Les radicaux libres : qui sont-ils ? Que font-ils ?

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 22/09/2006 Mis à jour le 30/06/2022
L'essentiel

En mangeant, en respirant, nous fabriquons en permanence des particules très réactives et potentiellement toxiques, appelées radicaux libres ou espèces réactives de l'oxygène. Elles sont soupçonnées d'accélérer le vieillissement. Qui sont-elles, comment agissent-elles, comment s'en protéger ?

Notre expert : le Dr Daniel Sincholle, pharmacologue, co-auteur du Guide des compléments antioxydants

"Le vieillissement, c'est la perte progressive de forme physique due à des changements préjudiciables qui au fil des années se produisent au niveau cellulaire et moléculaire", dit le Dr Daniel Sincholle. "Le vieillissement se caractérise par une dérégulation des processus cellulaires, une accumulation de débris cellulaires et de toxines, des dommages aux gènes, une altération de la réponse immunitaire et de la réponse aux stress."

L'une des théories du vieillissement les plus largement acceptées, c'est la théorie du vieillissement par les radicaux libres, formulée par le Pr Denham Harman (lire un entretien ici). Elle propose que les dommages oxydatifs causés par des particules très réactives, appelées radicaux libres et espèces réactives de l'oxygène (ROS), sont la principale cause du vieillissement. Les radicaux libres sont les produits du métabolisme cellulaire normal. Ils sont constitués d'atomes ou de molécules avec un électron non apparié dans leur enveloppe externe. Ce nombre impair d'électrons les rend instables et hautement réactifs, ou en d'autres termes, susceptibles de "voler" des électrons à d'autres molécules pour aquérir de la stabilité. En leur volant des électrons, elle transforment ces substances à leur tour en radicaux libres, créant une réaction en chaîne qui peut oxyder et endommager cellules, tissus et organes.

"À des niveaux modérés ou faibles, dit le Dr Sincholle, les ROS ont des effets bénéfiques et interviennent dans diverses fonctions physiologiques telles que la défense contre les micro-organismes pathogènes, ou la signalisation cellulaire. Mais à une concentration plus élevée, les ROS génèrent un stress oxydatif qui peut causer des dommages importants. Le stress oxydatif se développe lorsqu'il y a un excès de production de ROS d'un côté et une carence en antioxydants de l'autre."

L'excès de ROS peut endommager l'intégrité des lipides, des protéines et de l'ADN, support du code génétique, ce qui peut favoriser le diabète, les maladies neurodégénératives, la polyarthrite rhumatoïde, les cataractes, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires, les cancers et accélérer le vieillissement. 

Les espèces réactives de l'oxygène

Les espèces réactives de l'oxygène sont des molécules hautement réactives contenant de l'oxygène, et qui résultent du fait que l'oxygène moléculaire dans la cellule n'a pas été complètement stabilisé. Les ROS peuvent être des radicaux libres ou des molécules capables de générer des radicaux libres. Parmi les ROS qui sont des radicaux libres :

  • le superoxyde O• −2
  • le radical hydroxyle HO •
  • le radical peroxyle RO• −2
  • le radical hydroperoxyle HO•2

Les ROS qui ne sont pas des radicaux libres n'ont pas d'électrons non appariés et sont souvent moins réactifs. Parmi les ROS qui ne sont pas des radicaux libres :

  • le peroxyde d'hydrogène H 2 O 2,
  • l'ion hydroxyde OH – 
  • les peroxydes organiques ROOH

Bien qu'ils soient moins réactifs, les ROS non radicaux libres peuvent subir des réactions et produire des radicaux libres. "Par exemple, si le peroxyde d'hydrogène rencontre un ion d'un métal de transition tel que le fer ferreux (Fe 2+ ) ou le cuivre cuivreux (Cu + ), une réaction dite de Fenton se produit, entraînant la production du radical hydroxyle qui agit comme un puissant oxydant", indique le Dr Sincholle.

Un radical libre peut être défini comme un atome ou une molécule contenant un ou plusieurs électrons non appariés. Le nombre impair d'électron(s) d'un radical libre le rend instable et hautement réactif. En raison de leur grande réactivité, les radicaux libres peuvent extraire des électrons d'autres composés pour atteindre la stabilité. Ainsi la molécule attaquée perd son électron et devient elle-même un radical libre, déclenchant une cascade de réactions en chaîne qui finit par endommager la cellule vivante. Les ROS et les RNS constituent collectivement les radicaux libres et les autres espèces réactives non radicalaires [ 10]. Les ROS/RNS jouent un double rôle en tant que composés à la fois bénéfiques et toxiques pour le système vivant.

A quoi s’attaquent les radicaux libres?

Les radicaux libres agressent toutes nos cellules, en particulier leurs membranes et leur code génétique.

Les radicaux libres dénaturent les acides gras des membranes qui délimitent nos cellules. Ainsi attaquée, la cellule est plus sensible aux agents toxiques susceptibles de l’endommager.

Le code génétique situé à l’intérieur des cellules sous forme d’ADN est aussi menacé. Les radicaux libres endommagent notre programme génétique ce qui peut à terme provoquer une mutation et la formation de cellules cancéreuses.

Ces attaques répétées des radicaux libres sur nos organes sont à l’origine de nombreuses maladies chroniques. Aucun organe n’est à l’abri des radicaux libres, certains même y sont particulièrement sensibles.

Les effets des radicaux libres les plus visibles sont certainement les rides, le relâchement de la peau, les taches pigmentaires mais aussi les cancers de la peau.

Les poumons sont également visés par cette armada de radicaux libres, entraînant des fibroses qui sont responsables des bronchites chroniques mais aussi des cancers des poumons.

Le cœur et les artères ne sont pas épargnés, les radicaux libres sont impliqués dans la formation de la plaque d’athérome située à l’intérieur des vaisseaux sanguins, reconnue comme principal facteur des maladies cardiovasculaires. Lien vers l’artcile cholestérol

Notre cerveau subit continuellement les assauts des radicaux libres, impliqués notamment dans la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson.

Les radicaux libres sévissent également dans les tissus des yeux, notamment la rétine et le cristallin, provoquant des cataractes ou la dégénérescence de la rétine liée à l’âge.

Au niveau des articulations, les radicaux libres sont à l’origine de l’arthrose ou de maladies inflammatoires comme les arthrites.

Les radicaux libres n’ont pas que des mauvais côtés !

Certes les radicaux libres sont responsables du vieillissement et de nombreuses maladies chroniques. Mais pas seulement ! Ils sont impliqués dans la bonne marche de notre organisme.

 

Par exemple, les globules blancs utilisent des radicaux libres pour se débarrasser des bactéries et des virus. Notre système de défense se sert du radical superoxyde pour éliminer ces imposteurs.

 

Les radicaux libres sont chargés d’éliminer les vieilles cellules pour laisser la place à une nouvelle génération de cellules.

 

Des cellules appelées peroxysomes nous protègent de la toxicité de l’alcool ou des graisses en produisant des radicaux libres.

 

Les traitements anti-cancers viennent à bout des cellules cancéreuses en bombardant de radicaux libres les tumeurs.

 

Le monoxyde d’azote, un radical indispensable participe activement aux fonctions physiologiques du corps, particulièrement au niveau du sang, il dilate les vaisseaux et fluidifie le sang. Au niveau du cerveau, le NO joue un rôle primordial dans les fonctions sensitives : vue, odorat… mais aussi dans les fonctions d’apprentissage et de mémoire. Il est également impliqué dans le mécanisme de l’érection. Le sildénafil, plus couramment appelé Viagra, utilise les propriétés vasodilatatrices du NO pour obtenir et prolonger une érection.

 

Au niveau cellulaire, les radicaux libres semblent être impliqués dans la croissance, la différenciation mais aussi la communication entre les cellules.


Quelles sont les causes du stress oxydant ?

Pour se protéger contre le Mr Hyde de l’oxygène, l’organisme a développé un système de défense composé de substances dites antioxydantes qui régulent la production des ROS. Leur mission est d’empêcher les ROS d’atteindre nos cellules et de les endommager.

Certaines conditions sont propices à créer un déséquilibre provoqué par une production exagérée de ROS et une diminution de notre système de défense, ce déséquilibre est appelé stress oxydant.


Les radicaux libres en détail

Le radical superoxyde (O2°) : le chef de famille.

Qui est-il et d'où provient-il?

Le chef de famille des radicaux libres se forme sous l’action des mitochondries qui fabriquent, à partir de l’oxygène, l’énergie essentielle au bon fonctionnement de nos cellules. Pourtant, une partie de cet oxygène fuit sous la forme de ce radical. En l’espace d’un an, nous en fabriquons plus de 2 kilos.

Ce radical est dangereux parce qu’il lui manque un électron pour se stabiliser, c’est pour cela qu’il porte aussi le nom d’anion superoxyde. Pour retrouver cet électron, il peut par exemple le voler à une molécule voisine. Celle-ci, abîmée, oxydée ne peut plus remplir sa fonction. Elle devient à son tour radical libre et va devoir récupérer un électron ailleurs, propageant cette réaction dans tous les constituants de nos cellules et endommageant : protéines, ADN, graisses…

Les globules blancs de notre système immunitaire utilisent aussi ce radical pour éliminer les virus et les bactéries. Lors d'inflammations chroniques, les globules blancs sont suractivés et produisent de grosses quantités de superoxyde, ce qui contribue à entretenir et aggraver l’inflammation.

Comment réagit-il?

Tout seul, ce radical est peu réactif, mais il est à l’origine d’espèces réactives plus dangereuses. Sa toxicité s’exerce de manière indirecte, en réagissant par exemple avec de l’eau oxygénée appelée aussi peroxyde d’hydrogène, pour donner le plus toxique des ROS : le radical hydroxyle.

Lorsque le radical superoxyde est produit, sa durée de vie au sein de l’organisme est relativement longue, il va pouvoir agir au-delà de son lieu de fabrication pour atteindre sa cible.

Comment l'éliminer ?

Le radical superoxyde est éliminé ou du moins maintenu à un niveau de concentration assez bas par des enzymes antioxydantes appelées superoxydes dismutases (SOD). Comme leur nom l’indique, elles « dismutent » le radical superoxyde. Elles ont besoin de cuivre, zinc ou manganèse pour agir.

Ces enzymes vont transformer deux superoxydes en peroxyde d’hydrogène, beaucoup moins réactif que son prédécesseur.

+2H+, SOD

O2 - + O2- --> H2O2 + O2

Le peroxyde d’hydrogène: l’intermédiaire

Qui est-il et d'où provient-il?

Le peroxyde d'hydrogène ainsi formé n’est pas un radical mais une molécule, c'est-à-dire qu’il ne possède pas d’électron célibataire. C'est un intermédiaire réduit de l’oxygène, relativement peu toxique. Il est issu de la transformation du radical superoxyde par les enzymes antioxydantes SOD Il peut également être formé par une simple réduction de l’oxygène en présence d’une enzyme nommée oxydase.

O2 + 2e- + 2H+ --> H2O2

Comment réagit-il?

La majeure partie de la toxicité de ce radical provient de sa capacité à générer le radical hydroxyle, beaucoup plus hargneux.

Comment le réguler?

La quantité en eau oxygénée est régulée par des enzymes appelées catalases (à base de fer), qui accélèrent la transformation de du peroxyde d'hydrogène en oxygène et en eau.

H2O2 + H2O2 -->2H2O + O2

Le radical hydroxyle : le plus dangereux

Qui est-il et d’où provient-il ?

Le soleil émet plusieurs types de rayons dont ceux appelés gamma. Si ces rayons ne sont pas arrêtés par la couche d’ozone, ils cassent les molécules d’eau du corps pour donner le radical hydroxyle.

En présence de fer ou de cuivre, le peroxyde d'hydrogène peut également donner naissance à ce radical.

H2O2 + Fe2+ à °OH + Fe3+ -OH

Les radicaux hydroxyles sont les ROS les plus toxiques. Leur durée de vie est limitée et par conséquent ils réagissent sur leur lieu de production. Ils s’attaquent particulièrement à l’ADN (support du code génétique), aux protéines et aux lipides.

Comment agit-il ?

Selon trois modes d’action : soit en arrachant un électron d’une molécule voisine, soit en arrachant un atome d’hydrogène ou encore en s’additionnant aux doubles liaisons qui lient nos atomes de carbone.

Le radical superoxyde peut réagir aussi avec le monoxyde d’azote (NO) pour former le radical peroxynitrite qui serait impliqué notamment dans l’athérosclérose, les maladies neurodégénratives.

Le radical peroxynitrite : le mutant

Qui est-il et comment agit-il?

En même temps qu’ils fabriquent du superoxyde, les globules blancs libèrent des molécules contenant de l’azote. L’association donne naissance à un mutant : le radical peroxynitrite, qui s’attaque à la fois aux protéines et aux gènes.

Quels sont ses délits ?

Le peroxynitrite est impliqué dans l’athérosclérose, les maladies neurodégénératives, les maladies de l’intestin…

Le monoxyde d’azote : l’indispensable

Qui est-il ?

Ce radical libre devient particulièrement dangereux lorsqu'il au superoxyde pour former le radical peroxynitrite.

Comment agit-il ?

Sa faible réactivité permet à l’organisme de l’utiliser comme médiateur, en régulant certaines fonctions biologiques comme la dilatation des vaisseaux sanguins, la communication entre les neurones.

L’oxygène singulet : stigmate du vieillissement

Qui est-il et d’où provient-il ?

Sous l’action des rayons ultraviolets, l’oxygène produit des espèces actives comme l’oxygène singulet.

Quels sont ses délits ?

Cet oxygène singulet est à l’origine des rides mais aussi des cancers de la peau.

Les radicaux libres : une explication du vieillissement

Tout commence à la fin des années 30 lorsque des chimistes de l’Association des producteurs de caoutchouc britanniques observent sur le vieux caoutchouc des fissures. Ce vieillissement du caoutchouc est attribué à la capacité qu’ont certains atomes de posséder un ou plusieurs électrons célibataires, les transformant en espèces hautement toxiques. Pour acquérir une stabilité ils arrachent sans scrupules un électron à d’autres molécules les rendant à leur tour toxiques. Cette opération créée un effet boule de neige appelé oxydation qui dégrade la matière organique.

 

En 1954, le Dr Denham Harman propose d’étendre la théorie de l’oxydation des matières organiques à l’homme. Plus précisément, le radical libre agirait comme un poison qui va user nos cellules, expliquant à la fois le vieillissement mais aussi certaines maladies qui lui sont liées comme le cancer, les maladies neurodégénératives ou les maladies cardiovasculaires.

La sélection

Publicité

Les meilleurs livres et compléments alimentaires sélectionnés pour vous par NUTRISTORE, la boutique de la nutrition.

Découvrir la boutique logo Nutrivi

A découvrir également

Back to top