Faut-il manger moins de protéines pour vivre plus longtemps ?

Par Sarah Amiri - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 14/10/2020 Mis à jour le 11/03/2022
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Manger moins, c’est-à-dire diminuer les calories, permettrait de vivre plus longtemps d’après les spécialistes de la longévité. Mais peut-être que ce ne sont pas tant les calories qu’il faudrait limiter que les protéines. Détails.
 

Diminuer ses apports énergétiques sur la journée, par exemple en sautant un repas (jeûne intermittent) ou en mangeant moins à chaque repas semble contribuer à augmenter l'espérance de vie. C'est en tout cas ce qu'indiquent les études chez les animaux depuis plusieurs décennies. « La restriction calorique, associée à une alimentation adéquate, est sans doute le procédé antivieillissement le plus efficace connu à ce jour » écrivent les Drs Fung et DiNicolantonio dans La Solution longévité. Un procédé appliqué de manière culturelle dans certaines régions du monde, les zones bleues qui comptent le plus de centenaires, comme Okinawa, où il est de coutume d'arrêter de manger lorsque sa satiété atteint 80%. Résultats : en mangeant 20% de calories de moins que le reste des Japonais, les habitants d'Okinawa ont aussi plus de chances qu'eux de vivre plus longtemps en bonne santé.

Cet effet sur la longévité pourrait être dû à plusieurs mécanismes : la diminution du stress oxydant (1, 2), le maintien de l’intégrité des membranes cellulaires (3), l’activation du gène SIRT1 (4) et l’activation de l’autophagie (5).

Lire aussi : Comment la restriction calorique augmente l’espérance de vie

L’autophagie est une forme de nettoyage cellulaire qui entretient les cellules. Lorsque l’énergie est insuffisante (notamment dans le cas d’une restriction calorique), le corps s’attaque à ses cellules défectueuses pour produire de l’énergie. Ce mécanisme entretient aussi le renouvellement des tissus.

Des études récentes montrent cependant que certains effets de la restriction calorique, et notamment l’autophagie, seraient inutiles sans une réduction de la consommation de protéines associée (6). Détails.

Croissance, protéines et longévité

L’évolution ne se soucie guère de la longévité. Elle favorise la reproduction pour que les gènes soient transmis, peu importe l’espérance de vie après la naissance. C'est sans doute ce qui explique que les processus biologiques, notamment la voie de signalisation mTOR et le facteur de croissance IGF-1, qui permettent la croissance durant l’enfance soient aussi ceux qui régissent le vieillissement. Autrement dit, ce qui active la croissance active aussi les processus de vieillissement. Et c’est le cas des protéines.

Ainsi, le besoin en protéines en période de croissance pour les nourrissons, les enfants, les adolescents (mais aussi durant la grossesse) est nettement plus élevé que celui d’un adulte chez qui la croissance maximale est atteinte.

La voie de signalisation mTOR est activée dès lors que l’on consomme des acides aminés (molécules de base des protéines). Cette voie permet la création de nouvelles protéines à des fins de croissance. Pour cela, elle interrompt les mécanismes qui permettent le nettoyage du corps comme l’autophagie.

En effet, les deux principaux régulateurs de l’autophagie sont mTOR et l'AMPK (la protéine kinase activée par l'adénosine-monophosphate). mTOR est normalement actif lorsque les niveaux d'énergie sont élevés, les cellules contiennent beaucoup d'acides aminés élevé ou lorsque les facteurs de croissance sont stimulés (par exemple l’IGF-1 qui est lui aussi activé par la consommation de protéines) avec un impact négatif sur l’autophagie. À l'opposé, l'activation de l'AMPK régule positivement l’autophagie.
Ce que l'on sait, c'est que, à long terme, la consommation de protéines sans période de restriction supprime ce mécanisme d’entretien, en augmentant mTOR et en inhibant l’AMPK. Ce phénomène accélère le vieillissement avec l’accumulation de cellules endommagées. (7)

Pour les Drs Fung et DiNicolantonio, les études sur la manipulation des protéines et ses effets sur la longévité sont suffisantes pour pouvoir affirmer que la restriction protéique joue un rôle important dans la prolongation de la vie. Selon eux, «en adaptant notre alimentation, et en particulier l'apport en protéines, nous pourrions prévenir les maladies liées au vieillissement et vivre plus longtemps ». La clé de la longévité n'est « pas une bais magique cueillie dans une contrée lointaine », ni un régime hypocalorique strict. Elle réside dans « la simple optimisation de votre apport protéique ».

Manger mieux donnerait 10 ans d’espérance de vie en plus
Un jeune adulte pourrait ajouter plus d'une décennie à son espérance de vie en changeant son alimentation d'un régime occidental typique à un régime optimisé, selon une étude norvégienne. Pour les personnes âgées, les gains d'espérance de vie liés à de tels changements alimentaires seraient plus faibles, mais toujours substantiels.
Pour ce calcul, les chercheurs ont utilisé des méta-analyses existantes et des données de l'étude Global Burden of Diseases pour construire un modèle qui permet d’estimer l'effet sur l'espérance de vie (EV) de plusieurs changements alimentaires. Le modèle est également désormais disponible sous la forme d'un outil en ligne accessible au public appelé calculateur Food4HealthyLife.
Pour les jeunes adultes, le changement d’alimentation à partir de 20 ans augmenterait l'EV de plus d'une décennie. Les gains les plus importants seraient réalisés en mangeant plus de légumineuses, plus de céréales complètes et plus d’oléagineux et noix, moins de viande rouge et moins de viande transformée. Passer d'un régime standard à un régime optimisé à 60 ans pourrait encore augmenter l'EV de 8 ans pour les femmes et de 8,8 ans pour les hommes. Les octogénaires pourraient gagner 3 ans. Il faut cependant noter que les données de l’étude Global Burden of Diseases sont débattues, une partie des chercheurs estimant que la nocivité de la consommation de viande y est exagérée. (8)

En pratique : comment consommer les protéines

Quand ?

Le Dr Fung et le Dr DiNicolantonio conseillent d’effectuer des restrictions protéiques sur plusieurs repas voire plusieurs jours. Selon eux, « ce système cyclique, qui alterne privation et apport en protéines, pourrait favoriser la longévité et prévenir la perte de masse musculaire ». En effet, les apports en protéines sont essentiels au maintien d'une bonne masse musculaire.

Combien ?

Le besoin en protéines varie selon l’âge et la condition physique des individus. Mais il semblerait que l’apport nutritionnel conseillé (ANC) de 0,8 g/kg pour un adulte en bonne santé puisse être inférieur aux besoins réels : « Les recommandations diététiques officielles ont davantage pour but de prévenir les carences que de suggérer un apport protéique optimal pour la longévité » expliquent les auteurs de La solution longévité. Selon eux (et les études sur lesquelles ils se basent), le besoin serait 40 à 50 % supérieur (8). Par exemple, le besoin en protéines pour un adulte en bonne santé pratiquant une activité d’intensité modérée serait de 1,2 à 1,8 g/kg. Tout dépend donc de l'âge et de l'activité physique.

Lesquelles ?

Plusieurs études de large envergure ont montré que les végétariens ont une espérance de vie plus longue que les consommateurs de protéines animales.

Lire aussi : Protéines végétales 1 - Protéines animales 0

L’apport en protéines idéal se fait donc à 50 % sous forme végétale et à 50% sous forme animale. Pour la source animale, il faudra veiller à ce que la moitié (donc 25 % de l’apport totale en protéines) soit issue des produits de la mer.

La qualité des protéines est essentielle. Pour les sources végétales, il est préférable de choisir des céréales, des légumes secs, des graines oléagineuses issus de l’agriculture biologique ou raisonnée. Côté protéines animales, il est important d’éviter les viandes transformées (charcuteries, saucisses…) et d'opter pour des viandes peu transformées et de bonne qualité (issues d’animaux nourris à l’herbe).

Ces choix peuvent être coûteux, mais en réduisant la consommation totale, le ratio bénéfices/coûts s’équilibre.

Attention cependant à ne pas tomber dans le piège en consommant des « viandes végétales » et autres spécialités industrielles destinées à remplacer la viande qui sont souvent des aliments ultra-transformés.

Pour en savoir plus, lire : La solution longévité

Références
  1. Yu BP, Lim BO, Sugano M. Dietary restriction downregulates free radical and lipid peroxide production: plausible mechanism for elongation of life span 2. 2002;48:257–264.
  2. Lee DW, Yu BP. Modulation of free radicals and superoxide dismutases by age and dietary restriction. Aging (Milano) 1990;2:357–62.
  3. De Cabo R, Cabello R, Rios M, Lopez-Lluch G, Ingram DK, Lane MA, Navas P. Calorie restriction attenuates age-related alterations in the plasma membrane antioxidant system in rat liver 5. Exp Gerontology. 2004;39:297–304.
  4. Bordone L, Guarente L. Calorie restriction, SIRT1 and metabolism: understanding longevity. Nat Rev Mol Cell Biol. 2005;6:298–305.
  5. Cuervao A.M. Calorie restriction and aging : the ultimate cleansing diet. J. Gerontol. 2008;(63A)6:547-549.
  6. Lee C, Longo V. Dietary restriction with and without caloric restriction for healthy aging. F1000Res. 2016;5:F1000 Faculty Rev-117. Published 2016 Jan 29. doi:10.12688/f1000research.7136.1
  7. Tamargo-Gómez I, Mariño G. AMPK: Regulation of Metabolic Dynamics in the Context of Autophagy. Int J Mol Sci. 2018;19(12):3812. Published 2018 Nov 29. doi:10.3390/ijms19123812
  8. Fadnes LT. et al. Estimating impact of food choices on life expectancy: A modeling study. PLOS Medicine, 2022; 19 (2): e1003889 

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