Très utilisés pour fabriquer les aliments ultra-transformés, les additifs présenteraient des risques réels pour la santé, jusqu'ici négligés.

Nous consommons beaucoup de phosphore, parfois trop, ce qui peut favoriser les maladies rénales, cardiovasculaires et le vieillissement accéléré. En cause : les additifs au phosphate, présents dans les aliments ultra-transformés.
On en parle peu, mais la quantité de phosphore apportée par l’alimentation, trop souvent à notre insu, en particulier par des additifs au phosphate, est de plus en plus mise en cause. Ces additifs peuvent contribuer à un excès de phosphore.
LaNutrition a été le premier media à alerter sur les risques d'une consommation excessive de phosphore, et demander C’est en réalisant Le bon choix au supermarché qui recense les aliments les moins transformés vendus au supermarché, et ceux qu’il vaut mieux éviter, que les diététiciennes de LaNutrition ont pris pleinement conscience de l’invasion des phosphates.
Le phosphore est, après le calcium, le deuxième minéral le plus présent dans le corps. Avec le calcium, il intervient dans la rigidité et la solidité des os et des dents, qui renferment 85% du phosphore corporel. Il intervient aussi dans la production d'énergie, la synthèse d'ADN et d'ARN, les phospholipides, la conduction nerveuse, la régularité du pouls, la réparation des tissus et des cellules, l'équilibre acido-basique. La concentration plasmatique va de 0,8 à 1,5 nM, et elle est principalement contrôlée par les reins.
Il y a trois sources de phosphore alimentaire :
On trouve beaucoup de phosphore sous la forme de phosphates organiques dans les protéines animales : laitages, viande, volaille, poisson. Plus de la moitié du phosphore présent dans ces aliments est absorbé. Donc un régime riche en laitages, viandes, charcuteries en apporte déjà de grandes quantités.
On trouve aussi des phosphates organiques dans certains végétaux : légumes secs, haricots, noix. Mais le phosphore des végétaux est moins bien absorbé que celui des produits animaux car il est stocké essentiellement sous la forme de phytates, que les êtres humains ne savent pas digérer. Donc, même si certains végétaux affichent une teneur en phosphore apparemment élevée, on en avale généralement deux fois moins. A noter que les levures savent décomposer les phytates, donc le pain apportera plus de phosphore que des céréales non levées (céréales du petit déjeuner).
Voir aussi : Les aliments riches en phosphore et phosphates
Mais la source la plus préoccupante de phosphore alimentaire, ce sont les additifs à base de phosphates inorganiques, présents dans les aliments ultra-transformés et certains compléments alimentaires. Il s’agit de :
L’acide phosphorique (E338) est utilisé comme acidifiant dans les sodas, notamment les colas.
Les di- tri- et polyphosphates s’emploient en fromagerie comme sels de fonte (ou agents de texture) et pour augmenter la rétention d’eau. Dans les laits en poudre et concentrés, ils servent de stabilisants. On les trouve aussi dans les charcuteries, le surimi, en boulangerie comme agents levants. Les fast-foods et les aliments industriels sont donc une source majeure de phosphore.
Plus de 90% du phosphore apporté par ces additifs est effectivement absorbé (plus dans les boissons que les aliments solides). Un régime alimentaire riche en produits industriels ultra-transformés peut ainsi conduire à recevoir chaque jour bien plus de 2 grammes de phosphore, soit 3 à 4 fois plus que les apports conseillés.
Il y a aussi du phosphore dans les additifs suivants : E 322 (peu), E 442, E 626-635, E 101(ii), E 1410, E 1412, E 1413, E 1414, E 1415 et E 541.
Dans le Nouveau guide des additifs, les données sur ces substances ont été examinées et il a été conclu qu'il est préférable de les limiter ou les éviter.
Les apports conseillés en phosphore sont de l’ordre de 300 à 450 mg par jour jusqu’à 9 ans, 600 mg chez les jeunes filles de 10 à 19ans, 700 à 800 mg chez les garçons aux mêmes âges, et 550 mg pour les adultes des deux sexes.
Mais l’alimentation en apporte infiniment plus : dans les années 1970, adolescents et adultes absorbaient en moyenne entre 500 mg et 900 mg de phosphore chaque jour.
Aujourd’hui, c’est plus de 1200 mg quand on est de sexe féminin et plus de 1500 mg quand on est de sexe masculin, avec une consommation moyenne comprise entre 1000 et 2000 mg en Europe. Certaines personnes consomment 3500 à 5000 mg de phosphore par jour.
La principale raison de cette augmentation ? La présence d’additifs à base de phosphate dans les aliments ultra-transformés. Les teneurs maximales autorisées existantes de ces additifs dans les aliments varient entre 500 et 20 000 milligrammes par kilogramme (mg/kg) d'aliment, en fonction du type d'aliment. Selon l'Agence européenne des aliments (EFSA), les additifs au phosphate contribuent de 6 à 30% de l'apport total moyen en phosphore. Une alimentation riche en aliments ultra-transformés peut ajouter 250 à 1000 mg de phosphate à la consommation quotidienne.
Selon le Dr Anne-Laure Denans, auteure du Nouveau Guide des Additifs, le E341est à éviter, notamment en cas de problèmes cardiovasculaires, rénaux ou osseux ou encore en cas de prédisposition au cancer. On peut le trouver dans les boissons gazeuses aromatisées sans alcool, le cidre, la crème, les fromages, les produits à base de viande, les laits et préparations infantiles, le lait en poudre, le café en poudre, les soupes et potages, les préparations à base de pomme de terre et certaines spécialités sans gluten.
Le phosphore est un minéral essentiel : nous en avons besoin, mais point trop n’en faut. Un excès de phosphore diminue la biodisponibilité d'autres minéraux, comme le calcium, le magnésium, le zinc. Dans les études épidémiologiques, il est associé à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, osseuses et rénales. Lorsque les quantités de phosphore (apportées par les additifs et les aliments) sont trop importantes, celui-ci peut précipiter sous forme de sel de phosphate de calcium dans les reins et altérer leur fonctionnement, voire entraîner une insuffisance rénale. Chez l’adulte, l'excès de phosphore est lié à une mortalité plus élevée, tant chez les insuffisants rénaux que les personnes en bonne santé. Dans une étude britannique, un niveau élevé de phosphate sérique était associé à des signes de vieillissement accéléré.
Ces données provenant d'études d'observation, il s'agit pour l'instant d'associations, sans qu'on puisse prouver qu'il y a un lien de cause à effet entre la consommation de phosphore et ces problèmes de santé. Chez l'animal, un excès de phosphore dans l'alimentation peut provoquer des calcifications dans les vaisseaux et les reins, voire une mortalité prématurée.
Dans leur dossier de réévaluation de ces additifs paru en 2019, les experts d l'EFSA ont calculé pour les phosphates une dose journalière acceptable (DJA) de 40 milligrammes par kilo de poids corporel, soit 2,8 grammes par jour pour un adulte de 70 kg. Cette DJA ne s'applique pas aux personnes ayant une réduction modérée à grave de leur fonction rénale (jusqu'à 10% de la population), car les phosphates ont alors un effet indésirable sur les reins.
Le Dr Maged Younes, président du groupe scientifique de l'EFSA sur les additifs précise : « Nous avons estimé que l'exposition alimentaire aux phosphates pourrait dépasser la nouvelle DJA chez les nourrissons et les enfants ayant un apport moyen en phosphates dans leur alimentation. C'est également le cas pour les adolescents ayant un régime alimentaire riche en phosphates. »
Il ya aussi des additifs au phosphate dans certains compléments alimentaires. Ces additifs peuvent être utilisés selon le principe quantum satis (autant que nécessaire pour obtenir l’effet désiré). Les experts de l'EFSA considèrent que, chez les individus de plus de 3 ans qui consomment régulièrement de tels compléments, l'exposition alimentaire estimée pourrait dépasser la DJA et atteindre des niveaux associés à des risques pour la fonction rénale. Le Dr Younes rapporte que « le groupe scientifique recommande l'introduction de limites numériques maximales autorisées de phosphates utilisés comme additifs dans les compléments alimentaires, en lieu et place du principe à « quantum satis ».
Pour en savoir plus, lire : Phosphates : les autorités de santé réévaluent ces additifs controversés
Les études épidémiologiques suggèrent que des apports en phosphate deux fois plus élevés que les doses conseillées sont associées à des taux de mortalité élevés. Comment faire pour éviter que toute la famille n'en consomme pas trop ? Voici quelques pistes :
Lire aussi Le Nouveau Guide des Additifs, réalisé par LaNutrition sous la direction du Dr Anne-Laure Denans
Les meilleurs livres et compléments alimentaires sélectionnés pour vous par NUTRISTORE, la boutique de la nutrition.
Découvrir la boutiqueTrès utilisés pour fabriquer les aliments ultra-transformés, les additifs présenteraient des risques réels pour la santé, jusqu'ici négligés.
Vous consommez régulièrement des aliments ultra-transformés ? Vous absorbez alors sans doute cet additif : « les carraghénanes ou E407 ». Ses effets sur la santé sont controversés mais la dernière réévaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) permet d’y voir un peu plus clair. Détails.
La maltodextrine est une poudre blanche riche en amidon que les industriels ajoutent à de nombreux aliments pour améliorer leur saveur, leur texture (épaississant) ou leur durée de conservation. Quels sont les effets de cet agent cosmétique et économique (ACE) sur la santé ?