« On peut guérir la fatigue chronique grâce aux TCC »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 14/08/2008 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Stéphane Rusinek est professeur de psychologie à l’université de Lille. Grâce aux thérapies comportementales et cognitives (TCC), ses patients arrivent à guérir complètement du syndrome de fatigue chronique. Comment ?

LaNutrition.fr : Y-a-t-il beaucoup de patients qui consultent les thérapeutes TCC pour de la fatigue ?

Stéphane Rusinek : Il est assez fréquent que des patients viennent nous voir en se plaignant d’être trop fatigués. Dans un premier temps, afin d’éliminer toute autre cause médicale, nous pouvons les orienter vers des spécialistes des troubles du sommeil. Il est en effet important de vérifier les constantes physiologiques des patients grâce à des examens comme des prises de sang ou des IRM. Si ces examens n’indiquent aucun problème physiologique évident à l'origine de leur fatigue, nous pouvons prendre en charge ces patients en leur proposant une thérapie comportementale et cognitive pour les aider à résoudre leur problème.

Comment procédez-vous ?

Tout d’abord on procède à une analyse complète du sommeil du patient. A quelle heure se couche-t-il ? A quelle heure s’endort-t-il ? A quelle heure se lève-t-il ? Combien d’heures dort-il chaque nuit ? Est-ce qu’il se réveille au milieu de la nuit ? Comment évolue sa fatigue durant la journée ? A quels moments ressent-il le besoin de se reposer ? On demande au patient de tenir un « carnet de bord » de son sommeil pour mieux cerner son problème mais aussi pour affiner le diagnostic. En effet, si on se rend compte que le patient est fatigué car il ne dort pas assez, on ne peut pas dire qu’il souffre du syndrome de fatigue chronique puisque son épuisement a une origine. On essaye alors d’amener le patient à réaménager son environnement afin d’améliorer la qualité du sommeil et la plupart du temps cela suffit à diminuer la plainte de fatigue. En dormant plus, ces patients sont moins fatigués.

Et pour les patients qui souffrent vraiment du SFC ?

En fait, la fatigue n’est pas toujours le premier motif de consultation qui amène un patient souffrant de SFC. Souvent ces derniers viennent nous voir en se plaignant surtout d’être anxieux ou surmenés. La fatigue chronique a des répercussions importantes sur leur vie et leur activité. La vie familiale est affectée : les patients sont trop fatigués pour passer du temps avec leurs enfants ou leur conjoint. Leur vie sexuelle est souvent perturbée aussi par le SFC. Ces patients peuvent même finir par se couper de toute relation sociale. Il faut alors prendre en compte le patient avec tout son contexte et pas uniquement la fatigue liée à sa maladie. Le plus important est de réussir à améliorer la qualité de vie du patient.

Comment faites-vous pour améliorer cette qualité de vie ?

Comme je l'ai dit, les patients qui viennent nous voir sont  anxieux, stressés, voire même dépressifs. Leur entourage leur renvoie souvent une image très négative d’eux-mêmes. Ce regard des autres est le principal motif de souffrance. « Tu es tout le temps fatigué », « On ne peut jamais rien faire, tu dors sans arrêt », « Tu manques d’entrain »... sont autant de reproches qui peuvent accabler le patient et l’enfermer dans un ressenti négatif et douloureux. L’important est alors de s’attaquer à cette souffrance en modifiant la perception que le patient a de lui-même. Un travail sur les émotions et sur l’estime de soi, avec des exercices comme la restructuration cognitive ou l’« affirmation de soi » permet de retrouver une estime et de diminuer la souffrance ressentie par les personnes atteintes de SFC.

Est-il important dans cette démarche de pouvoir mettre un nom sur cette maladie ?

C’est capital, non seulement pour le patient mais aussi pour l’entourage. Le fait que le milieu médical reconnaisse que cette fatigue est liée à une maladie permet à tout le monde de mieux l’accepter. Ces patients ne sont pas « paresseux » ou « dénués de volonté » mais ils sont malades et on peut aider à les soigner.  Les membres de la famille acceptent plus facilement cet état de fatigue et surtout ils peuvent aider le patient à se ménager des plages de repos, s’accorder une sieste pour récupérer. On fixe des objectifs avec le patient pour faciliter son activité en planifiant par exemple des périodes d’activité et de repos ou en l’encourageant à reprendre une activité physique ou à organiser des sorties. En corrigeant ses habitudes de vie au vu de sa maladie, le patient gagne en estime de lui-même, l’anxiété et l’inquiétude diminue et la souffrance qui va avec peut disparaître.

Quelle est la place de l’entourage dans cette démarche de soin ?

L’entourage joue un rôle primordial. Parce que la plupart du temps, c’est son regard qui est à l’origine des souffrances. Il est donc important de travailler avec la famille du patient. Souvent on commence par voir en consultation le patient seul mais quand c’est possible on essaye de faire quelques séances avec son conjoint ou sa famille, ça permet généralement d’accélérer sa guérison.

Peut-on guérir totalement le syndrome de fatigue chronique grâce aux thérapies comportementales et cognitives ?

Oui, on obtient de très bons résultats chez la majorité des patients. Au fur et à mesure des séances, l’anxiété et la fatigue diminuent, les souffrances du patient sont moins importantes. Avec une prise en charge régulière, on obtient de très bons résultats au bout d’environ 3 mois de suivi. En général, on continue la thérapie pendant encore 6 mois pour « consolider » cette amélioration. Au bout du compte, la souffrance du patient disparaît souvent. A ce moment-là on peut considérer qu’il est guéri. Certes, les risques de rechute sont toujours possibles, mais alors rien n’empêche de recommencer une TCC.

Cette thérapie est-elle efficace chez tous les patients ?

Chez la plupart, oui. Maintenant il faut aussi savoir identifier leur demande : certaines personnes n’ont pas envie de tenir un « carnet de bord » de leur sommeil, d'autres peuvent être réticentes aux TCC. On les adresse alors vers des confrères qui seront plus à même de répondre à leur besoin, comme par exemple quand le patient exprime davantage le désir de faire une analyse. Parfois aussi c’est la relation médecin-patient qui est en cause. Si le thérapeute n’arrive pas à faire passer ce qu’il faut faire passer, on peut aiguiller le patient vers un autre thérapeute TCC qui, lui, pourra peut-être obtenir de très bons résultats.

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