Dr David Ludwig : "Tout le monde devrait suivre une alimentation à index glycémique bas"

Par Elvire Nérin - Journaliste scientifique et auteure Publié le 10/04/2006 Mis à jour le 30/11/2021
Point de vue

Le Dr David Ludwig, l’un des meilleurs spécialistes des glucides, est professeur à l'Ecole de santé publique de Harvard ; il dirige le programme sur l’obésité de l’hôpital pour enfants de Boston (Massachusetts). Il a publié plusieurs études montrant les bénéfices sur le poids d'une alimentation à index glycémique bas, et l'intérêt des régimes pauvres en glucides.

LaNutrition.fr : Etes-vous d’accord avec les autorités de santé de nombreux pays qui conseillent un régime pauvre en graisses et riche en glucides pour rester mince et en bonne santé ?

Dr David Ludwig : Non. Il n’y a aucune preuve que la quantité totale de graisses affecte de manière notable le poids corporel ou d’autres aspects de la santé. Certaines graisses sont sans conteste mauvaises, mais d’autres sont bénéfiques. De la même manière, tous les glucides ne sont pas bons. Je pense qu’il est trop simpliste de se focaliser sur un nutriment majeur, la graisse dans ce cas. Il est préférable de s’intéresser à la qualité des nutriments, plutôt qu’aux proportions respectives de graisses et de glucides.

La plupart des gens savent que les produits sucrés sont malsains, mais vous faites valoir que les glucides raffinés et les produits à base de pommes de terre sont tout aussi mauvais. Devrait-il y avoir davantage de campagnes de santé publique axées sur la qualité des glucides ?

Les glucides hautement transformés constituent désormais la composante la plus malsaine de l'alimentation. Le sucre ajouté est sur la sellette mais les Occidentaux consomment plus de calories provenant des céréales raffinées et des pommes de terre que du sucre. Les féculents comme le pain blanc, le riz blanc, les produits à base de pommes de terre, les biscuits se digèrent rapidement : ils sont métabolisés en glucose, augmentent les niveaux d'insuline, programment le corps pour une prise de poids excessive et augmentent les risques de maladie chronique.

La distinction entre le sucre et l'amidon est en grande partie dénuée de sens d'un point de vue biologique. Le principal défi de santé publique aujourd'hui est de réduire l'apport de tous les glucides hautement transformés en privilégiant les glucides entiers  comme les fruits, légumes, légumineuses et céréales peu transformées et les graisses saines comme les noix, l'avocat et l'huile d'olive.

Une grande partie de vos recherches porte sur l'indice glycémique des aliments. Quels sont les risques d’une alimentation à index glycémique élevé ?

L'index glycémique (IG) est un terme scientifique qui décrit la manière dont des quantités contrôlées de glucides affectent la glycémie et par implication, les niveaux d'insuline après consommation. Lorsqu'il a été proposé pour la première fois en 1981 par David Jenkins, l'IG était une notion radicale car il suggérait implicitement que tous les glucides ne se ressemblent pas, contrairement à l'opinion en vigueur à l'époque. Depuis lors, des centaines d'essais cliniques, d'études observationnelles ont permis de comprendre pourquoi un régime alimentaire à IG élevé peut nuire à la santé. Bien sûr, comme dans tout domaine de la recherche nutritionnelle, toutes les études ne parviennent pas exactement aux mêmes conclusions, en partie à cause des complexités inhérentes au régime alimentaire et des difficultés de mener des essais à long terme de haute qualité. Mais après un repas à index glycémique élevé, la montée rapide puis la baisse tout aussi rapide de la glycémie semble stimuler l’appétit chez bon nombre de personnes et les inciter à manger plus.

Bien qu’il n’y ait pas pour l’instant d’études sur le long terme, les expériences à court terme dont on dispose montrent qu’un régime à IG bas est bien plus efficace pour maigrir que les autres approches. Il réduit également le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires.

Depuis plus de 50 ans aux Etats-Unis, on conseille aux gens d’avoir une alimentation pauvre en graisses pour prévenir et traiter le surpoids. Une telle alimentation n’a en réalité que très peu d’efficacité. Une explication probable est que les régimes pauvres en graisse présentent des index glycémiques élevés.

Les autorités sanitaires de nombreux pays, dont la France, n'ont toujours pas adopté les concepts d'index glycémique et de charge glycémique, préférant utiliser les termes de "sucres simples" et de "sucres complexes". Selon eux, la composition d'un repas affecte son IG.

S’il est vrai que les autres éléments d’un repas peuvent affecter la réponse glycémique, ils ne changent pas la relation hiérarchique entre aliments : un aliment à IG élevé augmentera toujours plus la glycémie qu’un fruit, quels que soient les aliments avec lesquels il est associé. Quant aux termes “simple” et “complexe” ils n’ont pas vraiment de sens au plan biologique. De nombreuses études montrent que des glucides « complexes » - les amidons raffinés comme le pain blanc, la plupart des céréales du petit déjeuner, les pommes de terre - augmentent le niveau de sucre sanguin aussi vite et aussi fortement que le sucre de table.

A consulter : le tableau des index glycémiques

L’autre réserve émise par les autorités sanitaires, c’est que la notion d’index glycémique est une notion complexe qui serait difficile à manier pour le grand public.

Il y a de nombreux aspects de la nutrition qui sont compliqués. Ce n’est pas une raison pour abandonner un concept qui est à mon avis très important. La question est de savoir s’il est possible de mettre en pratique ce concept d’une manière simple et claire. La réponse est oui. Il suffit par exemple de conseiller de manger de grandes quantités de légumes et de fruits, de réduire sa consommation de féculents, de se procurer une quantité adéquate de protéines et de privilégier les bonnes graisses (huile d’olive, les noix, l’avocat etc.). Et ça marche. Conseiller une alimentation à index glycémique bas à une population donnée permet d’améliorer significativement sa santé, y compris une population obèse.

Le régime Atkins a été, dès les années 1970, le premier à limiter les glucides. Aujourd'hui, les régimes low-carb, pauvres en glucides, puis le régime cétogène, riche en graisses et encore plus pauvre en glucides, sont très populaires. Au-delà de l'engouement, ces régimes ont-ils un intérêt ?

Le moyen le plus rapide de stabiliser la glycémie et de réduire les niveaux d'insuline est de diminuer les glucides. Pour de nombreuses personnes, ces régimes pauvres en glucides apportent des avantages tangibles, avec des bases scientifiques solides. Pour les personnes atteintes de diabète de type 2 ou de problèmes métaboliques associés, les régimes à très faible teneur en glucides, y compris le régime cétogène, peuvent offrir une excellente option à long terme. Dans certains cas, un régime alimentaire très pauvre en glucides peut inverser rapidement le diabète. Mais malgré leurs effets potentiellement spectaculaires, les régimes à très faible teneur en glucides peuvent être difficiles à maintenir à long terme. Remplacer les sucres ajoutés et les féculents raffinés par des glucides non transformés, des graisses et des protéines saines, comme le fait le régime IG, peut offrir de nombreux avantages d'un régime très pauvre en glucides, sans avoir à éliminer une famille entière d'aliments nutritifs (et délicieux).

Lire aussi : Mieux vaut choisir des glucides à IG bas

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