Anthony Fardet : « Le Nutri-Score ne fera pas baisser l’obésité »

Par Marie-Charlotte Rivet Bonjean - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 07/11/2017 Mis à jour le 25/05/2022
Point de vue

Anthony Fardet est chercheur en nutrition préventive et auteur des livres Pourquoi tout compliquer ? Bien manger est si simple et Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons vrai . Il explique pourquoi le Nutri-Score ne fera baisser ni l’obésité ni les maladies chroniques.

LaNutrition.fr : Que faut-il penser du Nutri-Score, mis au point par le Programme national nutrition santé et que plusieurs enseignes et industriels ont adopté ?

Anthony Fardet : Le Nutri-Score est basé sur un logiciel réductionniste, c’est-à-dire qu’il ne voit les aliments que comme une somme de nutriments (sucre, graisses, sel...) au lieu de les voir dans leur globalité. Autre défaut : il ne prend pas en compte les additifs présents dans les produits. Les aliments sont certes un ensemble de nutriments mais pas uniquement. Par exemple 500 calories (kcal) d’un aliment peu transformé et 500 calories d’un aliment ultra-transformé ne vont pas avoir la même répercussion sur la santé !

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C’est-à-dire ?

À composition identique, deux aliments avec des matrices différentes n’ont pas le même effet sur la santé car la matrice, qui est la structure physique de l'aliment, agit sur les hormones de la satiété, la vitesse de libération des nutriments, le transit, le temps de mastication, etc.. Autant de paramètres essentiels qui influencent le métabolisme. Dit autrement, toutes les calories ne se valent pas. Par exemple, des amandes consommées entières ou broyées, ne libèrent pas la même quantité de graisses dans l’organisme et pas à la même vitesse. Le problème ce ne sont ni les graisses, ni les glucides ou les protéines mais plutôt le véhicule de ces nutriments, à savoir la matrice alimentaire : est-elle ultra-transformée ou pas ?

Le Nutri-Score donne des notes aux aliments, mais il se trompe sur leurs qualités réelles ?

Le Nutri-Score se base sur des critères de qualité nutritionnelle d'un autre temps comme la teneur élevée en calories. Par exemple l’huile d’olive est notée E (la pire note) alors que c’est juste de l’huile, un aliment simple qui peut être consommé sans crainte pour la santé. Les fromages sont également mal notés alors que, certes ils contiennent des graisses saturées, mais ils sont peu transformés. Il n’y a donc pas de raison qu’ils soient mal notés. En outre la littérature scientifique montre que les consommateurs réguliers de fromages n’ont pas de risque accru de maladies cardio-vasculaires.

Pensez-vous que l’adoption du Nutri-Score peut quand même aider à faire baisser l’obésité ?

Non, car l’obésité est une maladie multifactorielle résultant d’un environnement obésogénique : elle dépend de l’alimentation, du manque d’activité physique, de la pollution − perturbateurs endocriniens −, un peu de la génétique et/ou de l’équilibre émotionnel. Elle ne peut donc être prévenue par un « logiciel » réductionniste type Nutri-Score mais par une approche holistique multidimensionnelle prenant en compte l’environnement global de la personne obèse.

Pourtant des études suggèrent que le Nutri-Score pourrait avoir un impact positif sur l’obésité.

Ces études mesures en réalité l’équilibre nutritionnel d’un régime global dans une cohorte, et leurs résultats ne peuvent être extrapolés, en termes d’application dans le réel, sur le choix d’un seul aliment en magasin ; car un aliment sain est tout simplement le moins transformé possible : l’équilibre nutritionnel d’un aliment ne veut pas dire grand-chose, celui d’un régime alimentaire, si. Mais si cette approche réductionniste était efficace, alors pourquoi obésité et diabète de type 2 ne cessent de progresser dans le monde ? L’État veut probablement se donner bonne conscience, mais continue de mettre en place un système « facile » qui date de « l’ancien monde ». Les solutions réductionnistes apparaissent toujours simples et « magiques » sur le court-terme tandis que les solutions holistiques sont plus compliquées mais s‘inscrivent sur le long terme. Par exemple, le Programme national de nutrition santé (PNNS) était censé aider à diminuer le taux d’obésité en France. Pourtant le taux d’obésité ne diminue pas : il est d’environ 15% de la population adulte en 2017 avec une prévision à 20 % en 2030 alors qu’il n’était que de 6 % au début des années 90 !

Le Nutri-Score n’est pas obligatoire. Existe-t-il des alternatives crédibles ?

C’est une bonne chose qu’il ne soit pas obligatoire. Effectivement, il existe des alternatives. Par exemple la classification internationale NOVA, mise au point par une équipe d’épidémiologistes brésiliens, classe les aliments selon leur degré de transformation en 4 groupes technologiques, ceci en lien avec la santé des consommateurs comme de nombreux articles scientifiques publiés le démontrent très bien.

Dans vos livres, vous plaidez, comme d’autres chercheurs, pour un changement profond de paradigme en matière de nutrition.

Il faut voir l’aliment dans son ensemble (pas comme une seule somme de nutriments). C’est pour cela que nous essayons de convaincre le grand public, les industriels et les distributeurs, de la pertinence de la classification internationale NOVA. En conclusion, nous pensons que pour aider le consommateur à faire des choix plus avisés, il faut déjà lui expliquer ce qu’est un aliment ultra-transformé. Avec le Nutri-Score on ne fait que déplacer le problème : cet étiquetage incite les industriels à reformuler leurs produits en réduisant les graisses saturées, le sel ou le sucre, mais si les aliments restent ultra-transformés, il n'y aura pas de bénéfice pour la population. Le vrai changement sera de passer de l’ultra-transformé au peu/normalement transformé, ce que le Nutri-Score ne permet pas ! 

Propos recueillis par Marie Charlotte Rivet Bonjean

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