Dr Anthony Fardet : « Les aliments ultra-transformés abîment notre santé et celle de la planète. »

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 14/01/2022 Mis à jour le 09/09/2022
Point de vue

Chercheur, spécialiste européen des aliments ultra-transformés, le Dr Anthony Fardet explique les risques posés par leur consommation et leur production.

LaNutrition.fr : Vous avez été le premier chercheur français à alerter sur les aliments ultra-transformés. Quels sont leurs effets sur la santé humaine ?

Dr Anthony Fardet : Depuis 2017, et la sortie de mon ouvrage Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai, le problème des aliments ultra-transformés est devenu un sujet de société en France. À ce jour, plus de 70 études épidémiologiques montrent que, lorsque ces aliments sont consommés en excès, le risque de mortalité précoce augmente, tout comme ceux d’obésité, de syndrome métabolique, de stéatose hépatique (maladie du foie gras humain), de diabète de type 2, de maladies cardio-vasculaires, de dépression, d’hypertension, de cancers toutes causes confondues, de syndrome de l’intestin irritable, d’altération de l’ADN, d’hyperactivité chez les enfants (colorants) et de déclin de la fonction rénale. Certes, corrélation ne signifie pas causalité et ces études sont de qualité hétérogène, mais elles vont toutes dans le même sens : les conséquences des aliments ultra-transformés sont les mêmes quelle que soit la population ou ethnie étudiée, et toutes les fonctions du corps semblent impactées. En outre, à chaque fois que ces aliments pénètrent un nouveau marché ou un nouveau pays (aujourd’hui les pays émergents ou en développement), les risques de maladies chroniques augmentent.

À lire : Un extrait de "Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai"

LN : Vous dites aujourd’hui que ces effets délétères des aliments ultra-transformés ne sont que la partie émergée de l’iceberg ?

Dr. A. F : En effet, car le système économique qui sous-tend la fabrication massive de ces produits n’est absolument pas durable. La globalisation de leur consommation (avec des croissances à deux chiffres dans les pays émergents et en développement) met en péril toutes les dimensions de la durabilité : disparition des petits producteurs et paysans, pollution environnementale, production de gaz à effet de serre, déforestation, perte de biodiversité, souffrance animale, inéggalités sociales, perte des traditions culinaires…

Plus de 70 études épidémiologiques montrent que, lorsque les aliments ultra-transformés sont consommés en excès, le risque de mortalité précoce augmente »

LN : Comment l’expliquer ?

Dr. A. F : Il faut revenir à la définition d’un aliment ultra-transformé : il se caractérise par la présence dans sa liste d’ingrédients d’au moins un marqueur d’ultra-transformation. Ces marqueurs sont obtenus par synthèse, ou bien par une succession de procédés physiques, chimiques et/ou biologiques appliqués à des matières premières naturelles et qui conduisent à une forte dégradation de leur matrice d’origine. Ces ingrédients ultra-transformés proviennent de grandes monocultures intensives de quelques variétés botaniques (riz, blé, maïs, pomme de terre, pois, soja), et de l’élevage intensif de quelques espèces animales (volailles, porcins, bovins), et sont donc associés à une faible biodiversité.Cette même agriculture ultra-intensive est associée à la pollution de l’environnement, à la déforestation – pour produire du soja, par exemple, qui entrera dans l’alimentation des animaux d’élevage (produits animaux ultra-transformés bon marché). En outre, ces aliments ultra-transformés aux formulations standardisées (et donc avec des saveurs, couleurs, arômes et textures uniformisés) se substituent progressivement aux vrais aliments, notamment auprès des plus jeune : le pain de mie remplace le vrai pain, le soda l’eau, les formules infantiles le lait maternel, les arômes de fraise les vraies fraises… et tous ces aliments sont hyperpalatables. Enfin, les aliments ultra-transformés sont associés à une vie sociale fragmentée et aux inégalités sociales car ils sont consommés majoritairement en situation isolée et par les populations les plus défavorisées dans nos pays.

Un aliment sain se définit comme un aliment le moins transformé possible pour être à la fois comestible, sûr et bon »

LN : Qu’est-ce qu’un aliment sain ?

Dr. A. F : Un aliment sain n’est pas un aliment équilibré nutritionnellement car un tel aliment n’existe pas hormis le lait maternel. Rappelons que les aliments fournis par la nature nous offrent plus de 26 000 composés différents. Aujourd’hui, selon la science la plus récente, un aliment sain se définit comme un aliment le moins transformé possible pour être à la fois comestible, sûr et bon. Un aliment sain est donc un aliment dont la matrice a été préservée au maximum par la transformation ; car la matrice des aliments gouverne le devenir métabolique des nutriments. Plus cette matrice est préservée et « respectée » par les procédés technologiques, plus l’aliment est sain et plus les nutriments vont « bien se comporter » dans notre organisme. Dès lors, il devient évident que vouloir noter les aliments sur la base de leur composition n’a pas de sens scientifique. Sur la base des données scientifiques, un régime alimentaire sain pour la santé globale est un régime riche en produits végétaux peu transformés et varié. C’est ce que nous avons empiriquement conceptualisé à travers la règle des 3V pour Vrai, Végétal, Varié. Il convient de respecter cette hiérarchie dans nos choix alimentaires : tandis que le « Vrai » nous oriente vers les aliments peu transformés, le « Végétal » et le « Varié » nous permettent de couvrir l’éventail de nos besoins en nutriments. Le respect de cette hiérarchie dans nos choix alimentaires est primordial car si nos aliments contiennent tous les nutriments nécessaires à notre organisme mais que leur matrice a été détériorée par l’ultra-transformation, alors nous pouvons tomber malade et développer une maladie chronique. C’est pour cela que végétaliser son assiette avec de la chimie comestible ultra-transformée – la viande végétale, par exemple –, n’est pas meilleur pour la santé et la planète.

Pour aller plus loin, lire : Pourquoi tout compliquer ? BIEN MANGER EST SI SIMPLE

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