au fur et à mesure qu’elles vieillissent. Avec le temps, il est aussi nécessaire de remplacer des pièces subcellulaires, puis lorsque la cellule devient trop vieille pour justifier une réparation, elle est détruite pour faire place à une nouvelle cellule saine.

L’apoptose, ou mort cellulaire programmée, est un processus qui se déclenche dans la cellule quand elle atteint un certain âge et qui la pousse à se suicider. Toutefois, lorsque seuls certains composants cellulaires nécessitent un remplacement, c’est l’autophagie qui s’enclenche.

L’autophagie est une forme de nettoyage cellulaire complexe : il s’agit d’un processus régulier et ordonné qui consiste à décomposer et à recycler des composants cellulaires lorsque l’énergie nécessaire à leur survie est devenue insuffisante. Lorsque tous les composants cellulaires défectueux ou malades ont été éliminés, le corps peut commencer le processus de renouvellement. De nouvelles cellules et de nouveaux tissus sont générés pour remplacer ceux qui ont été détruits. Le corps se renouvelle ainsi.

Au fil du temps, des composants cellulaires indésirables s’accumulent lorsque les processus liés à l’autophagie ne sont pas activés régulièrement. Cela favorise l’apparition de certaines maladies comme les cancers. Notons qu’un taux élevé de glucose, d’insuline et de protéines peut empêcher l’autophagie. A l’inverse, le jeûne ou l’endurance l’activent.

L’autophagie, ou comment les cellules recyclent leurs déchets

Dans l’organisme les cellules subissent des dommages constants dus aux différents processus métaboliques. Et à mesure que l’on vieillit et que l’on subit divers stress (notamment un stress oxydant), ces dommages deviennent de plus en plus nombreux. C’est là qu’entre en scène l’autophagie. À l’intérieur même de la cellule, elle permet de dégrader toutes les protéines vieillissantes, les agrégats protéiques devenus trop gros, etc. Ainsi, certains composants des cellules comme les fameuses mitochondries, les centrales énergétiques, sont nettoyées et le fonctionnement cellulaire est ainsi optimisé. Si les cellules ne font pas ce travail d’autophagie, elles accumulent des « déchets » qui font le lit de l’inflammation et de nombreuses maladies chroniques associées.

Nos cellules contiennent deux grands sites de recyclage :

  • Celui appelé protéasome est un petit groupe de protéines. Il avale les protéines individuelles comme un enfant aspire un spaghetti. Une fois à l’intérieur du protéasome, la protéine est découpée en acides aminés, les briques élémentaires de construction.
  • Le lysosome, une grande bulle entourée d’enzymes toxiques est chargé des recyclages plus importants. Le lysosome peut ainsi dégrader de grandes structures cellulaires ou organites, comme les mitochondries, les centrales énergétiques en forme de haricot. Pour dévorer une mitochondrie, la cellule l'emmaillote d'abord dans une membrane, un peu comme un linceul. Cette membrane est ensuite transportée vers un lysosome. La membrane se fond dans le lysosome, qui déchire ensuite la mitochondrie. Ses restes sont recrachés par des canaux à la surface du lysosome.

Les lysosomes sont des broyeurs d'ordures polyvalents. En plus d'absorber le matériel enveloppé d’une membrane, ils peuvent aussi attirer des protéines individuelles par l'intermédiaire de portails spéciaux à leur surface. Les débris déchiquetés qui sont rejetés par les lysosomes ne sont pas des déchets inutiles. La cellule utilise ces matériaux pour construire de nouvelles unités fonctionnelles, en se recréant ainsi progressivement à partir d'anciennes pièces.

Ce processus d’autodestruction/recyclage peut apparaître comme une perte de temps et d’énergie mais c’est en réalité un processus essentiel à notre survie, pour différentes raisons. Par exemple, les protéasomes sont capables de détruire très rapidement certaines protéines ce qui permet à la cellule de garder le contrôle sur sa concentration en protéines. Les lysosomes, eux, permettent à la cellule de ne pas dépendre de l’alimentation pour créer de nouvelles molécules.

Outre ses effets sur les dommages cellulaires, l’autophagie est utile aussi en cas de manque de nourriture. Les lysosomes deviennent en effet plus actifs encore lorsque le temps entre deux repas augmente ou que l’on ne mange pas. Les cellules répondent ainsi à la famine en ne fabriquant uniquement les molécules les plus importantes pour leur survie et en laissant les lysosomes nettoyer le reste.

À quoi sert l’autophagie ?

Cette stratégie de survie cellulaire, l’autophagie, serait apparue il y a deux milliards d’années. Aujourd’hui tous les animaux, plantes, champignons et protozoaires repose sur elle pour leur survie en cas de famine.

Mais il n’y a pas qu’en cas de famine que l’autophagie permet la survie. Chez le bébé elle est également vitale. Au moment de la naissance le corps d’un nouveau-né a besoin d’énormément d’énergie pour pouvoir se mettre à fonctionner tout seul. Or c’est le moment où le cordon ombilical qui le nourrissait jusqu’alors est coupé. Des scientifiques japonais ont ainsi montré chez la souris que les lysosomes passent en puissance maximale à la naissance avant de revenir à un fonctionnement normal un ou deux jours plus tard.

On peut donc dire que l’autophagie a pour principale fonction de fournir des nutriments pour des fonctions cellulaires vitales au cours des périodes de jeûne ou dans d’autres situations de stress comme le manque d’oxygène.

Comment activer l'autophagie ?

Jeûne, régime, sport…

L’autophagie semble essentielle à la bonne santé des cellules. Mais comment faire pour empêcher son activité de décroître, notamment avec l’âge ?

On l’a vu, l’activité autophagique des cellules s’accroît lorsque le corps n’est plus alimenté. Espacer ses prises alimentaires permet ainsi d’augmenter naturellement l’autophagie. C’est d’ailleurs en partie pour cela que dans le protocole anti-Alzheimer du Dr Bredesen, il est recommandé de laisser au moins 12h entre la fin du dîner et le petit déjeuner. Le jeûne intermittent ou fasting (regrouper toutes ses prises alimentaires sur une fenêtre de 8h dans la journée) augmente aussi l’activité autophagique. Le jeûne en alternance aussi.

L'induction de l'autophagie se fait aussi en stressant naturellement les cellules (notamment celles des muscles, du foie, du cerveau ou du pancréas) grâce à l’exercice physique (endurance).

Générer une légère cétose avec un régime pauvre en glucides et riche en graisses pourrait aussi permettre d’augmenter l’activité autophagique des cellules.

Quelle est la molécule la plus efficace pour bloquer l'autophagie ?

La voie de signalisation mTOR est très étudiée dans les recherches sur la longévité. mTOR (cible de la rapamycine chez les mammifères) est un capteur de protéines et acides aminés. Il est activé lors de leur consommation. Son activation inhibe les mécanismes d’autophagie et entraîne le vieillissement cellulaire. Paradoxalement, la restriction protéique pourrait quant à elle permettre l’entretien cellulaire et la formation de nouvelles protéines

Pour aller plus loin, lire : Comment activer l’autophagie des cellules ? (Abonné)

L’autophagie et les maladies chroniques

Le cas complexe des cancers

Un processus d’autophagie non défaillant pourrait aider à se protéger du cancer. Au fur et à mesure que les mitochondries vieillissent, elles se débarrassent de particules réactives, les radicaux libres, qui peuvent faire des ravages dans une cellule et entraîner des mutations génétiques potentiellement cancéreuses. En recyclant les mitochondries défectueuses, les lysosomes peuvent rendre les cellules moins susceptibles d'endommager leur ADN et de devenir cancéreuses.
Si la perte d’autophagie est associée à un risque plus élevé de cancer, certaines cellules cancéreuses utilisent l’autophagie pour survivre et se développer dans un environnement toxique pour elles (chimiothérapie, radiothérapie). Ceci a été montré dans des modèles de cancer avancé du pancréas par exemple.

Dans le même temps, certains traitements sont efficaces parce qu’ils activent des mécanismes d’autophagie, et la restriction calorique qui elle-même favorise l’autophagie a été décrite comme un moyen thérapeutique de freiner le développement de certaines tumeurs. Donc l’autophagie apparaît comme un mécanisme ambivalent dans le cancer, pouvant selon le cas supprimer la prolifération des tumeurs ou au contraire la favoriser, ce qui complique les interventions thérapeutiques. Tout cela dépend du type de cellule cancéreuse, ses caractéristiques génétiques, et le micro-environnement de la tumeur.

Les maladies neurodégénératives (maladie d'Alzheimer, Parkinson…)

Ces maladies, qu’il s’agisse d’Alzheimer, de Parkinson, de la maladie de Huntington, de la maladie de Charcot (sclérose latérale amyotrophique) et d’autres encore ont deux points communs. D’abord, on y rencontre des agrégats de protéines incorrectement repliées, qui s’accumulent dans les neurones, entraînant leur dysfonctionnement et/ou leur mort. Dans une cellule saine, les protéines qui ne sont pas bien repliées sont dégradées par les protéasomes. Si la capacité des protéasomes est dépassée, les mécanismes d’autophagie sont activés pour éliminer les agrégats de protéines et les structures de la cellule qui ont été irrémédiablement endommagées par ces protéines.

Le deuxième point commun à ces maladies, c’est l’existence de mitochondries défectueuses. Ces mitochondries altérées posent un risque considérable aux cellules parce qu’elles entraînent une augmentation considérable du niveau de radicaux libres qui peuvent endommager la cellule et son code génétique. Pour remédier à cette situation, les cellules séparent les mitochondries abîmées du réseau des autres mitochondries et les éliminent par autophagie. Si les mécanismes d’autophagie sont inopérants, les mitochondries défectueuses s’accumulent, augmentant le risque de maladie.

Contrairement au cas ambivalent des cancers, l’autophagie semble donc un mécanisme extrêmement favorable pour prévenir ou inverser les maladies neurodégénératives.

Les infections

L’autophagie cible et élimine de nombreuses bactéries dont Mycobacteria, Listeria, Salmonella, Legionella, Shigella, Listeria, et les streptocoques du groupe A. Ce processus s’appelle xénophagie. Dès que ces bactéries pénètrent le cytosol elles sont séquestrées dans des membranes autophagiques et éliminées. Il faut noter cependant que certaines souches bactériennes ont imaginé des stratégies pour échapper à l’autophagie.

Les maladies auto-immunes et l’inflammation

L’autophagie intervient dans le contrôle des processus inflammatoires, et le développement de certains globules blancs, les lymphocytes. Les animaux chez lesquels les processus d’autophagie ne marchent pas sont plus susceptibles aux maladies auto-immunes comme le lupus, la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis, le diabète de type 1, la sclérose en plaques.
La recherche fonde donc de grands espoirs dans l’activation de l’autophagie comme moyen thérapeutique contre ces maladies.

L’autophagie, essentielle à la longévité ?

Le déclin de la capacité d’autophagie des cellules avec l’âge pourrait ainsi favoriser la survenue de nombreuses maladies communes chez les personnes âgées. Devenues incapables de nettoyer leurs ordures et de les recycler, les cellules s’enrayent. Si cette hypothèse s’avère correcte, il sera peut-être possible de ralentir le vieillissement en induisant l’autophagie.
Nous savons depuis longtemps que les animaux soumis à une restriction calorique vivent bien plus longtemps que leurs congénères nourris normalement. Des recherches récentes ont montré que la restriction calorique augmente l’autophagie des cellules et la maintient à un niveau élevé. Les animaux semblent répondre à une restriction calorique en se nourrissant de leurs propres cellules, comme en temps de famine. Dans le même mouvement, les cellules se nettoient des molécules et organites défaillants ce qui expliquerait le ralentissement du vieillissement.
Ou, dit autrement, le vieillissement serait dû à l’accumulation de différents dommages cellulaires tout au long de la vie, conduisant à des maladies puis à la mort. En limitant ces dommages cellulaires, l’autophagie permettrait de ralentir le vieillissement et de prévenir certaines maladies. C’est une des hypothèses scientifiques actuelles.

De la même manière, les chercheurs savent que la mutation d’un seul gène peut augmenter énormément l’espérance de vie d’un animal. Par exemple les mutations qui réduisent l’activité des récepteurs à l’insuline et du facteur de croissance IGF-1 peuvent doubler l’espérance de vie des nématodes. Curieusement ces gènes qui ont un effet sur la longévité agissent en affinant les mécanismes d’entretien et de réparation cellulaires. Et les chercheurs ont été capables d’identifier les mêmes gènes chez les humains.

À lire aussi : Faut-il limiter les protéines pour augmenter notre longévité ?

L’autophagie et le maintien des équilibres métaboliques

Les cellules de graisse (adipocytes) des personnes obèses montrent une activité autophagique défaillante. Après une chirurgie bariatrique induisant un apport en nutriments restreint, l’activité autophagique des adipocytes tend à revenir à la normale.
Par ailleurs, une autophagie défaillante des cellules du foie est aussi liée à l’insulino-résistance hépatique sans que l’on sache encore si c’est une cause ou une conséquence de cette insulino-résistance.
L’autophagie semble jouer un rôle important aussi dans le maintien d’un tissu musculaire de qualité.
Le fait qu’on observe des activités autophagiques moindres dans des organes clés de l’équilibre métabolique suggère que cette défaillance pourrait être la cause cachée des maladies métaboliques liées au mode de vie. Manger trop et/ou mal pourrait donc non seulement causer ces maladies via l’insulino-résistance par exemple mais aussi en supprimant ou en réduisant l’autophagie des cellules.

Pour aller plus loin, lire : La solution longévité des Drs James DiNicolantonio et Jason Fung

Références
  1. van Niekerk G, du Toit A, Loos B, Engelbrecht AM. : Nutrient excess and autophagic deficiency: explaining metabolic diseases in obesity. Metabolism. 2018 May;82:14-21. doi: 10.1016/j.metabol.2017.12.007.
  2. Tibor Vellai, Krisztina Takács-Vellai, Miklós Sass, Daniel J. Klionsky : The regulation of aging: does autophagy underlie longevity? Trends in Cell Biology, Vol. 19, Issue 10, p487–494.
  3. Kirkwood, T.B.L. (2008) A systematic look at an old problem. Nature 451, 644–647.
  4. Soussi, H., Reggio, S., Alili, R., Prado, C., Mutel, S., Pini, M., Rouault, C., Clement, K., Dugail, I. 2015 DAPK2 Downregulation Associates With Attenuated Adipocyte Autophagic Clearance in Human Obesity. Diabetes. 64, 3452-3463. (DOI 10.2337/db14-1933).
  5. He, C., Sumpter, J., Rhea, Levine, B. 2012 Exercise induces autophagy in peripheral tissues and in the brain. Autophagy. 8, 1548-1551.

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