Comment les aliments ultra-transformés abîment la santé planétaire

Par Anthony Fardet - Chercheur en nutrition Publié le 18/03/2022 Mis à jour le 18/03/2022
Point de vue

Chercheur, spécialiste européen des aliments ultra-transformés, le Dr Anthony Fardet explique les risques posés par leur consommation et leur production.

Depuis 2017, et la sortie de mon ouvrage « Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai », le problème des aliments ultra-transformés est devenu un sujet de société en France. Sur la base d’un corpus de données scientifiques, de plus en plus de chercheurs et de professionnels de la santé ont pris conscience des effets néfastes de ces aliments sur la santé. Ainsi, à ce jour, plus de 70 études épidémiologiques montrent que, lorsque ces aliments sont consommés en excès, le risque de mortalité précoce augmente, tout comme ceux d’obésité, de syndrome métabolique, de stéatose hépatique (maladie du foie gras humain), de diabète de type 2, de maladies cardio-vasculaires, de dépression, d’hypertension, de cancers toutes causes confondues, de syndrome de l’intestin irritable, d’altération de l’ADN, d’hyperactivité chez les enfants (colorants) et de déclin de la fonction rénale. Certes, corrélation ne signifie pas causalité et ces études sont de qualité hétérogène, mais il n’en reste pas moins qu’elles vont toutes dans le même sens et montrent un double effet ubiquitaire : les conséquences des aliments ultra-transformés sont les mêmes quelle que soit la population ou ethnie étudiée, et toutes les fonctions du corps semblent impactées. En outre, à chaque fois que ces aliments pénètrent un nouveau marché ou un nouveau pays (aujourd’hui les pays émergents ou en développement), les risques de maladies chroniques augmentent.

La partie émergée de l’iceberg

Mais ces effets délétères des aliments ultra-transformés ne sont que la partie émergée de l’iceberg ! Car le système économique qui sous-tend la fabrication massive de ces produits n’est absolument pas durable. La globalisation de leur consommation (avec des croissances à deux chiffres dans les pays émergents et en développement) met en péril toutes les dimensions de la durabilité : disparition des petits producteurs et paysans, pollution environnementale, changement climatique, déforestation, perte de biodiversité, souffrance animale, inégalités sociales, perte des traditions culinaires…

Pour mieux comprendre, il faut dérouler le fil d’Ariane et revenir à la définition d’un aliment ultratransformé : il se caractérise par la présence dans sa liste d’ingrédients d’au moins une substance elle-même ultra-transformée. Ces substances sont obtenues par synthèse, ou bien par une succession de procédés physiques, chimiques et/ou biologiques appliqués à des matières premières naturelles et qui conduisent à une forte dégradation de leur matrice d’origine. Ces ingrédients ultra-transformés proviennent de grandes monocultures intensives de quelques variétés botaniques (riz, blé, maïs, pomme de terre, pois, soja), et de l’élevage intensif de quelques espèces animales (volailles, porcins, bovins), et sont donc associés à une faible biodiversité. Cette même agriculture ultra-intensive est associée à la pollution de l’environnement, à la déforestation – pour produire du soja, par exemple, qui entrera dans l’alimentation des animaux d’élevage. En outre, ces aliments ultra-transformés aux formulations standardisées (et donc avec des saveurs, couleurs, arômes et textures uniformisés) se substituent progressivement aux vrais aliments, notamment auprès des plus jeunes : le pain de mie remplace le vrai pain, le soda l’eau, les formules infantiles le lait maternel, les arômes de fraise les vraies fraises… et tous ces aliments sont hyperpalatables. Enfin, les aliments ultra-transformés sont associés à une vie sociale fragmentée et aux inégalités sociales car ils sont consommés majoritairement en situation isolée et par les populations les plus défavorisées dans nos pays.

Qu’est-ce qu’un aliment sain ?

Pour protéger notre planète et développer des systèmes alimentaires sains et durables, il faut donc revenir à la définition d’un aliment sain pour la santé humaine et à celle d’un régime alimentaire sain pour la santé globale, humaine et planétaire. Un aliment sain n’est pas un aliment équilibré nutritionnellement car un tel aliment n’existe pas hormis le lait maternel. Rappelons que les aliments fournis par la nature nous offrent plus de 26 000 composés différents.

Aujourd’hui, selon la science la plus récente, un aliment sain se définit comme un aliment le moins transformé possible pour être à la fois comestible, sûr et bon. Un aliment sain est donc un aliment dont la matrice a été préservée au maximum par la transformation ; car la matrice des aliments gouverne le devenir métabolique des nutriments. Plus cette matrice est préservée et « respectée » par les procédés technologiques, plus l’aliment est sain et plus les nutriments vont « bien se comporter » dans notre organisme. Dès lors, il devient évident que vouloir noter les aliments sur la base de leur composition n’a pas de sens scientifique.

Sur la base des données scientifiques, un régime alimentaire sain pour la santé globale est un régime riche en produits végétaux peu transformés et varié. C’est ce que nous avons empiriquement conceptualisé à travers la règle des 3V pour Vrai, Végétal, Varié. Il convient de respecter cette hiérarchie dans nos choix alimentaires : tandis que le « Vrai » nous oriente vers les aliments peu transformés, le « Végétal » et le « Varié » nous permettent de couvrir l’éventail de nos besoins en nutriments. Le respect de cette hiérarchie dans nos choix alimentaires est primordial car si nos aliments contiennent tous les nutriments nécessaires à notre organisme mais que leur matrice a été détériorée par l’ultra-transformation, alors nous pouvons tomber malade et développer une maladie chronique. C’est pour cela que végétaliser son assiette avec de la chimie comestible ultratransformée – la viande végétale, par exemple –, n’est pas meilleur pour la santé et la planète.

Références
  1. da Silva et al (2021). Greenhouse gas emissions, water footprint, and ecological footprint of food purchases according to their degree of processing in Brazilian metropolitan areas: a time-series study from 1987 to 2018. The Lancet Planetary Health. 5: e775-e785.
  2. Fardet & Rock (2020). Ultra-processed foods and food system sustainability: what are the links? Sustainability. 12: 6280.
  3. Fardet. Pourquoi tout compliquer ? Bien manger est si simple. Thierry Souccar, 2021, Vergèze.
  4. Fardet. Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons vrai. Thierry Souccar, 2017, Vergèze

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