Régime cétogène : ce que dit la science

Par Elvire Nérin - Journaliste scientifique et auteure Publié le 19/03/2019 Mis à jour le 09/06/2023
Article

De nombreuses croyances circulent sur le régime keto ou cétogène. Nous les avons confrontées aux données de la science.

Le régime keto ou cétogène consiste à diminuer  fortement les glucides, et augmenter tout aussi fortement les graisses. Ce régime thérapeutique qui permet de soigner l’épilepsie est expérimenté dans plusieurs autres maladies et le public s’y intéresse. Il n’en fallait pas plus pour qu’il fasse l’objet de nombreuses croyances et idées fausses.

Une alimentation riche en graisses, pauvre en glucides, que l’on appelle aussi régime cétogène se traduit par l’apparition dans l’organisme de composés appelés cétones. Le régime cétogène a montré son intérêt dans le traitement de l’épilepsie, du surpoids et de l’obésité, du prédiabète et du diabète. Il est employé à titre expérimental dans les maladies neurodégénératives et le cancer. Ses bénéfices, démontrés ou potentiels, sont liés aux propriétés des cétones, dont la plus connue (et la plus présente) est le β-hydroxybutyrate.

Les livres de référence sur le régime cétogène

« Le régime cétogène est pro-inflammatoire. » Vrai ou Faux ? 

Cette affirmation se base sur une seule et unique étude conduite à l’Inserm sur une lignée particulière de cellules avec du bêta-hydroxybutyrate. L’étude de l’Inserm a trouvé que ce composé, qui est produit par l’organisme lorsqu’on jeûne ou qu’on suit un régime cétogène, est soit neutre, soit légèrement pro-inflammatoire sur cette lignée cellulaire. 

Ce que dit la science  

Les données publiées et conduites sur d’autres souches, ainsi que les études menées avec le régime lui-même font apparaître au contraire une action anti-inflammatoire, comme nous l’avons rapporté dans un article

Assurer que le régime cétogène est pro-inflammatoire ne reflète donc pas les données de la science. Le régime cétogène apparaît globalement anti-inflammatoire. En effet, l'inflammation est régulée par la production de médiateurs pro- et anti-inflammatoires, comme les cytokines. En diminuant le niveau d'insuline, en augmentant l'hormone glucagon, les cétones, et en réduisant la graisse corporelle, la diète cétogène favorise un environnement anti-inflammatoire.

Lire : Simplement Kéto, d'Ayem Nour

« Il ne faut pas suivre un régime cétogène quand on a un cancer car il n’y a aucune preuve que ça aide les patients. » Vrai ou Faux ?

Ce que dit la science

Prises ensemble, les études chez l’animal montrent que par rapport à un régime classique glucidique, un régime cétogène diminue généralement la croissance des tumeurs et prolonge la survie. Chez l’homme, il y a encore peu de données disponibles : il s’agit surtout d’études cliniques préliminaires ou de rapports de cas.

Toutefois, plusieurs études dans le monde sont menées sur des patients ayant un cancer. Par exemple :

  • l'institut Gustave Roussy en France a lancé une étude pilote appelée KETOREIN, sur l'utilisation du régime cétogène chez des patients traités pour le cancer du rein ;
  • une étude de l'université d'Osaka parue en 2023 a porté sur 55 patients avec un cancer avancé. Précédemment, les chercheurs avaient obtenu des résultats prometteurs sur 37 des 55 patients qui avaient suivi un régime cétogène pendant plus de trois mois. Pour poursuivre leur analyse, les chercheurs ont divisé les patients en deux groupes : 21 d’entre eux ont suivi le régime pendant au moins 12 mois (durée médiane : 37 mois) et 32 l’ont suivi pendant moins de 12 mois (durée médiane : 3 mois). Les données manquaient pour les 2 patients restants. Au cours de la période de suivi, 41 patients sont décédés : 10 dans le groupe qui a suivi le régime plus de 12 mois et 31 dans l’autre groupe. La survie médiane était de 55,1 mois dans le groupe qui a suivi le régime plus de 12 mois, tandis que dans l’autre groupe elle n’était que de 12 mois. La poursuite du régime cétogène à long terme semble donc améliorer le pronostic de patients avec un cancer avancé.

Donc s’il est vrai qu’on n’a pas de preuves solides (avec des essais cliniques randomisés) de l’efficacité d’un tel régime associé aux traitements, les résultats suggèrent cependant un bénéfice potentiel surtout dans les cancers du côlon et du cerveau, peut-être les cancers pancréatiques. D'après Magali Walkowicz, diététicienne-nutritionniste, auteure de Le cancer aime le sucre, qui a suivi de nombreux patients, ceux qui sont atteints de leucémies ne doivent pas suivre de régime cétogène.

À lire aussi : Régime cétogène et cancer : l'expérience de la diététicienne et Cancer du pancréas : le régime cétogène pourrait rendre les traitements plus efficaces

« Le régime cétogène peut stimuler les tumeurs du sein, le mélanome, et les cancers du rein. » Vrai ou Faux ?

Ce que dit la science 

Cancer du sein : rien ne permet d’affirmer que le régime cétogène pourrait stimuler les tumeurs mammaires. Le cas d’une femme atteinte d’une forme agressive de ce cancer a été rapporté en 2017 ; traitée par une chimiothérapie associée au régime cétogène, à un traitement hyperthermique et de l’oxygène hyperbare, ses tumeurs ont disparu.  

Mélanome : les données sont contrastées. Dans la moitié des cas de mélanome il y a des mutations du gène BRAF, notamment la mutation BRAF V600E. Cette mutation cause le développement et la multiplication incontrôlés des cellules cancéreuses. Dans un modèle animal (souris) positif pour la mutation BRAF V600E, la croissance de la tumeur a été favorisée par un régime cétogène. À l’inverse, le régime cétogène n’a eu aucun effet néfaste sur la progression de mélanome positif aux mutations touchant le gène NRAS (15 % des cas), ni sur des tumeurs transplantées sur des animaux. Enfin, dans un essai préclinique portant sur un petit nombre de patients cancéreux, un patient porteur de la mutation BRAF V600E a semblé bénéficier du régime cétogène.

Cancers du rein : on ne dispose pas de données chez l’homme, mais les études chez l’animal laissent penser que le régime cétogène peut favoriser la croissance des tumeurs. Une étude pilote est en cours à l'institut Gustave Roussyn : KETOREIN.

« Si on suit un régime cétogène quand on a un cancer, on s’expose à la dénutrition et aux troubles digestifs. » Vrai ou Faux ?

Ce que dit la science 

« Les études conduites sur des patients atteints de cancer n’ont pas mis en évidence d’effets secondaires sérieux, essentiellement des problèmes mineurs et transitoires, comme la fatigue, la constipation ou la diarrhée, qui sont probablement associés au fait que le corps s’adapte à un mode de fonctionnement cétogène », indique le Pr Rainer Klement (Hôpital de Schweinfurt, Allemagne).

« Quand on maigrit avec un régime cétogène, on perd de l’eau et des muscles et on reprend plus que le poids perdu. » Vrai ou Faux ?

Ce que dit la science

Un régime pauvre en glucides n’est pas le seul moyen de perdre du poids, mais il est plus efficace qu’un régime pauvre en graisses pour y parvenir, au moins à court et moyen terme, comme le montre l’analyse de 31 essais cliniques

Le poids perdu ne consiste pas en « eau et muscles » mais majoritairement en graisses corporelles. La masse musculaire est peu affectée ou totalement préservée, y compris semble-t-il au cours d’une radiothérapie. Les études montrent d’ailleurs que la cétose diminue les pertes musculaires aussi bien chez les personnes en bonne santé que les patients atteints de cancer. 
Par exemple, dans un essai contrôlé chez des femmes avec un cancer des ovaires ou de l’endomètre, un régime cétogène a été comparé au régime recommandé par la Société américaine du cancer. Après 12 semaines, le groupe « cétogène » avait perdu plus de masse grasse et de graisse viscérale ; la masse musculaire était identique dans les deux groupes. Des études expérimentales ont d’ailleurs mis en évidence un effet anticatabolique (préservation musculaire) de la principale cétone, le bêta-hydroxybutyrate.

Y a-t-il un rebond de poids au-delà du poids initial ? Rien ne permet de le dire. Au contraire, une étude a trouvé qu’en suivant un régime cétogène/méditerranéen de 20 jours, suivi de 20 jours de régime low carb méditerranéen, puis de 4 mois de régime méditerranéen normal, puis 2 jours de régime cétogène et enfin 6 mois de régime méditerranéen normal, des personnes obèses perdaient non seulement suffisamment de poids pour voir leur IMC revenir à un "simple" surpoids mais gardaient aussi leurs nouvelles habitudes alimentaires sur le long terme.

Lire : Le Grand livre de l'alimentation cétogène, de Nelly et Ulrich Genisson

« Le régime cétogène diminue l’espérance de vie. » Vrai ou Faux ?

C’est ce qu’affirme un médecin français sur la base d’une étude d’observation publiée en 2018 dans le Lancet selon laquelle les alimentations contenant le plus de glucides et celles qui en renfermaient le moins étaient associées à une augmentation de la mortalité. Le risque minimal étant observé pour des apports en glucides compris entre 50 et 55 % des apports caloriques.

Ce que dit la science

Cette étude est une étude d’observation, et, à ce titre, ne permet pas de tirer une relation de cause à effet. Elle souffre d’ailleurs de plusieurs défauts, en particulier qualité médiocre des données recueillies et sous-déclaration des apports caloriques. De plus, le régime « pauvre en glucides » ne l’était pas vraiment (37 % des apports caloriques, soit très loin d’un régime cétogène) et dans ce groupe, les personnes à risque (diabète, tabac) étaient sur-représentées. Ensuite, il faudrait pouvoir disposer d'une explication biologique au fait qu'en mangeant moins de glucides on met sérieusement sa santé en danger, alors même que les études ont trouvé des bénéfices à ce type d’alimentation, en particulier sur le poids, les facteurs de risque cardiovasculaire ou diabète. Il est probable que ce que cette étude a constaté, c’est que des personnes dont l’état de santé était fragile ont été conduites à réduire les glucides ; c’est ce mauvais état de santé qui pourrait expliquer la diminution de leur espérance de vie. 
Il n’est donc pas possible de s’appuyer sur cette étude pour affirmer qu’un régime low carb ou cétogène réduit l’espérance de vie.

Si vous souhaitez suivre un régime cétogène, vous pouvez consulter une sélection de livres de référence ici. Il peut être utile de consulter un diététicien-nutritionniste. Si vous souffrez d'une maladie chronique, si vous prenez des traitements médicamenteux, prenez l'avis de votre médecin avant de suivre tout régime restrictif.

Références
  1. Perez A, Merlini L, El-Ayadi M, Korff C, Ansari M, von Bueren AO. Comment on:  Ketogenic diet treatment in recurrent diffuse intrinsic pontine glioma in children: A safety and feasibility study. Pediatr Blood Cancer. 2019 Feb 15:e27664. 
  2. Nakamura K, Tonouchi H, Sasayama A, Ashida K. A Ketogenic Formula Prevents Tumor Progression and Cancer Cachexia by Attenuating Systemic Inflammation in Colon 26 Tumor-Bearing Mice. Nutrients. 2018 Feb 14;10(2).
  3. Klement RJ. The emerging role of ketogenic diets in cancer treatment. Curr Opin Clin Nutr Metab Care. 2019 Mar;22(2):129-134.
  4. Noorlag L, De Vos FY, Kok A, Broekman MLD, Seute T, Robe PA, Snijders TJ. Treatment of malignant gliomas with ketogenic or caloric restricted diets: A systematic review of preclinical and early clinical studies. Clin Nutr. 2018 Nov  14. pii: S0261-5614(18)32519-6.
  5. Ok JH, Lee H, Chung HY, Lee SH, Choi EJ, Kang CM, Lee SM. The Potential Use of a Ketogenic Diet in Pancreatobiliary Cancer Patients After Pancreatectomy. Anticancer Res. 2018 Nov;38(11):6519-6527.
  6. Sherwin RS, Hendler RG, Felig P. Effect of ketone infusions on amino acid and nitrogen metabolism in man. J Clin Invest. 1975;55:1382–1390. 
  7. Rich AJ, Wright PD. Ketosis and nitrogen extrection in undernourished surgical patients. JPEN J Parenter Enter Nutr. 1979;3:350–354.
  8. Willi SM, Oexmann MJ, Wright NM, Collop NA, Key LL Jr. The effects of a high-protein, low-fat, ketogenic diet on adolescents with morbid obesity: body composition, blood chemistries, and sleep abnormalities. Pediatrics. 1998 Jan;101(1 Pt 1):61-7.
  9. Choi HR, Kim J, Lim H, Park YK. Two-Week Exclusive Supplementation of Modified Ketogenic Nutrition Drink Reserves Lean Body Mass and Improves Blood Lipid Profile in Obese Adults: A Randomized Clinical Trial. Nutrients. 2018 Dec 3;10(12).
  10. Cohen CW, Fontaine KR, Arend RC, Alvarez RD, Leath CA III, Huh WK, Bevis KS, Kim KH, Straughn JM Jr, Gower BA. A Ketogenic Diet Reduces Central Obesity and Serum Insulin in Women with Ovarian or Endometrial Cancer. J Nutr. 2018 Aug 1;148(8):1253-1260. 
  11. Klement RJ, Sweeney RA. Impact of a ketogenic diet intervention during radiotherapy on body composition: I. Initial clinical experience with six prospectively studied patients. BMC Res Notes. 2016 Mar 5;9:143. doi: 10.1186/s13104-016-1959-9.
  12. Paoli A. Ketogenic diet for obesity: friend or foe? Int J Environ Res Public Health. 2014 Feb 19;11(2):2092-107.
  13. Koutnik AP, D'Agostino DP, Egan B. Anticatabolic Effects of Ketone Bodies in Skeletal Muscle. Trends Endocrinol Metab. 2019 Apr;30(4):227-229.

La sélection

Publicité

Les meilleurs livres et compléments alimentaires sélectionnés pour vous par NUTRISTORE, la boutique de la nutrition.

Découvrir la boutique logo Nutrivi

A découvrir également

Back to top