Ces allégations santé qui nous font trop manger

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 04/03/2009 Mis à jour le 01/03/2017
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Vous pensez-que les produits allégés et les aliments aux allégations santé nous aident à mieux manger et à rester mince ? En réalité, ces produits pourraient bien nous pousser à manger davantage. Où est le piège et comment l’éviter ?

« Light », « allégé », « pauvre en matières grasses », « sans sucre », « participe au bon fonctionnement cardiovasculaire », « à teneur réduite en sel »… Nous sommes littéralement inondés par les produits alimentaires qui portent des allégations santé. Est-ce pour autant que nous mangeons mieux et que nous avalons moins de calories ? Pas vraiment. En fait ça pourrait même être le contraire… Et avec ou sans sucre, l’addition est souvent salée à l’heure de la pesée.

Bernés par les allégés

Comment les produits light peuvent-ils nous pousser à manger davantage ? Tout simplement parce que bercés par la douce illusion que ces produits sont « bons pour la santé » nous nous autorisons à en manger plus. Fut-ce du chocolat allégé…

Vous pensez que vous ne tomberiez pas dans un piège aussi grossier ? Pour vérifier cette théorie,  le professeur Pierre Chandon de l’Insead de Fontainebleau (voir interview) et ses collègues ont recruté des volontaires à qui ils ont donné soit du chocolat « normal », soit du chocolat « allégé » (1). Ils ont alors constaté que les consommateurs mangeaient plus de chocolat quand celui-ci portait la mention « allégé ». En moyenne les gens en ont mangé 16 % de plus que le chocolat normal.

Mais les auteurs ont également constaté que ce phénomène prenait des proportions bien plus importantes chez les consommateurs en surpoids : lors de la même expérience, ces derniers ont mangé 46 % de plus de chocolat light !

Pierre Chandon et son équipe ont réitéré leur expérience cette fois avec du muesli. Les chercheurs ont invité des volontaires à s’installer confortablement devant une série télé et leur ont distribué des paquets de muesli étiquetés « Muesli allégé » ou « Muesli ordinaire », qui en réalité contenaient tous le même muesli. A la fin de la projection, les chercheurs ont pesé les restes de muesli pour savoir combien leurs cobayes en avaient mangé. Verdict : ceux qui avaient reçu les paquets étiquetés « allégé » ont mangé 49 % de muesli en plus ! Sachant que de toute façon un muesli allégé contient 10 % de calories en moins qu’un produit classique, l’addition est vite faite : avec l’allégé, on avale plus de calories.  Si tout le monde se laisse prendre au piège, pourquoi pas vous ?

Les révélations de l’étude « McSubway »

D’ailleurs d’autres études montrent que les allégations santé peuvent littéralement déformer notre perception de ce que nous mangeons. Pour le montrer les professeurs Wansink et Chandon ont mis au point une expérience désormais connue sous le nom d’ « étude McSubway ». Pour comprendre cette expérience, il faut savoir qu’aux Etats-Unis la chaîne de restauration rapide Subway travaille minutieusement son image « santé » et inonde littéralement ses clients de messages nutritionnels. Leurs campagnes de publicité se font à grands renforts de discours diététiques et mettent en avant les aliments frais et la gamme de sandwich contenant « moins de 6 grammes de graisses ». Au final Subway a réussi à se concocter une image de « restauration santé », tout en vendant en parallèle de leur gamme de sandwich allégés des sandwich gigantesques garnis de boulettes de viande, agrémentés de mayonnaises et accompagnés de chips et de coca. Mais l’important est que les consommateurs aient l’impression que cette enseigne prépare des repas « bons pour la santé ».

Pour mieux comprendre l’impact de cette « image santé » sur la consommation des clients, Brian Wansink, Pierre Chandon et leurs collègues se sont postés à la sortie d’un restaurant Subway pour interroger les clients sur leurs repas. Sur 250 clients interrogés, 157 se souvenaient d’avoir lu des informations nutritionnelles dans le restaurant et se rappelaient que Subway faisait des sandwiches avec moins de 6 grammes de graisses. Et l’ensemble des clients interrogés ont gardé l’impression générale d’avoir à faire à une nourriture saine, tout en reconnaissant n’avoir pas pris connaissance de la composition des produits. Une aura diététique qui a finalement conduit les consommateurs à supposer que les aliments servis par Subway étaient moins caloriques qu’ils ne le sont en réalité… et à en manger davantage.

Une aura nutritionnelle trompeuse

En effet à l’heure de la commande la plupart des clients ont délaissé les sandwiches allégés pour leurs homologues riches en calories. 77 % ont rajouté du fromage, 79 % ont mis de la sauce, 53 % ont agrémenté leur sandwich d’un paquet de chips, 27 % se sont autorisé un maxi cookie en dessert. Côté boisson 37 % des clients ont commandé un soda et 41 % se sont resservis. Au final les adeptes de Subway ont consommé un repas leur apportant en moyenne 677 calories. Mais quand on leur demandait « combien de calories pensez-vous avoir mangé chez Subway », leur réponse tournait plutôt autour de 495 calories. Une sous-estimation de 34 %.

Les chercheurs ont ensuite réitéré leur expérience en se postant à la sortie du McDonald’s voisin pour interroger les clients. Sur les 250 clients interrogés, seuls 57 se sont souvenus avoir aperçu une information nutritionnelle quelque part. Et seuls 18 clients se rappelaient que McDo proposait une gamme de produits peu calorique comme des salades. Parmi eux, seules 5 personnes avaient commandé ces produits. La plupart des clients interrogés avouaient que la nourriture vendue chez McDo était plutôt « très calorique » et « peu saine » mais admettaient lui trouver « bon goût ». Au final, les amateurs de McDo ont mangé en moyenne 1000 calories au cours de leur repas, soit effectivement davantage que ceux du Subway. Mais la grosse différence tient à ce que les clients ne sortent pas de chez McDonald’s avec l’impression d’avoir fait un repas sain, léger et plutôt bon pour la santé comme c’était le cas chez Subway. « Si les clients n’adoptent pas de comportement diététique en réponse aux informations imprimées sur les serviettes, sets de plateau ou gobelets, ils pensent en avoir intégré les principes grâce à la publicité, analyse Brian Wansink. Celle-ci semble leur inspirer une confiance factice en ce qu’ils mangent conférant une aura diététique à tous les produits Subway, y compris la mayonnaise, le bacon, les chips, les cookies et les maxis soda », ajoute le chercheur.

Les conseils de LaNutrition.fr pour déjouer les pièges

La première chose qui vous aidera à déjouer le piège des allégations santé est d’en prendre conscience. « Mais non, moi ça ne me concerne pas, il faut être bien bête pour se laisser ainsi prendre au piège ». Et pourtant si, vous aussi vous risquez – plus ou moins consciemment – de prendre une portion de fromage en plus parce qu’il est pauvre en matière grasse. Ou de rajouter une cuillère de confiture dans ce petit yaourt 0 %. Ou de vous autoriser un bon gros gâteau en dessert parce qu’après tout vous avez mangé dans un restaurant diététique. Oui, vous aussi, comme nous tous, vous êtes influencés dans vos choix alimentaire par le marketing déployé par les industriels – après tout c’est leur métier.

Maintenant que vous le savez, c’est vous qui avez les cartes en main pour essayer de ne plus vous laisser berner par les allégations santé des aliments qui vous poussent trop souvent à trop manger…

[Remarque : fin 2018 15 études de Brian Wansink ont été retirées des journaux scientifiques qui les avaient publiées à cause d'une manipulation des données.]

Références

(1) « Can Low-Fat Nutrition Labels Lead to Obesity? », Journal of Marketing Research, vol. 43, n° 4, novembre 2006, pp. 605-617.

(2) Chandon, Pierre and Brian Wansink (2007), “The Biasing Health Halos of Fast Food Restaurant Health Claims: Lower Calorie Estimates and Higher Side-Dish Consumption Intentions,” Journal of Consumer Research, 34 (October), 301-14.

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