Comment évalue t-on les OGM?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 22/04/2008 Mis à jour le 21/11/2017
Modifier le matériel génétique d'un organisme n'est pas banal. Même si les pratiques sont de plus en plus maîtrisées, connait-on vraiment bien toutes les conséquences de ces changements? Si le principe de l'équivalence en substance tente de réduire leur méconnaissance, il a déjà permis la mise en marché des premiers OGM outre Atlantique. Mais en quoi consiste t-il ?

Le principe de l’équivalence en substance est issu de travaux de la Food and Agriculture Organization (Fao) et de l’Organisation mondiale de la santé. Il consiste à dire qu’un OGM est identique à l’organisme conventionnel à partir duquel il a été fabriqué, hormis le (ou les) transgène(s) qui y ont été introduits.

Gérard Pascal, chargé de mission à l’Inra et spécialiste de la sécurité des aliments précise que « pour une plante, on recherche notamment les nutriments caractéristiques, mais aussi les composés toxiques ou anti-nutritionnels qui peuvent y être naturellement présents comme la solanine pour la pomme de terre, les facteurs anti-trypsiques du soja… » (1).

La Fao identifie trois résultats d’une comparaison entre aliment GM et aliment traditionnel (2) :

  • « L'aliment GM peut être considéré toxicologiquement et nutritionnellement comme équivalent en substance à l'aliment conventionnel. Par exemple, l'huile issue d'une plante GM est équivalente en substance à l'huile de la même plante naturelle, car dans l'huile il n'y aucune trace d'ADN ni de protéines détectables. Si on parvient à montrer une telle équivalence pour des aliments GM, aucune autre évaluation sanitaire n'est nécessaire.
  • Il est possible qu'il y ait équivalence en substance à part pour quelques différences. Parfois, les aliments GM comprennent des composés délibérément introduits par modification génétique. Dans ce cas, on limite l'évaluation sanitaire à l'examen des effets possibles de ces différences sur les plantes ou l'homme.
  • Le produit GM peut être considéré comme non équivalent en substance. Ce produit GM devra être soumis à une évaluation sanitaire précise.Pour le moment, les évaluations sanitaires des produits GM prennent en compte la procédure de modification génétique (séquence d'ADN et site d'intégration dans la plante hôte), les paramètres nutritionnels (information phénotypique et composition chimique), les risques d'allergie et des évaluations toxicologiques. »

La Compagnie Monsanto justifie notamment l’innocuité des plantes GM qui sortent de ses laboratoires par le principe d’équivalence en substance. « L’utilisation de cette approche dans l’évaluation de plus de 50 cultures génétiquement modifiées et les aliments qui en sont issus montre qu’ils sont aussi sûrs et nutritifs que ceux provenant de cultures traditionnelles » (3). Les auteurs concluent à l’absence de tout effet indésirable résultant de la production et de la consommation de plantes GM sur plus de 125 millions d’hectares cumulés dans le monde, ces dernières années.

Question croisée

A Christian Vélot, Maître de Conférence en Génétique Moléculaire à l’Univesrité Paris-Sud et directeur d’une équipe de recherche au sein de l’Institut de Génétique et Microbiologie à Orsay. Et Jean Daydé, Directeur de la Recherche de l’Ecole d’Ingénieurs de Purpan, enseignant-chercheur au sein du Laboratoire d’Agrophysiologie et membre de l’Unité mixte de recherche Inra / Ecole d’Ingénieurs de Purpan.

Les firmes productrices d’OGM agro-alimentaire se basent sur le principe de l’équivalence en substance. D’après vous, est-ce un bon moyen de maîtriser les risques ?

Christian Vélot: Le principe d’équivalence en substance est une notion qui est retenue par toutes les instances gouvernementales dans le monde en matière d'OGM. C'est une absurdité scientifique. Il n’y a pas un seul scientifique au monde qui est capable de recenser ce que peuvent être à court, à moyen ou à long terme les conséquences d'une modification génétique sur un organisme. Et il existe de nombreux exemples qui le montrent. On a crée une pomme de terre transgénique qui résiste à un virus : elle a les tubercules qui poussent en l'air, pourquoi ? Un melon transgénique qui résiste à une peste : éclate avant maturité, pourquoi ? On a créé un saumon géant du Canada dans lequel on a modifié le gène d'hormone de croissance pour qu'il devienne plus gros et qu’il grossisse plus vite, le but étant de diminuer le temps d'élevage en pisciculture pour des raisons évidentes d’économies. Ce saumon, d'après la notion d'équivalence en substance, ne devrait être que plus gros : la seule chose qui devrait le différencier du saumon normal, c'est sa taille, puisque le seul gène qu'on a modifié ou introduit, c'est le gène d'hormone de croissance. Certes, il fait 5 à 6 fois la taille du poisson normal au bout de 18 mois, mais il est aussi plus agressif, il a une prédisposition au diabète, et il a la tête déformée à tel point qu’il va être vendu uniquement sous forme de filets.

Jean Daydé: C’est un concept très positif dans le sens où il permet précisément de décrire l’ensemble de l’expression moléculaire des gènes d’une plante génétiquement modifié. Grâce à ce long listing de molécules, on peut vérifier que le transgène n’a pas modifié en substances la plante hôte. Aujourd’hui en France, ce concept est à la base de l’homologation des OGM. Mais malheureusement, il sert souvent d’argument pour faire dire aux anti-OGM qu’il permet d’autoriser n’importe quelle nouvelle plante GM. Mais c’est remettre en question le travail des scientifiques. Cela a même conduit à la démission de l’ancien président de la Commission du Génie Biomoléculaire (voir encadré). En 1997, la CGB avait conseillé l'autorisation de cultures de maïs OGM. Le 12 février 1997, le gouvernement a choisi de ne pas suivre l'avis de la CGB qui n'est que consultatif. Le lendemain, Axel Kahn a démissionné en signe de protestation, manifestant ainsi contre la remise en question du travail des chercheurs.

Le rôle de la Commission du Génie Biomoléculaire

« La filière de l'alimentation humaine a fait l'objet, depuis 1997, d'une réglementation communautaire spécifique : le règlement n°258/97 définissait notamment les procédures d'évaluation et d'autorisation des OGM et de leurs dérivés destinés à l'alimentation humaine. Depuis le 18 avril 2004, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés sont réglementés par le règlement européen n° (CE) 1829/2003. Ce règlement met en place une procédure communautaire unique de délivrance d'autorisation ». En France, la demande d’autorisation pour l’expérimentation ou la mise en marché d’un OGM passe par une procédure complexe définit par la réglementation qui commence par le dépôt de la demande jusqu’à l’autorisation ou de refus en passant entre autre par la consultation des Etats membres de l’Union Européenne, l’avis scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments et le Conseil des Ministres qui prend la décision finale. Le passage du dossier devant la CGB en est une étape. C’est l’autorité administrative chargée de l’instruction du dossier qui consulte la CBG, pour les plantes GM, c’est le Ministère de l’Agriculture qui s’en charge. En réponse, la CBG rend un avis sur les risques pour la santé et l’environnement (4).

 

(1) Pascal G, Organismes génétiquement modifiés à l’Inra. Comment évaluer la sécurité des aliments issus de plantes transgéniques ? Extrait du dossier édité par l’Inra, mai 1998.

(2) Robert Naquet, OGM : un tour d’horizon complet, Comité pour l’éthique en sciences de la vie, CNRS, mai 2007.

(3) Cockburn A., Assuring the safety of genetically modified (GM) foods: the importance of an holistic, integrative approach., J Biotechnol. 2002 Sep 11;98(1):79-106.

(4) Site interministériel sur les OGM, Autorisation de mise en marché www.ogm.gouv.fr

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