Un taux de cholestérol LDL élevé (« mauvais » cholestérol) est associé dans plusieurs études à une mortalité plus faible chez les plus âgés. Que faut-il en conclure ?

Le cholestérol est-il vraiment l'ennemi public numéro 1 en matière de maladies cardiovasculaires ? Non, affirme le cardiologue Michel de Lorgeril.Pour lui cette obsession du cholestérol est déplacée ! Explication.
Le Dr Michel de Lorgeril est membre du CNRS, il travaille au département des sciences de la vie, pour le laboratoire nutrition, vieillissement et maladies cardiovasculaires, à la faculté de médecine de La Tronche (Grenoble).
Il a publié au mois de juin Dites à votre médecin que le cholestérol est innocent il vous soignera sans médicament aux Editions Thierry Souccar.
En dépit de l’avis nuancé d’éminents chercheurs, cliniciens et nutritionnistes, le cholestérol continue à être considéré comme l’ennemi public, en particulier dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires. Pas si simple, conteste le cardiologue qui publiera en mai un livre sur ce sujet aux éditions Thierry Souccar. LaNutrition.fr a demandé au chercheur pourquoi le cholestérol était injustement montré du doigt. Révélation.
Dr Michel de Lorgeril : Le cholestérol est l’objet d’un intérêt presque obsessionnel de la part d’une fraction importante de la population, et même de la part de nombreux médecins mal informés. S'il est évident que c'est une source de profits considérables pour certaines industries pharmaceutiques et de l’agroalimentaire, il pose un problème social, car il entraîne des coûts astronomiques pour l’assurance maladie. Il est donc important de se demander si ces divers investissements sont justifiés ! Une des manières de répondre est d’analyser la relation entre cholestérol, mortalité et espérance de vie. On se rend compte alors que l’importance du cholestérol sur le risque de décès prématuré ou sur l’espérance de vie a été considérablement surévaluée…
Pour de nombreux paramètres de l’organisme (comme la fréquence cardiaque, la pression artérielle, etc…), on peut définir des valeurs moyennes au-delà ou en deçà desquelles la mortalité tend à augmenter. L’augmentation du risque est en général plus progressive du côté des valeurs hautes, et plus brutale (avec un risque mortel atteint plus vite) du côté des valeurs basses. Tout cela est vrai pour l’hémoglobine, les globules rouges, le fer sérique, les phosphatases alcalines, et bien d’autres paramètres. Mais aussi pour le cholestérol, qui je le rappelle, est nécessaire à la vie. L’affirmation selon laquelle plus le cholestérol est bas, mieux c’est pour la santé et l’espérance de vie, ne relève en revanche d’aucune rationalité biologique ou physiologique. Le postulat selon lequel il faut à tout prix diminuer notre cholestérol pour protéger notre santé et améliorer notre espérance de vie est tout simplement faux ! Avoir un cholestérol naturellement bas ou artificiellement abaissé par les régimes et/ou les moyens médicamenteux n’est en soi absolument pas une garantie de bénéficier d’un bonus sur le plan de l’espérance de vie.
Il n’est pas facile de retracer la genèse d’une telle illusion. Tout en ayant des résultats souvent ambigus, de nombreux essais cliniques portant sur des régimes ou des traitements médicamenteux ont contribué sans doute à la créer. Il y a aussi le problème de l’indépendance des investigateurs vis-à-vis des financeurs des essais : même s’il est important, laissons-le de côté et supposons que les essais sont parfaits. Reste alors une idée principale : pour de nombreux experts en cholestérol et leurs relais médiatiques, le principal avantage d’avoir ou d’obtenir un cholestérol bas est de protéger contre les maladies cardiovasculaires. Or, on sait que ces maladies sont souvent fatales : la mortalité liée à l’infarctus du myocarde est d’environ 50 %. La mortalité par maladie cardiovasculaire est la première cause de décès dans nos pays : elle représente environ 35 % de la mortalité totale en France, et beaucoup plus dans d’autres pays. Une stratégie de prévention de ces affections cardiovasculaires devrait donc être efficace d’abord sur la mortalité et secondairement sur leurs complications non mortelles…
Les statistiques officielles du ministère de la santé des Etats-Unis, portant sur près de 720 000 personnes de plus de 35 ans décédées du coeur en 2002, montrent que 65 % de ces décès sont dus à une mort subite (et 75 % même chez les 35-55 ans). Tous ces décès, survenus hors de l’hôpital ou aux urgences (avant tout transfert en unité de cardiologie) concernent des personnes ayant présenté des symptômes thoraciques évoquant l’infarctus du myocarde.
Les études épidémiologiques réalisées jusqu’à présent suggèrent dans leur majorité que le cholestérol n’est pas associé au risque de mort subite cardiaque. A l’inverse, le diabète et le tabac semblent être des facteurs prédictifs de façon quasi constante. La mort subite cardiaque semble due à une arythmie ventriculaire maligne, favorisée par les altérations métaboliques, neurologiques et myocardiques liées au tabagisme et au diabète. Le cholestérol, qui ne semble pas jouer de rôle, ne serait donc pour rien dans 65 à 75 % des décès cardiaques !
Curieusement, la plupart des essais cliniques ne donnent pas d’information sur la mort subite cardiaque. Les essais de prévention par des traitements anti-cholestérol ne semblent pas avoir d’effet sur le risque de mortalité toute cause (constitué en fait principalement par le risque de mort subite cardiaque). Les essais les plus récents, portant sur les molécules anti-cholestérol les plus efficaces (les statines), ne donnent pas de résultats sur la mort subite cardiaque. Et l’on peut penser qu’ils ne manqueraient pas de les proclamer s’ils étaient favorables ! Dans une société où le marketing est roi, l’absence de marketing est presque un aveu d’échec… Etant donné l’importance de la mort subite cardiaque dans les décès dus aux maladies cardiovasculaires, on peut, là encore, se demander si les statines ont un effet sur la mortalité toute cause. Les essais récents montrent un effet soit non significatif, soit très faible. La diminution du cholestérol n’a pas d’effet sur la mortalité toute cause ni chez les femmes, ni chez les hommes en prévention primaire, ni chez les plus de 70 ans des deux sexes…
On peut l’imaginer dans des groupes particuliers de patients : après un infarctus, ou chez des hommes jeunes avec un cholestérol élevé, chez des diabétiques avec un cholestérol élevé, chez les personnes qui ont une hypercholestérolémie familiale maligne… Dans ces groupes, les médicaments pourraient avoir un effet sur la mortalité, mais probablement pas sur le risque de mort subite cardiaque, ou alors de façon très modeste… Les traitements anti-cholestérol sont remarquablement efficaces (au moins en apparence) contre les complications non fatales de l’infarctus, mais n’ont pas d’effet sur la mortalité, alors que les maladies cardiovasculaires, je le répète, sont mortelles dans 50 % des cas ! Il faudrait pouvoir expliquer ce paradoxe. Ce qui n’a pas empêché certains de proposer de mettre des statines dans les eaux de boisson ou dans les laits maternisés…
Je tiens à leur faire part de deux certitudes. Premièrement, rien ne justifie que 6 millions de Français consomment à longueur d’année des médicaments anti-cholestérol dans l’espoir d’améliorer leur espérance de vie : ce comportement ne s’appuie sur aucune preuve scientifique. Deuxièmement, si l’on veut vraiment les protéger des maladies cardiovasculaires et de leur principal risque, la mort subite cardiaque, d'autres méthodes que la diminution du cholestérol sont plus efficaces, sans danger et peu onéreuses.
Thierry Souccar Editions (juin 2007)
320 pages
20 euros
Un taux de cholestérol LDL élevé (« mauvais » cholestérol) est associé dans plusieurs études à une mortalité plus faible chez les plus âgés. Que faut-il en conclure ?
Selon une étude récente, il n’y a pas de preuve qu’un régime pauvre en graisses saturées permet de réduire le cholestérol chez les personnes atteintes d’hypercholestérolémie familiale. En revanche, réduire les glucides fonctionne.
Ces médicaments anticholestérol affectent les mitochondries, les centrales énergétiques des cellules musculaires.