Pour les nutritionnistes, le régime Paléo, c’est « avec des céréales complètes »

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 04/03/2013 Mis à jour le 10/03/2017

Pour le Dr Patrick Serog, le régime Paléo est dangereux pour les os et le coeur, et impossible à suivre. Mieux vaut continuer à manger des aliments industriels.

Le 28 février dernier, Télé-Matin a interrogé au sujet du régime Paléo un médecin présenté comme porte-parole du point de vue des "nutritionnistes français", le Dr Patrick Serog. Verdict de cet éminent spécialiste :

1. Le régime Paléo, c'est "avec des céréales complètes"

2. Cette alimentation sans laitages met la santé des os en danger

3. Avec ce régime, on mange beaucoup de viande, ce qui augmente cholestérol et acide urique

4. Le Paléo est impossible à suivre à long terme et quand on arrête, c'est pire qu'avant; mieux vaut continuer à manger une alimentation variée avec des aliments industriels

Pourquoi c’est faux

Céréales complètes : pourquoi c’est faux. Le Dr Serog chiffre à 70% la part des  « tubercules et céréales complètes, baies noix ». Or le régime Paléo exclut tous types de céréales, complètes ou pas, puisque ces aliments n’ont été introduits qu’au Néolithique. C’est d’ailleurs bien ce que précise la journaliste Brigitte Fanny-Cohen en présentation de cette rubrique. En réalité le régime Paléo fait la part belle aux végétaux (légumes, fruits, baies, feuilles, fleurs, oléagineux, tubercules sauf pomme de terre), sans la moindre céréale.

Une alimentation sans laitages qui est préjudiciable à la santé des os : pourquoi c’est faux. Les laitages ne sont consommés par l'espèce humaine que depuis 10 à 12 000 ans, ils ne l'ont pas été pendant sept millions d'années. Or les fractures ostéoporotiques sont extrêmement rares au Paléolithique. Leur incidence augmente considérablement après la transition agricole, au Néolithique. Les études chez les chasseurs- cueilleurs des temps modernes, en particulier les Aborigènes ont trouvé que les fractures du col du fémur sont très peu répandues. Par ailleurs, les études par pays montrent qu’à âge comparable, il y a infiniment moins de fractures du col du fémur dans les populations qui ne consomment pas de laitages que dans celles qui en consomment beaucoup. Le régime traditionnel d'Okinawa est un régime sans laitages, avec un taux bien plus faible de fractures du col du fémur que celui qu'on connaît en France. Donc un régime sain sans laitages ne nuit pas à la santé osseuse.

Le régime Paléo, c’est beaucoup de cholestérol et d’acide urique : pourquoi c’est faux. D’abord, manger Paléo ce n’est pas manger que de la viande et/ou du poisson. L’analyse de la consommation de 5 populations africaines vivant de la chasse et de la cueillette montre que la part de la viande et/ou du poisson contribue respectivement à 26, 33, 44, 48 et 68% des calories. De son côté Loren Cordain et coll. ont calculé qu’un régime paléo apportait 25 à 29% des calories sous la forme de protéines, 39 à 40% sous la forme de glucides, 30 à 39% sous la forme de graisses. Ensuite, ce type d’alimentation n’augmente absolument pas le cholestérol, comme le prétend le Dr Serog. Les chasseurs cueilleurs des temps modernes connaissent des valeurs extrêmement favorables de pression artérielle, cholestérol sanguin. Pour l'acide rique, une étude a comparé son niveau chez des chasseurs-cueilleurs de Nouvelle-Guinée et des Suédois. Résultats : peu de différences entre les deux populations, sauf après 40 ans où le niveau d’acide urique est inférieur de 10% chez les hommes et femmes de Nouvelle-Guinée.

Le régime Paléo est impossible à suivre à long terme, donc au final on est en moins bonne santé qu’avant : pourquoi c’est faux. Le régime Paléo est l’occasion de renouer avec le mode alimentaire qu’a connu l’humanité pendant des millions d’années : peu de produits transformés, beaucoup de végétaux, viande et poisson à la demande. Les bénéfices pour la santé sont souvent tangibles, par exemple sous la forme de perte de poids, ou d’amélioration de marqueurs du diabète et de la santé cardiovasculaire. Ces bénéfices sont un encouragement à poursuivre dans la voie d’une alimentation plus saine, moins transformée, comme le montrent des exemples récents. Le cas le plus célèbre est celui de l’Américain Steve Cooksey, diabétique sous insuline, qui s’est complètement débarrassé de sa maladie. Selon Robb Wolf, auteur de The Paleo Solution, environ un million d’Américains suivraient un régime de type Paléo.

Un bon point à relever cependant dans l'intervention du Dr Serog : la prise en compte de la notion d'index glycémique, négligée jusqu'ici, et qui a bien du mal à faire son chemin chez les nutritionnistes français.

Le Dr Patrick Serog, qui s’est déjà illustré par des propos controversés est l’auteur avec le Dr Jean-Michel Cohen du guide Savoir Manger (Flammarion). Il dirige le salon professionnel Dietecom, qui sert entre autres de tribune promotionnelle pour l’industrie agroalimentaire (cette année, l'Association internationale des édulcorants, et Coca-Cola).

Le régime Paléo avec le Dr Staffan Lindeberg

Pour aller plus loin : Je me mets au paléo d'Aglaée Jacob

Références

Lindeberg S, Ahren B, Cordain L, Rastam L. Serum uric acid in traditional Pacific Islanders and in Sweden. J Intern Med 2004; 255:373-378.

Lindeberg S. Paleolithic diets as a model for prevention and treatment of Western disease. Am J Hum Biol. 2012 Mar-Apr;24(2):110-5.

Kuipers RS, Luxwolda MF, Dijck-Brouwer DA, Eaton SB, Crawford MA, Cordain L, Muskiet FA. Estimated macronutrient and fatty acid intakes from an East African Paleolithic diet. Br J Nutr. 2010 Dec;104(11):1666-87.

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