La Commission européenne a donné son feu vert pour la commercialisation de plusieurs insectes comestibles sur son territoire, entiers ou sous forme de poudres. Mais que penser de ce nouvel aliment ?
Depuis quelques années, l'entomophagie, c'est-à-dire la consommation d'insectes comestibles, est présentée comme une source alternative durable pour apporter des protéines aux humains comme aux animaux. En effet, l'élevage d'insectes semble avoir un impact environnemental moins important que celui des animaux traditionnellement élevés en Occident pour produire de la viande. Ils apparaissent donc comme un moyen de lutter contre le changement climatique, car leurs élevages émettent moins de gaz à effet de serre.
En dépit de ces bienfaits environnementaux, l'arrivée des insectes dans nos assiettes ne fait pas consensus. Pourquoi ?
Dans d'autres régions du monde, les insectes occupent déjà une place dans le régime alimentaire des habitants. Les insectes sont consommés à différents stades de développement, sous forme de larves ou d'adultes, et avec diverses méthodes de préparation : crus, frits, bouillis, rôtis ou moulus.
En Thaïlande, par exemple, 150 espèces d'insectes différentes, cultivées ou prélevées dans la nature, sont consommées. L'entomophagie s'est également révélée comme étant une méthode efficace de lutte contre les ravageurs des cultures. En 1978, une invasion de criquets en Thaïlande a entraîné une campagne gouvernementale pour promouvoir la comestibilité du ravageur. Les criquets sont devenus une collation populaire. La demande croissante a conduit au développement d'installations d'élevage d'insectes de masse, et les grillons sont l'espèce la plus couramment élevée par les agriculteurs individuels à qui ils fournissent une source de revenus supplémentaires. Les insectes sont également consommés en Inde, par exemple dans le Nagaland, au nord-est du pays.
De même, au Kenya et au Burkina Faso, il existe une riche histoire de consommation d'insectes comestibles, les plus populaires au Kenya étant les larves du charançon du palmier (Rhynchophrus Phoenicis), qui sont à la fois sauvages et semi-cultivées par l'abattage des raphias. Au Burkina Faso, l'insecte le plus consommé est la chenille de l'arbre à karité (Cirina butyrospermi), qui est considérée comme un ravageur des plantations d'arbres cultivés pour la production de beurre de karité.
En Amérique du Sud, les fourmis coupe-feuilles (Atta laevigata) sont particulièrement appréciées, en particulier en Colombie.
Du point de vue nutritionnel, les insectes comestibles sont une source importante de protéines puisqu'elles représentent entre 30 % et 65 % de la matière sèche totale des insectes.
Après les protéines, les lipides sont les principaux constituants des insectes. La composition en graisses varie beaucoup d'une espèce à l'autre, les larves sont généralement plus riches en lipides que les adultes. Le profil des acides gras insaturés des insectes est similaire à celui de la volaille mais avec plus d'acides gras polyinsaturés. Toutefois, les insectes contiennent peu ou pas de traces d'EPA et de DHA, les deux principaux oméga-3 essentiels au fonctionnement cellulaire. Mais ils contiennent de l'acide linoléique et parfois de l'acide linolénique.
Les glucides des insectes sont essentiellement composés de chitine, une fibre qui n'est pas digérée par l'organisme.
Les insectes aportent aussi des vitamines (A, B2 et C principalement) et des minéraux : par exemple, les chenilles et les termites contiennent respectivement 35,5 mg et 27 à 29 mg de fer pour 100 g de poids sec, soit plus qu'il n'en faut chaque jour pour un adulte. Dans 100 g de sauterelles sèches, on trouve aussi entre 226 et 238 mg de phosphore et environ 8 mg de magnésium. La consommation de 50 g d’Eulepida mashona et Henicus whellani apporterait 30 et 50 % des besoins journaliers en zinc et en fer.
Une étude a trouvé que les insectes sont particulièrement riches en antioxydants. Les extraits hydrosolubles des sauterelles, grillons et vers à soie ont une capacité antioxydante 5 fois plus élevée que celle du jus d’orange !
Les poudres d'insectes peuvent être utilisées comme substituts pour la farine de céréales. Les insectes pourraient aussi servir de produits de substitution dans des aliments généralement à base de viande. les insectes constituent aussi une source alternative de protéines pour nourrir le bétail.
La consommation d'insectes entraîne toutefois un certain nombre de risques sanitaires qu'il faut prendre en compte.
Les allergènes présents dans les insectes représentent un risque important, qu'il est difficile d'évaluer précisément, étant donné que la consommation des insectes demeure assez nouvelle chez les populations occidentales. Des manifestations allergiques sont possibles, et des chocs anaphylactiques liés à la consommation d'insectes ont été signalés.
Les protéines des insectes apportent des purines. Dans l'organisme, ces molécules sont dégradées en acide urique et pourraient donc être néfastes aux personnes concernées par des problèmes de goutte.
Enfin, il existe aussi un risque de transmission de micro-organismes si les insectes ne sont pas transformés. Dans un rapport de 2015, l'EFSA, l'agence européenne en charge de la sécurité alimentaire, souligne le manque d'études à ce sujet : "Les études sur la présence d'agents pathogènes bactériens humains et animaux chez les insectes d'élevage utilisés pour l'alimentation humaine et animale sont très rares dans la littérature scientifique. Des bactéries pathogènes (telles que Salmonella, Campylobacter et E. coli vérotoxinogène) peuvent être présentes dans les insectes non transformés en fonction du substrat utilisé et des conditions d'élevage." Mais l'agence sanitaire européenne se veut rassurante : "Très probablement, la prévalence de certains de ces agents pathogènes, par exemple Campylobacter, sera inférieure à celle d'autres sources de protéines animales non transformées, car la réplication active des agents pathogènes dans le tractus intestinal ne semble pas se produire chez les insectes."
Les espèces d'insectes les plus consommées dans le monde appartiennent notamment aux familles suivantes : les coléoptères, les chenilles de lépidoptères (papillons), les hyménoptères (fourmis, guêpes, abeilles...), les orthoptères (sauterelles, criquets et grillons), les hémiptères (cigales, cicadelles, cicadelles, cochenilles). Mais tous ces insectes ne sont pas disponibles à la consommation en France.
En février 2022, la Commission européenne a autorisé la commercialisation des grillons domestiques pour la consommation dans le périmètre de l'Union européenne. Cela signifie que le grillon domestique peut être vendu séché, congelé ou en poudre. Cette autorisation a été publiée début janvier 2023. Les poudres d'insectes peuvent servir d'ingrédients pour la fabrication d'autres produits agro-alimentaires comme des pains, biscuits, barres de céréales, sauces...
Précédemment, le ver de farine séché et le criquet migrateur avaient déjà été autorisés.
Non ! "Les produits contenant ce nouvel aliment seront étiquetés de manière adéquate pour signaler tout risque de réaction allergique", précise la Commission européenne. Cela signifie que, si vous vérifiez bien l'étiquetage des produits, vous ne devriez pas manger des insectes à votre insu ! C'est le même problème que le lait, les oeufs, etc, dont la présence est clairement signalée sur les emballages pour éviter les allergies chez les personnes concernées.
Les produits contenant ce nouvel aliment seront étiquetés de manière adéquate pour signaler tout risque de réaction allergique
Les produits contenant des insectes sont encore assez rares en France, c'est un marché de niche mais qui pourrait être amené à grandir. Les entreprises Jimini's et Micronutris commercialisent des insectes pour l'apéritif, mais aussi des barres protéinées contenant des poudres d'insectes. Ces produits sont disponibles en ligne.
Du point de vue nutritionnel et environnemental, ces farines présentent un profil intéressant en raison de leur richesse en protéines. Toutefois le risque d'allergie doit inviter à la prudence.
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