Régime cétogène et inflammation

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 05/03/2019 Mis à jour le 12/03/2019
Article

Connu pourtant pour ses propriétés anti-inflammatoires, le régime keto ou cétogène ne diminuerait pas l’inflammation, affirment des médias grand public. Nous avons cherché l'origine de cette information et mesuré sa fiabilité. Enquête.

Le contexte

Une alimentation riche en graisses, pauvre en glucides, que l’on appelle aussi régime keto ou cétogène se traduit par l’apparition dans l’organisme de composés appelés cétones. Il en va de même lorsqu’on jeûne. Le régime cétogène a montré son intérêt dans le traitement de l’épilepsie, du surpoids et de l’obésité, du prédiabète et du diabète. Il est employé à titre expérimental dans les maladies neurodégénératives et le cancer. Ses bénéfices, démontrés ou potentiels, sont liés aux propriétés des cétones, dont la plus connue (et la plus présente) est le β-hydroxybutyrate. Des études ont montré que le régime cétogène diminue l’inflammation et le stress oxydant, améliore la sensibilité à l’insuline.

Pourtant, plusieurs médias ont contesté récemment l'ativité anti-inflammatoire du régime cétogène, en se basant, disent-ils, sur une étude récente. Nous l'avons examinée.

L’étude de l'INSERM

Une équipe de chercheurs franco-polonais a voulu vérifier les propriétés, notamment anti-inflammatoires, du β-hydroxybutyrate, sur une lignée de cellules endothéliales. 
Les résultats ne font pas apparaître, selon les mots des auteurs, une « action nette anti-inflammatoire » du β-hydroxybutyrate. En effet, dans leur étude, cette molécule ne diminue pas l’expression des gènes commandant la synthèse de 3 médiateurs inflammatoires. 
De plus, toujours in vitro, le β-hydroxybutyrate n’a pas permis de réduire l’inflammation générée par des molécules pro-inflammatoires appelées lipopolysaccharides. Il pourrait même exercer un léger effet pro-inflammatoire. Au total, sur cette lignée de cellules, le β-hydroxybutyrate a, selon les chercheurs, soit un effet "neutre", soit "légèrement pro-inflammatoire."

Une interprétation hasardeuse

La presse grand public a rendu compte de cette étude en assurant que le régime cétogène « n’est pas anti-inflammatoire ».
La confusion vient du communiqué de presse de l’Inserm publié sous le titre trompeur « les controverses biochimiques du régime cétogène », alors que l’étude ne porte que sur le β-hydroxybutyrate et que le titre de l’étude originale ne fait pas référence au régime cétogène.

Le communiqué de presse poursuit en affirmant que l’étude « vient (…) de montrer que (le β-hydroxybutyrate) ne présente pas d’activité anti-inflammatoire ». 

Ceci est manifestement faux : l’étude n’a simplement pas mis en évidence d’activité anti-inflammatoire sur une lignée de cellules très particulière. Impossible d’en tirer des conclusions pour l'activité sur d’autres cellules, ce que reconnaissent les auteurs dans l’article original, paru dans Scientific Reports : « le β-hydroxybutyrate pourrait ne pas agir de manière pléiotropique comme molécule anti-inflammatoire. » Traduction : cette cétone n’exerce peut-être pas d’activité anti-inflammatoire systématique et universelle.

Ce que l’on sait des effets anti-inflammatoires du β-hydroxybutyrate

Avant cette étude, de nombreuses autres ont testé le β-hydroxybutyrate dans l’inflammation. Prises collectivement, elles montrent bien que cette molécule possède des propriétés anti-inflammatoires.
Le β-hydroxybutyrate a déjà montré une activité anti-inflammatoire sur des globules blancs neutrophiles (2) et des macrophages (3) ainsi que sur des cellules microgliales (du système nerveux central) (4), ou encore des cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien (œil) (5).
Cependant, une étude a trouvé que le β-hydroxybutyrate induit une inflammation sur des cellules bovines du foie (cette étude est d’ailleurs citée par les chercheurs de l’Inserm).

Conclusion : le β-hydroxybutyrate exerce le plus souvent des effets anti-inflammatoires, mais il est possible qu’il soit neutre, voire qu'il puisse favoriser l’inflammation dans certains cas, selon la durée d’exposition, la concentration (des taux très élevés semblent pro-inflammatoires), le type de cellule, et la nature du milieu (présence ou absence de facteurs de modulation).

Les effets anti-inflammatoires du régime cétogène

On comprend bien que les constatations in vitro basées sur une seule molécule ont leurs limites. Elles ne permettent pas de prédire correctement ce qu’il se passe lorsqu’un animal ou un être humain suit un régime cétogène. Pour cela, il faut regarder comment évolue l’inflammation dans des études expérimentales ou des essais cliniques, au cours desquelles des cobayes ou des volontaires suivent un tel régime.

Un grand nombre de ces études a été conduit et il est dommage que l’Inserm n’en ait pas fait état.
Car si ces études ont montré dans un petit nombre de cas des effets pro-inflammatoires ou neutres, la majorité fait apparaître des effets anti-inflammatoires du régime cétogène

C’est le cas par exemple chez des personnes en surpoids (6) lorsqu’elles suivent un tel régime.

Chez l’animal exposé à des lipopolysaccharides, un régime cétogène initié précocement atténue l’inflammation dans le sang et le cerveau, ainsi que la fièvre (7). Une baisse de l’inflammation a aussi été constatée dans un modèle de dommages à la moelle épinière (8), un modèle de neuro-inflammation (9), de Parkinson (10), de cancer du côlon (11), ainsi que sur la réponse inflammatoire périphérique (12). Toujours chez l’animal, la présence de cétones dans le cerveau est associée à une baisse de l’inflammation (13).

Lire aussi : Les effets anti-inflammatoires et anti-douleur du régime cétogène (abonnés)

En conclusion

La plupart des études menées sur cultures cellulaires montrent que le β-hydroxybutyrate a des propriétés anti-inflammatoires. Ces propriétés in vitro ne sont pas universelles, comme le suggère l’étude de l’Inserm. Qu’en est-il du régime cétogène lui-même ? Les données disponibles à ce jour montrent qu’il diminue le plus souvent l’inflammation. Pas tout à fait ce qui a été rapporté dans la presse.

Références

(2) Youm, Y. H. et al. The ketone metabolite beta-hydroxybutyrate blocks NLRP3 inflammasome-mediated inflammatory disease. Nat Med 21(3), 263 (2015).

(3) Goldberg, E. L. et al. beta-Hydroxybutyrate Deactivates Neutrophil NLRP3 Inflammasome to Relieve Gout Flares. Cell Rep 18(9), 2077 (2017).

(4) Fu SP, Li SN, Wang JF, Li Y, Xie SS, Xue WJ, Liu HM, Huang BX, Lv QK, Lei LC,  Liu GW, Wang W, Liu JX. BHBA suppresses LPS-induced inflammation in BV-2 cells by inhibiting NF-κB activation. Mediators Inflamm. 2014;2014:983401. doi: 10.1155/2014/983401.

(5) Gambhir D, Ananth S, Veeranan-Karmegam R, Elangovan S, Hester S, Jennings E, Offermanns S, Nussbaum JJ, Smith SB, Thangaraju M, Ganapathy V, Martin PM. GPR109A as an anti-inflammatory receptor in retinal pigment epithelial cells and  its relevance to diabetic retinopathy. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2012 Apr 24;53(4):2208-17. 

(6) Forsythe CE, Phinney SD, Fernandez ML, Quann EE, Wood RJ, Bibus DM, Kraemer WJ, Feinman RD, Volek JS. Comparison of low fat and low carbohydrate diets on circulating fatty acid composition and markers of inflammation. Lipids. 2008 Jan;43(1):65-77.

(7) Dupuis, N., Curatolo, N., Benoist, J.F., Auvin, S., 2015. Ketogenic diet exhibits anti-inflammatory properties. Epilepsia 56, 95–98.

(8) Lu Y, Yang YY, Zhou MW, Liu N, Xing HY, Liu XX, Li F. Ketogenic diet attenuates oxidative stress and inflammation after spinal cord injury by activating Nrf2 and suppressing the NF-κB signaling pathways. Neurosci Lett. 2018 Sep 14;683:13-18.

(9) Jeong E.A., Jeon B.T., Shin H.J., Kim N., Lee D.H., Kim H.J., Kang S.S., Cho G.J., Choi W.S., Roh G.S. Ketogenic diet-induced peroxisome proliferator-activated receptor-γ activation decreases neuroinflammation in the mouse hippocampus after kainic acid-induced seizures. Exp. Neurol. 2011;232:195–202. 

(10) Yang X., Cheng B. Neuroprotective and anti-inflammatory activities of ketogenic diet on MPTP-induced neurotoxicity. J. Mol. Neurosci. 2010;42:145–153. 

(11) Nakamura K, Tonouchi H, Sasayama A, Ashida K. A Ketogenic Formula Prevents Tumor Progression and Cancer Cachexia by Attenuating Systemic Inflammation in Colon 26 Tumor-Bearing Mice. Nutrients. 2018 Feb 14;10(2).

(12) Ruskin D.N., Kawamura M., Masino S.A. Reduced pain and inflammation in juvenile and adult rats fed a ketogenic diet. PLoS ONE. 2009;4:e8349

(13) Maalouf M, Rho JM, Mattson MP. The neuroprotective properties of calorie restriction, the ketogenic diet, and ketone bodies. Brain Res Rev. 2009;59:293–315. 

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