Big Food : comment les industriels nuisent à la santé

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 19/10/2021 Mis à jour le 29/10/2021
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Dans Big Food, la chercheuse en santé publique Mélissa Mialon décortique l'impact des industriels sur notre santé. Notamment à travers ce qu'on appelle les "déterminants commerciaux de la santé". Découvrez cette notion dans cet extrait édité.

L’impact des industriels sur notre santé est un objet d’étude à part entière en santé publique. Les chercheurs emploient le terme de déterminants commerciaux de la santé, dont voici la définition.

Les déterminants commerciaux de la santé recouvrent l’ensemble des produits, pratiques, mécanismes et systèmes par lesquels les forces commerciales dictent et influencent la santé humaine et celle de notre planète, et creusent les iniquités en matière de santé. L’analyse des déterminants commerciaux de la santé nous permet de comprendre que les industriels ont la mainmise sur notre santé et celle de notre planète. Ces déterminants commerciaux sont responsables de la majeure partie des maladies modernes et des décès. Par conséquent, si l’on veut vivre en meilleure santé sur une planète vivable et dans des sociétés moins inéquitables, il est crucial de passer au crible les produits et pratiques des industriels.

Lorsque je parle d’industriels, c’est au sens large du terme. Je fais référence aux innombrables acteurs de l’activité industrielle, à savoir : les producteurs de matières premières (dont les géants du pétrole), les fabricants (d’aliments transformés, de cigarettes, de médicaments, etc.), les distributeurs (supermarchés, sites de vente en ligne, etc.). Je n’oublie pas les parties tierces qui travaillent à leurs côtés : grossistes et détaillants, prestataires de services, tels que les organisations professionnelles (qui représentent par exemple le secteur du lait, ou celui de l’alcool), les entreprises de relations publiques, les fondations philanthropiques, et certains instituts de recherche.

Mes propos sont donc à nuancer selon le type d’industriel, ainsi qu’à adapter au contexte local. Mais, il arrive que même les fabricants de produits considérés comme bons pour la santé aient recours à des pratiques qui nous rendent malades. Certaines entreprises, notamment dans l’agroalimentaire, respectent il est vrai leurs salariés, notre planète, et vendent d’excellents produits. Mais c’est loin d’être le cas de la plupart des entreprises globales (i.e. qui sont présentes dans de nombreux pays). J’espère vous fournir ici quelques pistes de réflexion pour un changement fondamental de société.

Quels sont les déterminants commerciaux de la santé ?

Tout d’abord, le produit industriel lui-même peut nuire à notre santé. Ensuite, certaines pratiques, comme le marketing visant à promouvoir ce même produit ou bien le lobbying, sont, elles aussi, nocives. Enfin, il existe des moteurs mondiaux de la mauvaise santé, tels que la mondialisation et les politiques néolibérales. Il est temps de prendre en compte l’ensemble de ces déterminants quand on discute de santé publique, et plus particulièrement de la responsabilité des industriels. C’est désormais incontournable si l’on veut trouver des solutions efficaces pour améliorer la santé des populations et réduire les iniquités sociales en matière de santé. Des collègues australiens se sont par exemple intéressés au géant minier Rio Tinto et à la chaîne de fast-food McDonald’s.

Et ils ont montré que si ces industriels génèrent de l’emploi là où ils s’implantent, leurs employés connaissent dans le même temps la précarité, sans compter l’impact négatif de cette activité sur l’environnement local.

>> Lire : Mélissa Mialon : « les industriels nous rendent malades avec leurs produits et leurs pratiques. »

Les produits malsains de Big Food & Cie

La majorité des grands problèmes de santé publique modernes tient à l’utilisation et à la consommation de produits que je qualifie de malsains. L’exploitation par l’homme d’éléments présents dans la nature (arsenic, plomb, etc.) pose parfois problème. D’autres fois, c’est la production de nouvelles substances (pesticides et autres produits chimiques) ou leur utilisation qui nuisent à la santé des agriculteurs, des ouvriers, des populations locales, ainsi qu’à l’environnement.

Les produits malsains dans notre assiette

La consommation, l’ingestion de certains produits, au premier rang desquels les aliments ultra-transformés, nous rend également malades.

J’ai appris à identifier ces aliments et découvert leurs effets délétères sur notre santé lors de ma formation d’ingénieure agroalimentaire. Plus récemment, entre 2018 et 2020, j’ai approfondi ces connaissances en travaillant au Brésil au sein de l’équipe de l’épidémiologiste Carlos Monteiro. Monteiro a proposé une classification des aliments selon leur degré de transformation. Cette classification appelée NOVA (pour « nouveau » en portugais) distingue quatre catégories d’aliments :

  • les aliments bruts ou peu transformés (œufs, fruits, champignons, etc.) ;
  • les ingrédients culinaires transformés (huile, sel, épices, etc.) ;
  • les aliments transformés (purée de fruits, pain frais, poisson fumé, etc. ) ;
  • les aliments ultra-transformés (bonbons, laits infan - tiles, nuggets, etc.).

Pour aller plus loin, lire : L'indice Siga mesure le niveau de transformation des aliments

Plusieurs revues d’ensemble et méta-analyses de ces études permettent désormais de conclure que plus la consommation d’aliments ultra-transformés est importante, plus le risque de surpoids, d’obésité et de syndrome métabolique (entre autres) est élevé au sein de la population. Les grands consommateurs de produits ultra-transformés ont, par exemple, un risque accru de développer une maladie cardio-vasculaire, et donc de mourir prématurément. On ne parle ici plus seulement de gras, de sucre ou de sel en excès quand ils sont mélangés à des produits bruts ou peu transformés.

L’épidémie galopante du XXIe siècle

On parle aujourd’hui d’épidémie industrielle. Les entreprises sont les « vectrices » de maladies non transmissibles et autres problèmes de santé, à l’image d’une nuée de moustiques transportant un parasite. En l’occurrence, les « parasites » sont les produits malsains qui rendent les gens malades. Ces produits rapportent beaucoup d’argent aux industriels, car ils sont simples à conserver (alcool,sodas, etc.), faciles à transporter (cigarettes, bonbons, etc.), et sont fabriqués en grande quantité par une main-d’œuvre relativement bon marché (nouilles instantanées, voitures parce qu'émettrices de pollution entre autres problèmes, etc.).

Pour que la boucle soit bouclée, alors qu’on est incité de toutes parts à manger des produits ultra-transformés, les mêmes industriels nous proposent la solution : le régime ! Weight Watchers et ses régimes minceur ont ainsi appartenu pendant plusieurs années au groupe américain Heinz, le célèbre roi du ketchup, qui continue d’ailleurs à produire certains aliments Weight Watchers qu’on trouve au supermarché. Un ancien président de Weight Watchers International a travaillé plusieurs années pour Kraft, autre géant de l’agroalimentaire, et pour Cadbury, le fabricant des pastilles Vichy et du chocolat Poulain. Un autre dirigeant de Weight Watchers était quant à lui un ancien de chez Pepsi-Co. Autrement dit, ceux qui nous promettent de nous aider à maigrir sont en fait proches des géants de l’agroalimentaire.

Pour aller plus loin, lire : BIG FOOD & CIE

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