Des médecins dénoncent l'inefficacité et le coût des nouveaux anticholestérols

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 19/05/2017 Mis à jour le 22/05/2017
Actualité
Les nouveaux médicaments anticholestérol qui voudraient détrôner les statines accumulent les mauvais résultats.

Coup sur coup, la publication des résultats de deux études sur les nouveaux médicaments anticholestérol, a mobilisé médecins et chercheurs qui dénoncent une gabegie et des risques potentiels pour les patients.

A l'assaut des statines

Le marché faramineux des statines suscite la créativité des fabricants, qui aimeraient bien les remplacer par d'autres molécules plus chères.

Ainsi sont testés des médicaments administrés par voie orale, qui inhibent la protéine de transfert du cholestérol : on les appelle inhibiteurs CETP. Eli Lilly envisage de commercialiser une molécule appelée evacetrapib, qui a la particularité d'augmenter fortement le "bon" cholestérol-HDL, et diminuer le "mauvais" cholestérol-HDL.

De leur côté, les inhibiteurs de PCSK9 sont de nouveaux médicaments qui réduisent le niveau de LDL (le "mauvais" cholestérol) d’environ 60 %. Dans cette famille se trouve le Praluent de Regeneron et Sanofi, et le Repatha (ou évolocumab), administré sous forme d’injections et commercialisé par Amgen. Le médicament est prescrit aux patients ayant un taux de cholestérol élevé et chez qui les statines ne s’avèrent pas efficaces. Contrairement aux statines qui ralentissent la production de cholestérol, l’évolocumab est un anticorps dirigé contre PCSK9, une protéine qui intervient dans le métabolisme du cholestérol.

Pour l’instant ces médicaments ne sont pas remboursés en France, même si le Repatha a obtenu l’autorisation de mise sur le marché en Europe et devrait être prescrit prochainement au Royaume-Uni. Il a été autorisé en 2015 par la FDA. Ce traitement coûte de l'ordre de 5.000 à 6.000 € par an environ en Europe, mais le double aux Etats-Unis. Il est donc plus cher que les statines.

Evacetrapib : résultats calamiteux

Côté Lilly, l'evacetrapib a fait l'objet d'une étude appelée Accelerate, dont les résultats sont publiés dans le New England Journal of Medicine du 18 mai 2017. Le médicament a augmenté le cholestérol-HDL de 133%, et fait baisser le LDL de 33%.

Bilan après 26 mois de suivi : malgré les évolutions supposées favorables des taux de cholestérol, aucun bénéfice dans le groupe qui prenait le médicament par rapport au placebo. L'étude a été interrompue avant terme "par manque d'efficacité" du médicament. Deux autres médicaments de cette famille ont déjà échoué. 

Repatha : aucun bénéfice sur la mortalité

En 2017, Amgen a présenté les résultats d'un essai clinique dans la revue New England Journal of Medicine. Cet essai portait sur 27.000 personnes qui avaient des niveaux élevés de cholestérol et souffraient de problèmes cardiovasculaires (athérosclérose). Ils ont reçu soit l’évolocumab en injection toutes les deux semaines soit un placebo.

L’étude n’a pas eu les résultats miraculeux escomptés. En effet, les patients qui ont pris le Repatha ont eu une diminution de 15 % des événements suivants considérés tous ensemble : crise cardiaque, AVC, décès par maladie cardiaque, pontages, stents, hospitalisations pour des douleurs à la poitrine. Une diminution de 15 %, cela reste faible, le fabricant espérait plus au vu la réduction drastique du taux de cholestérol.

Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Pour Amgen, le Repatha diminue les taux de mauvais cholestérol à des niveaux très bas, ce qui, d'après la firme, serait bénéfique à la santé cardiovasculaire.

Pourtant, dans l’essai clinique d'Amgen, le médicament n'a pas fait baisser la mortalité cardiovasculaire ; le nombre de décès était même plus élevé dans le groupe prenant le médicament que dans le groupe placebo. Ainsi sur 2,2 années, par rapport au goupe placebo, il y a eu 4 % de décès en plus toutes causes confondues et 5 % de décès en plus pour cause cardiovasculaire chez les patients qui ont pris le Repatha. Ces différences ne sont pas significatives au plan statistique, mais pour la chercheuse Zoe Harcome, ç'aurait été un "désastre" pour Amgen si l'essai avait été poursuivi et que la mortalité plus élevée dans le groupe traité soit devenue significative. 

On peut donc se demander si l’essai n’a pas été arrêté prématurément pour ces raisons. De la même façon, la firme Pfizer qui possède un produit concurrent a laissé tomber son essai clinique sur son produit, car il n’apporterait pas suffisamment de bénéfices aux patients.

Les mises en garde des médecins

En analysant les données du Repatha, on constate qu’il en coûterait environ 750.000 € pour une crise cardiaque ou un AVC empêché ; il faudrait traiter 74 personnes pendant deux ans pour repousser un AVC ou une crise cardiaque.

Plusieurs médecins ont pris la parole pour dénoncer cette situation. Pour Richard Thompson, ancien président du Royal College of Physicians (Londres) : « Vous devez comparer les énormes dépenses et la difficulté d'injecter ce médicament avec un avantage incroyablement faible pour les patients. »

Pour le Dr John Abramson (Harvard Medical School) "il n'y a aucune preuve d'un bénéfice sur la mortalité chez les personnes à haut risque de maladie cardiovasculaire. Je pense que les gens devraient en avoir conscience - c'est un médicament qui coûté énormément cher."

Le Dr Aseem Malhotra, cardiologue et conseil des autorités sanitaires britanniques (NHS) estime que celles-ci "doivent de manière urgente réviser leurs recommandations concernant la prescription de ce médicament et informer médecins et patients que ce médicament ne préviendra pas un seul infarctus mortel, ni n'augmentera d'un jour la durée de vie d'un patient."

Ces résultats décevants, ou proprement calamiteux pour le médicament de Lilly, augmentent aussi les doutes sur l'intérêt réel de manipuler les taux de cholestérol par des médicaments pour prévenir les infarctus, alors que des études d'intervention ont montré que de simples changements de mode de vie, qui ne coûtent rien et n'ont pas d'effets indésirables, ont des effets très bénéfiques sur la santé cardiovasculaire.

Lire un extrait de "Prévenir l'infarctus", le livre du Dr Michel de Lorgeril

 

 

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