C'est confirmé : manger moins gras ne fait guère maigrir

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 03/11/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Une méta-analyse de 53 études confirme que le slogan "mangez moins gras" repose sur pas grand-chose.

Certes, il semble logique, pour perdre sa graisse corporelle, de manger moins de graisses alimentaires. De la même manière qu’il semble logique, pour avoir des os en bonne santé, de manger plus de calcium. Mais voilà : on sait depuis longtemps que ces deux stratégies sont inefficaces.

Une méta-analyse parue le 30 octobre 2015 vient nous le confirmer : les régimes pauvres en graisses n’apportent sur la durée aucun bénéfice par rapport à d’autres types de régimes à visée amaigrissantes. Ils sont même par certains aspects moins efficaces que les régimes pauvres en glucides. Les auteurs demandent que ces résultats soient pris en compte dans les recommandations nutritionnelles.

Des recommandations à côté de la plaque

Le Programme national nutrition santé (PNNS) considère que l’excès de graisses alimentaires « peut augmenter le risque d’obésité ». Voilà l’origine du slogan « mangez moins gras ». Ce slogan date de 2001. Disposait-t-on à l’époque d’études rigoureuses prouvant qu’il faut manger moins gras pour être mince et en bonne santé ? Non. Alors pourquoi l’avoir adopté ? Il semble que la principale justification tienne à la quantité de calories fournies par 1 g de lipides : 9 kcal. Voilà qui, sans mauvais jeu de mots, est un peu maigre mais correspond bien à l’idéologie qui a dominé à partir des années 1960.

Cette idéologie est tout entière basée sur le dogme des calories ou, comme l’a écrit Gary Taubes dans « Pourquoi on grossit », sur le modèle de l’équilibre énergétique : si on consomme plus de calories qu’on en dépense, on grossit. Ce modèle était pourtant déjà bien mal en point à la fin des années 1990. Par exemple dans le Handbook of Obesity publié en 1998, on pouvait lire que les résultats des régimes hypocaloriques sont « faibles et peu durables ».

Lire : Gary Taubes : "Les recommandations nutritionnelles officielles rendent les gens malades."

Au même moment, dans "Santé mensonges et propagande", nous écrivions avec Isabelle Robard que « les preuves scientifiques qui accusent les graisses sont plutôt minces (…) et on aurait tort d’éliminer les graisses alimentaires dans le but très aléatoire de maigrir. »

L’étude WHI publiée en 2006 en a été la confirmation. Pour cette étude, les scientifiques des Instituts nationaux de la santé des États-Unis ont recruté environ 50 000 femmes ; parmi elles, 19 541 ont suivi un régime ayant pour objectif de diminuer la part des graisses alimentaires de 38 % à 20 % des calories. Parallèlement, 29 294 femmes suivaient leur régime habituel. Après huit ans, il n’y avait pratiquement aucune différence de poids entre les deux groupes. Quant au tour de taille moyen, il avait augmenté dans le groupe qui suivait le régime pauvre en graisses.

Et donc, en 2006, le site LaNutrition.fr demandait logiquement aux autorités sanitaires françaises de modifier leurs messages nutritionnels concernant les corps gras. Demande entendue par l’agence de sécurité sanitaire des aliments (ANSES, ex-Afssa) mais ignorée jusqu’à ce jour par le PNNS.

Lire : Graisses : l'Afssa d'accord avec LaNutrition.fr, mais pas avec le PNNS

 

Penser aliments, pas nutriments

Peut-être cette inestimable institution daignera-t-elle tenir compte des résultats de cette nouvelle méta-analyse. Les auteurs ont retenu 53 essais contrôlés et randomisés, qui portaient sur 68 128 adultes. Les régimes pauvres en graisses allaient de moins de 10% à moins de 30% des calories sous forme de graisses. La plupart des études ont duré un an. Les chercheurs n’ont pas trouvé de différence de perte de poids entre les régimes pauvres en graisses et les régimes plus riches en graisses dans les 19 études qui les comparaient. 18 essais cliniques ont comparé les régimes pauvres en graisses à des régimes pauvres en glucides ce sont ces derniers qui ont conduit à une perte de poids plus durable, même si la différence est modeste, soit 1,15 kg.

« Pendant des décennies, on nous a dit que pour perdre du poids ou pour éviter d’en prendre, il ne faut pas manger gras, et regardez où nous en sommes aujourd’hui, nous sommes tous en surpoids et obèses », dit le Docteur Deirdre Tobias de la faculté de médecine de Harvard à Boston, auteur principal de l’étude. « Je pense qu’en se focalisant sur des nutriments comme la graisse plutôt que sur des aliments, on génère une grande confusion et on autorise les gens à faire de mauvais choix. »

Pris dans leur ensemble, les essais cliniques entrepris pour faire maigrir les participants ont conduit selon cette méta-analyse, à une perte de poids moyenne de 3,75 kg. Ce n’est pas négligeable mais insuffisant pour enrayer l’épidémie planétaire de surpoids et d’obésité. Pour y parvenir, il faut d’abord empêcher les gens de grossir. Et pour cela, des initiatives fortes de l’industrie agroalimentaire et des pouvoirs publics sont nécessaires : modification des formulations alimentaires, régulation de la publicité, taxes… Pour paraphraser une raffarinade, la route est longue et la pente est forte. 

Lire : La Meilleure Façon de Manger (lire un extrait ICI >>)

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