Le danger de naître homme

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 12/05/2006 Mis à jour le 28/02/2017
Ils soignent plus leur voiture que leurs artères. Ils rentrent du bal du samedi soir comme on conclut une étape du Monte-Carlo. Ils fuient le médecin comme la peste. Ils ? Nous, les mecs, invincibles, indestructibles, inoxydables depuis l’adolescence. Pas étonnant qu’elles nous enterrent tous...

 

Pourquoi les femmes vivent 8 ans de plus que les hommes

 

Elles viennent fleurir nos tombes. C’est comme ça depuis l’aube de l’humanité, et tout indique qu’il en sera ainsi encore longtemps. Prenez les grandes maladies. Vous verrez qu’elles rayent les mâles de la carte plus vite et plus radicalement : par rapport à sa compagne, un homme a 88% de risques en plus de mourir d’une maladie cardiaque, 45% d’un cancer, 69% de pneumonie ou de grippe, et presque 8 fois plus de risques d’être victime du SIDA !


Le danger de naître homme

« Etre un homme est dangereux en soi, » souligne le généticien Steve Jones, professeur à University College (Londres). « A la naissance, il y a 105 mâles pour 100 femelles, puis 103 pour 100 à l’âge de 16 ans. A 70 ans, il reste deux fois plus de femmes que d’hommes. » Les hommes prennent plus de risques que les femmes. On compte chez eux plus de morts accidentelles ou de handicaps qui conduisent à des décès prématurés. Ils sont plus enclins à fumer, à conduire pied au plancher (parfois après une soirée très arrosée), pratiquer des sports dangereux, se lancer des défis physiques, mais aussi aller jusqu’au bout d’une démarche suicidaire. Dans la grande majorité des sociétés humaines, un travail dangereux ne saurait être accompli par personne d’autre qu’un mâle : 90% des victimes d’un accident du travail sont de sexe masculin. « Les hommes s’éliminent les uns les autres plus que ne le font les femmes, » rappelle Steve Jones. « Le taux de criminalité - apanage quasi exclusivement masculin - culmine à l’âge de 25 ans, dans la plupart des grandes villes. C’est à peu près l’âge auquel on se reproduit... » Ces comportements à risque ont certainement une base biologique. Jean-Claude Chesnais, directeur de recherches à l’INED (Paris), et auteur d’un récent dossier sur la question, y voit « la marque d’une différence de sécrétions hormonales d’un sexe à l’autre. L’hormone mâle testostérone, qui développe la puissance, encouragerait un comportement à risque, alors que chez la femme, les oestrogènes induisent une attitude de précaution. »

Non seulement les hommes prennent plus de risques, mais ils ont rarement les moyens de mesurer les conséquences de leurs actes. Que se passe-t-il dans la tête d’un petit garçon qui aborde l’adolescence ? Il se sent de plus en plus puissant. Tout en lui et autour de lui le conforte dans le sentiment qu’il exerce un contrôle sans faille sur son environnement. La prévention, les messages de modération, les visites médicales n’ont pas de place dans son univers.

 

Jamais chez le médecin

 

Chez les femmes, changement de décor. Ces dames prennent très tôt l’habitude de consulter régulièrement un médecin, qu’il s’agisse d’examens gynécologiques de routine, de la prescription de contraceptifs ou de l’éventualité d’une grossesse. Elles prennent l’habitude de parler ouvertement de détails physiologiques intimes, et surveiller et rapporter tout changement suspect. Dociles, elles se soumettent de bon gré aux mammographies et aux frottis. Pour la plupart d’entre elles, le gynécologue est la voie d’accès au système médical. Il joue souvent le rôle d’un généraliste, capable d’orienter ses patientes vers d’autres spécialistes. Ainsi, face à un symptôme, fût-il bénin, les femmes ont à la fois les pistes pour être prises en charge, la capacité à réagir rapidement, et le courage de faire face au diagnostic.

« Les hommes n’intégrent pas le dixième de cette démarche préventive, » s’insurge le docteur Kenneth Goldberg (Dallas, Texas), auteur du best-seller Comment les hommes peuvent vivre aussi longtemps que les femmes, un livre qui cherche à remonter le moral à la population vieillissante des baby-boomers (nés après la guerre). « A 20 ans, un homme ne consulte pas pour la simple raison qu’il pense que rien ne peut lui arriver. A 30 ans, il est trop occupé par son travail et sa famille pour se soucier de sa santé. Et après 40 ans, il ne va toujours pas chez le médecin parce qu’il a peur qu’on lui trouve quelque chose. » Bref, les hommes en savent bien peu sur leur propre corps et sur les réflexes qui pourraient prolonger leur existence de trompe-la-mort :

- 3 hommes sur 5 déclarent qu’ils n’ont pas consulté de médecin depuis plus d’un an;

- 1/3 des hommes entre 45 et 64 ans n’ont jamais fait contrôler leur cholestérol, alors que les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité en France;

- après 50 ans, moins d’un homme sur deux connaît les signes précurseurs des cancers de la prostate ou du côlon, et un sur cinq déclare qu’il serait embarrassé de les évoquer avec son médecin traitant.

Comme le dit Kenneth Goldberg, « J’ai décidé d’écrire mon livre le jour où j’ai dû avouer à 3 quinquagénaires qu’ils avaient un cancer de la prostate, qu’il n’y avait plus grand-chose à faire, mais qu’on aurait pu agir si le diagnostic avait été posé plus tôt. »

 

Les petits terroristes cellulaires

 

Dans ce déluge de reproches, nutritionnistes et biochimistes apportent une note d’indulgence. Chez les animaux, les régimes pauvres en calories retardent le vieillissement. Par exemple, un rat nourri normalement vit 33 mois au maximum. Mais lorsqu’on restreint son alimentation, il vit... 14 mois de plus. Selon Roy Walford, gérontologue à UCLA (Californie) et « père » de l’expérience Biosphère 2, ces résultats sont largement extrapolables à l’homme. « Les changements biologiques apportés par la restriction calorique sont les mêmes chez les rongeurs et chez l’homme. » Parce qu’elles mangent spontanément moins que les hommes, les femmes bénéficieraient ainsi d’un bonus en termes de survie. Les calories ne sont pas directement responsables du vieillissement, mais en les utilisant comme carburant, les cellules génèrent des molécules très réactives, les radicaux libres. Plus il y a de calories, plus on fait de radicaux libres et plus les dégâts cellulaires s’intensifient. Lorsque les cellules sont sérieusement endommagées, le fonctionnement des tissus diminue et un vieillissement précoce est initié.

Les radicaux libres - ces petits terroristes cellulaires - sont aussi au coeur d’une autre tentative d’explication de la différence de longévité entre hommes et femmes. Elle est résumée ainsi par le docteur Jean-Paul Curtay, médecin nutrithérapeute (Paris) : « Pendant la majeure partie de leur vie - de la puberté jusqu’à la ménopause - les femmes ont des réserves de fer sensiblement plus basses que celles des hommes, du fait des pertes menstruelles. Or, le fer est un minéral pro-oxydant : il favorise l’apparition de radicaux libres. Ce statut particulier des femmes pourrait contribuer à leur longévité. »

Les radicaux libres en excès endommagent graisses, protéines, vitamines, mais aussi l’ADN, qui contient le code génétique de chaque cellule. La plupart du temps, ces dégats sont réparés par de petits « ciseaux moléculaires » qui viennent enlever les parties abîmées pour les remplacer par des parties saines. « Mais, avance Jean-Claude Chesnais, il semble bien que ces mécanismes de réparation soient plus efficaces chez la femme que chez l’homme : l’association XX apparaît moins fragile que le XY masculin. » Steve Jones ne dit pas autre chose quand il explique que le chromosome Y, présent chez l’homme, a perdu au fil de l’évolution la quasi- totalité de ses fonctions, mises à part celles impliquées dans la masculinité. Le reste des gènes y est constitué de longues séquences de code sans signification apparente. Les mutations s’y accumulent plus facilement que chez la femme. Moins bien réparées, elles peuvent conduire à l’apparition précoce de cellules anormales, ou si vous préférez, cancéreuses.

 

8 ans de vie en plus !

 

Quelles qu’en soient les raisons, la différence est flagrante. Au final, une Française vit 8 ans de plus que son alter ego mâle (81 ans contre 73). Et ça ne s’arrange pas : l’écart était de 6 ans en 1935 (61 ans contre 55). « Cet écart a été constaté dans toutes les sociétés humaines, indique Jean-Claude Chesnais. Il varie de 6 à 8 ans selon les pays. La France est plutôt dans le haut de la fourchette, alors que l’écart s’est réduit aux Etats-Unis, probablement par suite de la baisse nette de la consommation de tabac dans ce pays; nous continuons d’avoir en France le double handicap alcool-tabac. »

Kenneth Goldberg voit dans l’évolution en cours aux Etats-Unis, des raisons d’être optimiste. Il souligne que certaines sociétés humaines ne connaissent pas de différence dans l’espérance de vie : chez les Mormons, explique-t-il, les hommes vivent aussi vieux que les femmes. « Plusieurs études ont d’ailleurs montré que les hommes qui vivent très vieux jouissent d’une santé meilleure que celle des femmes, y compris sur le plan des facultés mentales, » ajoute-t-il. Et de citer une étude selon laquelle 44% des hommes de plus de 80 ans sont indépendants et robustes, contre seulement 28% des femmes de la même catégorie d’âge. Pour le médecin texan, ardent avocat des comportements de prévention (voir encadrés), « le problème est moins dans les cartes qui sont distribuées à la naissance que dans la manière dont chaque sexe les utilise. »

Impatients, inconstents, risque-tout, boulimiques mais... pas très courageux devant la maladie : voilà le portrait-type du mâle depuis la nuit des temps. C’est ce qui fait notre charme. C’est ce qui nous vaut de trouver une compagne fidèle. C’est aussi ce qui fait qu’elle nous enterre.

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