De nouvelles armes pour prévenir le vieillissement cérébral : le lycopène et la zéaxanthine

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 10/05/2007 Mis à jour le 10/03/2017
Claudine Berr est directrice de recherche à l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de Montpellier. Son laboratoire est spécialisé dans les pathologies du système nerveux. A partir d’une étude lancée par l’INSERM en 1991, la chercheuse et son équipe ont trouvé des composés impliqués dans le vieillissement cérébral : le lycopène et la zéaxanthine.

L’étude

L’équipe de Claudine Berr a travaillé à partir des résultats de l’étude épidémiologique EVA («Epidémiologie du Vieillissement Artériel »). Les études épidémiologiques cherchent les facteurs susceptibles d’exercer une influence sur la fréquence et l’évolution des maladies graves comme la maladie d’Alzheimer. Les maladies sont étudiées à l’échelle des populations ou de groupe de populations. L’étude EVA s’est concentrée sur le vieillissement cérébral. Elle a été menée sur 589 personnes saines, âgées de 70 à 77 ans pendant 9 ans. Claudine Berr et son équipe se sont intéressés aux taux de caroténoïdes des personnes souffrant d’un déclin cognitif au terme de ces 9 années.


Les résultats

Les chercheurs ont remarqué que les personnes atteintes d’un déclin cognitif élevé correspondaient à celles qui avaient les plus faibles taux de lycopène et de zéaxanthine dans le sang. Les résultats de l’étude suggèrent donc que des taux bas en caroténoïdes pourraient jouer un rôle dans le déclin cognitif.

Cependant, les chercheurs ne savent pas encore si les niveaux faibles de caroténoïdes sont la cause ou la conséquence d’un déclin cognitif.

 

Lycopène et zéaxanthine : des caroténoïdes au service de la santé

Le lycopène


Ce pigment se retrouve dans des fruits et légumes à la chair rouge comme la pastèque, le pamplemousse, la betterave et dans tous les aliments à base de tomates (jus, sauce, concentré, etc.). C’est un puissant antioxydant. Il protège les membranes cellulaires et certaines macromolécules comme les lipides, l’ADN, l’ARN contre des réactions d’oxydation avec formation de radicaux libres.


Plusieurs études ont été menées pour mettre en lumière les bénéfices du lycopène sur la santé. Son rôle dans la diminution des risques de maladies cardiovasculaires a d’ailleurs été démontré dans une étude de cas-témoins (1). Dans ce type d’études, on compare le passé des personnes atteintes de maladies (les cas) à celui des personnes saines (les témoins). Les résultats ont révélé une tendance à de fortes concentrations plasmiques de lycopène pour un faible risque de maladies cardiovasculaires.

 

Des chercheurs de l’université de Toronto (Canada) ont montré que le lycopène diminue le taux de cholestérol (2). Des individus en bonne santé ayant pris du lycopène sous forme de jus de tomate ou de sauce tomate pendant une semaine ont vu leur taux de LDL-cholestérol diminuer significativement. Le lycopène aurait un effet sur l’activité d’une enzyme essentielle dans la synthèse du cholestérol in vitro, l'HMG-CoA réductase.

 

La zéaxanthine


C’est le pigment qui donne sa couleur jaune au maïs. La zéaxanthine est un isomère de la lutéine. Ces deux pigments sont des caroténoïdes de la vision.
On retrouve la zéaxanthine dans les fruits jaune orangé : orange, pêche, abricot par exemple et dans les légumes jaune orangé ou verts : maïs, carotte, épinard, brocoli, etc.


Les principales études sont été menées sur la zéaxanthine et la lutéine. Leur rôle dans le retard de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) a notamment été démontré. Cette maladie touche la macula ; cette partie centrale de la rétine, très riche en lutéine et en zéaxanthine, a été analysée dans le cadre d’une étude de l’université internationale de Floride (3). Les chercheurs ont constaté que 82 % des participants non touchés par la maladie avaient les rétines les plus riches en pigments. De plus grandes concentrations de la lutéine et de la zéaxanthine dans la rétine retarderaient donc l’apparition de la DMLA.

 

Ces deux caroténoïdes jouent également un rôle dans la protection de la peau contre les dangers du soleil. La lutéine et la zéaxanthine amélioreraient la tolérance au soleil, notamment la protection contre les UV et la facilité à attraper des coups de soleil. Ces conclusions d’une étude italienne de l’université de Naples sont issues d’essais cliniques (4).

 

1. Sesso, HD. Plasma lycopene, other carotenoids, and retinol and the risk of cardiovascular disease in women. Am J Clin Nutr. 2004; 79 :47-53.

2. Rao AV. Lycopene, tomatoes, and the prevention of coronary heart disease. Exp Biol Med (Maywood). 2002 Nov; 227(10):908-13.

3. Bone RA : Macular pigment in donor eyes with and without AMD: A case-control study. Invest Ophthalmol Vis Sci 2001, 42(1):235-240.

4. P. Morganti: Beneficial Long-Term Effects of Combined Oral/Topical Antioxidant Treatment with the Carotenoids Lutein and Zeaxanthin on Human Skin: A Double-Blind, Placebo-Controlled Study, Skin Pharmacology and Physiology. 2007, 20:199-210


L’entretien


LaNutrition.fr : Pourquoi s’intéresser aux caroténoïdes dans le vieillissement cérébral ?

Claudine Berr : Ce sont des composés importants pour l’organisme par leur action oxydante. Une de nos hypothèses était que les caroténoïdes jouent un rôle dans le vieillissement cérébral, c’est-à-dire dans la dégradation des cellules nerveuses causée par les radicaux libres, entraînant le déclin des fonctions cognitives.

Tous les individus évoluent différemment, vieillissent différemment. Certains vieillissent mal, d’autres mieux. Ces caroténoïdes, parce qu’ils protègent les cellules contre le stress oxydatif, pourraient jouer un rôle dans ce processus.


Pourquoi avoir utilisé les résultats de l’étude EVA pour faire vos travaux ?

L’EVA est une grande étude menée par l’INSERM depuis 1991 à Nantes sur plus de 1300 sujets. Les personnes volontaires étaient alors âgées de 60 à 71 ans. Je qualifierais cet âge de jeune - il s’agit d’une période de pré-vieillissement. Nous les avons suivies pendant 9 ans en les voyant régulièrement.

Dans le cadre de notre étude, nous avons évalué leurs taux de caroténoïdes dans le sang. Nous avons aussi mesuré leurs capacités cognitives à l’aide de tests neuropsychologiques.

Lors de ces tests, on mesure la capacité d’un sujet à se souvenir de ce qu’on vient de lui apprendre. On mesure également son attention et sa logique. Pour eux, c’est comme s’ils retournaient à l’école. Pour nous, il s’agit de tests standard permettant d’évaluer leurs fonctions cognitives.


Qu’est-ce que vos conclusions apportent de nouveau ?

Notre étude a permis de savoir quels composés étaient impliqués dans le vieillissement cérébral, en l’occurrence le lycopène et la zéaxanthine. Dans d’autres pathologies, c’est d’autres composés qui sont concernés. Par exemple, pour l’œil, il s’agit de la lutéine et de la zéaxanthine (Lire l'article : Cataracte et dégénérescence maculaire : les dernières découvertes de l'Inserm). Notre étude permet de mieux cerner à quel niveau on pourrait agir pour ralentir le vieillissement cérébral. Il nous faut comprendre pour prévenir plus efficacement.


Que conseilleriez-vous pour ralentir le vieillissement ?

Manger des fruits et légumes, on ne le dira jamais assez. Ils contiennent des composés importants pour la santé. Plus particulièrement, on trouve de la zéaxanthine dans les légumes et les fruits jaune-orangé (orange, pêche, abricot, maïs, carotte…) ou verts (épinard, brocoli), et le lycopène dans le pamplemousse, la pastèque, la betterave et les aliments à base de tomate (jus, sauce, concentré, etc.).


Recommandez-vous la prise de suppléments antioxydants contenant des caroténoïdes ?

La plupart des participants de l’étude n’ont pas pris de suppléments et de toute manière, il ne nous est pas possible de faire ce genre de recommandations. Seule une étude d’intervention, qui évaluera les effets de ses suppléments de caroténoïdes sur le vieillissement cérébral, peut recommander la prise de suppléments en caroténoïdes.

Propos recueillis par Rébecca Mailly le 10 mai 2007

 

Les amis et ennemis du cerveau

Parmi les facteurs de vieillissement cérébral, on peut citer l’aluminium et l’alcool à forte dose. Selon une étude américaine de 2001, l’aluminium serait impliqué dans le déclin cognitif des personnes âgées et dans la maladie d’Alzheimer (1). Chez les personnes souffrant de cette maladie, les chercheurs ont observé des taux élevés d’aluminium dans le sang. Une intervention clinique visant à baisser ce taux d’aluminium dans le cerveau ralentirait la progression de la maladie d’Alzheimer, toujours d’après l’étude américaine.


Un an après, une autre étude américaine a montré que la consommation importante d’alcool détruisait les neurones de manière irréversible (2). Tandis qu’un verre de vin par jour ralentirait la progression du déclin cognitif, selon l’étude de l’université de Bari, en Italie (3).

Pour lutter contre le déclin cognitif, la consommation d’acides gras polyinsaturés oméga-3 serait efficace. Des études ont été menées sur les différents aliments sources d’oméga-3 comme les poissons gras, l’huile de colza, etc. Parmi elles, une étude portant sur des personnes âgées de plus de 55 ans a montré que celles qui consommaient le plus de poisson avaient un risque beaucoup plus faible que les autres de souffrir de démence et notamment d’Alzheimer (4).D’autres résultats d'EVA, l’étude dont il est question dans cet article, ont révélés que les personnes aux taux d’oméga-3 élevés ont un risque de déclin cognitif réduit de 40 % (5). Il est donc possible en surveillant son alimentation de ralentir le déclin cognitif lié à l’âge.

 

1. Jansson ET. Aluminum exposure and Alzheimer's disease. J Alzheimers Dis. 2001 Dec;3(6):541-549

2. Crews F. T. Alcoholism: Clinical & Experimental Research 2002;26:547-557.

3. Solfrizzi V. Alcohol consumption, mild cognitive impairment, and progression to dementia. 2007 May 22;68(21):1790-9

4. Heude B : Cognitive decline and fatty acid composition of erythrocyte membranes – The EVA Study. Am J Clin Nutr 2003, 77 : 803-808.

5. Kalmijn S : Dietary fat intake and the risk of incident dementia in the Rotterdam Study. Ann Neurol 1997, 42 : 776-782.


N.Tasnime Akbaraly, Henri Faure, Véronique Gourlet, Alain Favier, Claudine Berr. Plasma Carotenoid Levels and Cognitive Performance in an Elderly Population : Results of the EVA Study.Journal of Gerontology : Medical Sciences, mars 2007 ; 62 : 308-316.


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