Manger moins pourrait freiner le veillissement

Par Didier Souccar - Pharmacien Publié le 24/03/2023 Mis à jour le 24/03/2023
Actualité

L'analyse du sang de participants à une expérience de restriction calorique révèle qu'ils ont vieilli plus lentement.

L'analyse récente de données issues d'une étude d'intervention sur la restriction calorique suggère que manger moins pourrait freiner le vieillissement chez l'homme. Cet essai clinique américain appelé CALERIE (Comprehensive Assessment of Long-term Effects of Reducing Intake of Energy) dont les premiers résultats ont été publiés en 2008, fut la première étude contrôlée sur la restriction calorique chez l'homme en bonne santé. Financée par les National Institutes on Aging (NIA), elle a déjà livré plusieurs enseignements, comparant dans certains cas les effets de la restriction calorique seule et ceux de la restriction calorique accompagnée d'exercice physique. Les nouveaux résultats ouvrent des perspectives intéressantes sur la logévité humaine.

L'idée qu'en mangeant moins on pourrait allonger la durée de vie remonte aux années 1930, lorsque l'Américain Clive Mc Cay réussit à augmenter la vie de rats en restriction calorique, mais supplémentés en vitamines et minéraux pour éviter la malnutrition. Cette expérience est décrite en détail dans cet article de LaNutriton.fr (abonnés) : Calories et longévité, la fantastique découverte.

Par la suite, les expériences chez l'animal (hors primates) se sont multipliées, donnant les mêmes résultats. Restait à étudier les effets chez nos cousins primates et chez l'homme. Le Dr Roy Walford (1924-2004), qui travaillait sur la restriction calorique et le vieillissement à l'université de Californie (Los Angeles) est à l'origine de Biosphere 2, une expérience au cours de laquelle, du 26 septembre 1991 au 26 septembre 1993, 8 personnes dont Walford ont cherché à subvenir à leurs besoins alimentaires au sein d'une communauté en auto-suffisance. Ils ont consommé au cours de l'expérience un régime alimentaire pauvres en calories mais riche en nutriments. Au cours de la première année, ils ont connu la faim. Au cours de la deuxième année, l'équipe a produit plus d'une tonne de nourriture en plus, l'apport calorique moyen a augmenté et ils ont repris le poids perdu au cours de la première année.  Les marqueurs médicaux ont indiqué que la santé de l'équipe au cours des deux années est restée excellente : baisse du cholestérol sanguin, de la pression artérielle et amélioration du système immunitaire. 

"La restriction calorique reste la méthode la plus robuste d'extension de la durée de vie à ce jour pour toutes les espèces, et les données chez l'homme indiquent qu'elle peut bénéficier à certaines personnes", indique Pierre Boutron, auteur de Arrêtons de vieillir.

Ce que les chercheurs ont trouvé

Dans l'étude CALERIE, 220 adultes non obèses dont 70% de femmes, âgés de 21 à 50 ans, ont été répartis en deux groupes ; le premier a cherché à réduire son apport calorique quotidien de 25 % sans déficit en nutriments, l'autre pouvant manger à convenance. 

Au départ, leur indice de masse corporelle (IMC) allait de 22 à 27,9. Un IMC normal va de 18,5 à 24,9.

Le groupe "restriction calorique" n'a réussi à réduire sa consommation énergétique que de 12 % au lieu des 25% prévus. Cela a suffi pour perdre environ 10% de leur poids, et améliorer significativement plusieurs facteurs de risque cardiométabolique, notamment les taux de cholestérol, la pression artérielle, la protéine C-réactive qui rend compte de l'inflammation, et la tolérance au glucose.

Lire aussi : Les effets de la restriction calorique chez l'homme

Les nouveaux résultats portent sur l'étude d'échantillons de sang des participants et notamment l'association entre la restriction calorique et les mesures de méthylation de l'ADN des globules blancs. Les prélèvements ont été faits au début de l'étude, puis un an et deux ans plus tard. Les chercheurs ont utilisé 3 horloges dites épigénétiques pour mesurer la méthylation de l'ADN. Ces horloges donnent une indication sur le degré de vieillissement d'un individu. Deux des horloges étaient similaires chez les participants qui mangeaient moins, mais la troisième, appelée DunedinPACE, présentait un ralentissement du vieillissement de 2 à 3%, ce qui, selon d'autres études, se traduit par une réduction de 10 à 15% du risque de mortalité, soit une baisse similaire à celle rencontrée lorsqu'on arrête le tabac, indique le Dr Luigi Ferrucci, directeur scientifique des NIA.

Les auteurs de l'étude ne pensent pas que lele ralentissement du vieillissement constaté ne s'explique que par le poids perdu : la restriction calorique pourrait ralentir le vieillissement par un impact cellulaire. Cependant, ces résultats bénéfiques même significatifs, sont encore modestes ce qui pourrait s'expliquer, disent les chercheurs, par la brièveté de l'expérience.

L' étude observationnelle CALERIE Legacy récemment lancée prévoit de suivre les participants à l'essai CALERIE pendant 10 à 15 ans pour voir si l'intervention entraîne des améliorations durables des marqueurs du vieillissement. La restriction calorique peut avoir des effets indésirables. Dans CALERIE, les niveaux d'hormone ont baissé, de même que le métablisme de base et la température corporelle (par diminution des hormones thyroïdiennes). Les membres du groupe en restriction a aussi perdu un peu plus de masse musculaire que les autres, mais ils ont surtout perdu de la masse grasse. 

Une question encore sans réponse est celle de savoir si le jeûne intermittent, le fait de sauter des repas ou de passer une à deux journées sans s'alimenter, entraîne les mêmes changements bénéfiques sur la vitesse de vieillissement que la restriction calorique continue. 

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