Pourquoi nous aimons le sucré, mais pas l'amer

Par Didier Souccar - Pharmacien Publié le 21/10/2008 Mis à jour le 01/06/2022
Enquête

L'évolution humaine nous a conduit à nous méfier du goût amer, et rechercher les goûts sucrés. Mais cela peut être un inconvénient aujourd'hui.

Des goûts utiles à la survie de l'espèce humaine

Les chercheurs considèrent à ce jour qu’il existe 5 saveurs : l’acide, le sucré, le salé, l’amer et le savoureux, ou umami. Une équipe de scientifiques américains a publié une étude sur le calcium, qui serait la sixième saveur que l’on peut percevoir. Pourquoi la majorité d’entre-nous préfère-t-elle le salé ou le sucré à l’amer ? La réponse serait à chercher du côté de l'évolution. Après tout, comme le montrent Bret Weinstein et Heather Heying dans leur livre, "nous restons des chasseurs-cueilleurs égarés au 21ème siècle."

Lire Le guide des chasseurs-cueilleurs égarés au 21ème siècle

Pourquoi ce rejet de l’amer ?

Des chercheurs pensent que nous n’aimons pas beaucoup l’amer, du fait d'un vieux réflexe de survie que les premiers hommes ont développé lorsqu’ils pratiquaient la cueillette pour se nourrir. La saveur amère correspondait le plus souvent à des végétaux toxiques. En effet les corps amers les plus actifs dans les aliments sont des alcaloïdes qui servent aux plantes à se protéger des agressions de leurs prédateurs... Le rejet de l’amer a donc bien souvent sauvé la vie aux premiers hommes, car beaucoup de plantes amères sont des poisons.

Par ailleurs, le rejet de l’amer a une autre origine : sa disparition progressive de notre alimentation, d’abord au profit de l’acide et de l’aigre-doux, puis du gras et du sucré. L’amer, pas trop aimé, est souvent caché : par la cuisson, par l’ajout de sucre et de lait dans le thé et le café, par l’ajout de piment, de saveurs. Et là c’est le début d’un cercle vicieux... On n’aime pas cette saveur, donc on la cache. Moins habitués, on l’aime encore moins...

Cependant, le rejet de l'amer qui a peut-être servi l'évolution humaine autrefois, se retourne contre nous aujourd'hui. Car la saveur amère à petites doses a du bon ! En effet, les végétaux amers contiennent également plusieurs substances comme les lactones sesquiterpéniques (un groupe de substances de la famille des terpénoïdes), et les composés phénoliques, tous trouvés dans les chicorées et endives. Les lactones sesquiterpéniques et les composés phénoliques ont des propriétés intéressantes pour la santé puisqu'ils sont antioxydants et anti-inflammatoires et pourraient jouer un rôle important dans la prévention des cancers et maladies chroniques non transmissibles. 

Malheureusement, dans les années 1970, les semenciers ont mis au point des variétés hybrides (celles que nous trouvons généralement dans le commerce) avec plusieurs conséquences, dont la perte d'amertume. Cela signifie que les endives d'aujourd'hui, par exemple, ont bien moins d'intérêt pour la santé que celles consommées il y a 60 ans.  La saveur amère devrait  certainement être réhabilitée. On peut la trouver en pratiquant la cueillette de plantes sauvages.

Lire aussi : 7 plantes sauvages que nous devrions manger

Pourquoi l'attirance pour le sucré ?

Notre appétit pour le sucre raffiné et pour les aliments et boissons sucrés est si fort qu'il a influencé le cours de l'histoire humaine, favorisé l'esclavage, et conduit à une consommation de sucre à l'origine de maladies chroniques. Nous pouvons aussi être "accro" au sucre, comme le dit le chercheur français Serge Ahmed qui a conduit des études sur le sujet.

L'intérêt pour le goût sucré provient du fait que le sucre contient des calories ; le sucre est un signal chimique indiquant que l'on peut se procurer de l'énergie. De plus, la présence de sucre envoie également un signal de sécurité car les produits sucrés sont rarement toxiques. Dans certains cas, le sucre est concentré dans les parties des plantes destinées à être mangées afin que les graines puissent être dispersées ; c'est par exemple le cas des dattes ou des pommes. Le miel est une exception : il est destiné à nourrir les abeilles mais peut être subtilisé. Mis à part les fruits et le miel, consommé par nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, les aliments sucrés ne faisaient pas partie de l'alimentation humaine jusqu'à une époque récente. Le sucre raffiné a été introduit d'abord comme médicament puis comme aliment.

Il existe des preuves suggérant que le goût pour le sucré a évolué avec celui pour l'éthanol, car les fruits fermentés contiennent à la fois sucre et alcool. 

Pourquoi l’umami séduit ?

L'umami est une saveur décrite pour la première fois en 1908 par le chimiste et gastronome japonais Kikunae Ikeda. En avalant un bol de soupe aux algues, Ikeda a cru détecter une saveur distincte ne pouvant être décrite par les goûts déjà répertoriés. Ikeda a exploré cette saveur dans son laboratoire. Il a découvert qu'elle est liée à des niveaux élevés de glutamate, un acide aminé, dans les aliments comme la viande, le poisson, la tomate. Il a surnommé cette saveur umami.

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Comme pour les messagers des quatre autres goûts, nous ressentons l'umami lorsque le L-glutamate se lie à certains récepteurs sur la langue. La découverte d'Ikeda a conduit au développement du glutamate monosodique (MSG), un exhausteur de goût et additif controversé.

Les chercheurs pensent que l'umami a pu être utile à l’homme pour identifier la présence de protéines dans un aliment. Un envie d'aliment umami pourrait être un signal rappelant à votre corps qu'il doit consommer plus de protéines. De plus, le glutamate est un acide aminé précurseur du GABA, le principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux, qui nous aide à nous détendre et maintenir une humeur stable (il peut aussi être toxique pour les neurones).

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