Ce qu’il faudrait manger pour notre santé et celle de la planète

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 23/01/2019 Mis à jour le 24/01/2019
Actualité

Après 3 ans de travail, la commission scientifique EAT-Lancet vient de publier un rapport qui fait des préconisations pour la santé des hommes et celle de la planète. Détails et commentaires de la Rédaction. 

Pourquoi c’est important 

Une mauvaise alimentation conduit à des morts prématurées, comme l’indiquent plusieurs études dont une récente.

Par ailleurs, la production de nos aliments a un coût écologique important. L’agriculture occupe environ 40% des terres et la production alimentaire est responsable d’une partie (jusqu’à 30%) des émissions de gaz à effet de serre, tandis qu’elle utilise 70% de l’eau disponible. 

Il faut donc prendre en compte le paramètre écologique dans les recommandations nutritionnelles si on veut éviter que les pratiques agricoles et de production soulagent la planète. C’est pourquoi 37 scientifiques internationaux se sont regroupés au sein d’une commission pendant 3 ans pour tenter de développer, sur la base des preuves scientifiques avérés ou suffisantes, des systèmes alimentaires capables de subvenir aux besoins de tous, tout en préservant la santé des hommes et celle de la planète. Et les traduire en stratégies et actions pratiques.

Ce que dit le rapport 

Scindé en 3 axes (santé, durabilité et lien entre les deux), le travail des scientifiques fait des préconisations diététiques reposant sur des méthodes de production durables, le tout pour 10 milliards d’êtres humains, soit la taille estimée de la population mondiale en 2050. Résumons les implications, recommandations et défis majeurs que contient ce rapport. 

Axe santé 

Voici les recommandations des scientifiques, l’idée n’étant pas de respecter absolument cet apport journalier mais de s’en approcher dans une semaine par exemple.

Fruits, légumes, légumes secs

Les auteurs indiquent que la consommation de fruits et légumes est importante pour la prévention cardiovasculaire, et que le bénéfice est globalement atteint avec 5 portions quotidiennes. Ils se basent sur un repère de 300 g de légumes (fourchette 200-600) et 200 g de fruits (100-300) par jour, et de 50 g de légumes secs (0-100) et 25 g d’aliments à base de soja (0-50).

Notre avis : Les études d’observation et les essais cliniques pointent vers un niveau optimal d’apport un peu plus élevé que la valeur moyenne retenue dans ce rapport. C’est pourquoi LaNutrition conseille dans son guide La Meilleure Façon de Manger 4 à 7 portions de légumes plus 0 à 2 portions de légumes secs et 3 à 4 portions de fruits frais et secs par jour.

Féculents

Les auteurs rappellent qu’un apport important de céréales complètes et de fibres a été associé à un risque réduit de maladie coronarienne, de diabète de type 2, et de mortalité toutes causes. Les chercheurs partent du principe que ces aliments sont les principaux pourvoyeurs d’énergie dans le monde, et qu’ils devraient continuer de figurer dans l’assiette « pour maintenir la consommation énergétique », à la condition d’être peu transformés, de ne pas faire régulièrement appel aux pommes de terre (index glycémique élevé) et de ne pas représenter plus de 60% des calories (une étude ayant trouvé un risque accru de mortalité lorsque ce seuil est dépassé). Il n’est pas indiqué de limite basse à la quantité de féculents que l’on pourrait consommer. Pour fixer les idées, une quantité quotidienne « possible » de 232 g de céréales complètes et 50 g de tubercules et légumes riches en amidon est proposée (sans dépasser 100 g par jour).

Notre avis : La majorité des féculents consommés dans le monde est raffinée ou transformée, et les auteurs énumèrent longuement les problèmes de santé auxquels ces aliments sont liés. Ils reconnaissent qu’une consommation importante de glucides (raffinés ou pas) peut affecter la santé, notamment chez les personnes résistantes à l’insuline, sédentaires ou en surpoids, qui sont de plus en plus nombreuses, mais cette information n’a pas été relayée par les médias. La fourchette d’apport énergétique par les féculents, dans ce rapport, va de 0 à 60%. LaNutrition.fr considère que les valeurs les plus hautes de cette fourchette ne sont justifiées qu’en cas d’activité physique soutenue. Une mise en garde à ce sujet aurait dû figurer dans le rapport.  

Viandes

Le rapport se prononce clairement pour une baisse drastique de la consommation de viande, les études d’observation européennes et américaines (au contraire des études asiatiques) suggérant que les personnes qui en consomment le plus ont un risque de maladies chroniques faiblement à modérément plus élevé que celles qui en consomment peu. La viande rouge est qualifiée d’ « aliment non essentiel » avec un apport optimal de… zéro gramme par jour, mais peut-on lire, elle peut réduire les déficits en micronutriments dans les populations défavorisées. La fourchette suggérée est de 0 à 28 g de viande rouge par jour avec une moyenne de 14 g /j ; pour la volaille, la fourchette est de 0 à 58 g par jour avec une moyenne de 29 g/j à titre de référence.

Notre avis : La tonalité de ce passage est d’inspiration clairement végétarienne (lire plus loin la polémique), mais compatible avec les recommandations de LaNutrition, qui sont de 0 à 4 portions de viande rouge et volaille par semaine.

Poisson

La consommation de poisson est liée à une meilleure santé cardiovasculaire, en particulier du fait des apports en acides gras oméga-3 à longues chaînes. Les auteurs estiment qu’une à deux portions de poisson par semaine (soit 2 g d’oméga-3) peut réduire le risque de mortalité cardiovasculaire. Ils conseillent comme nous le faisons, de consommer des petits poissons appartenant aux espèces non menacées, afin de diminuer le risque d’imprégnation en mercure. Finalement, ils estiment qu’une portion de 28 g de poisson par jour fournit suffisamment d’oméga-3 et est associé à un risque cardiovasculaire réduit, mais suggèrent une fourchette de 0 à 100 g/j.

Notre avis : LaNutrition conseille 0 à 3 portions par semaine, avec les mêmes recommandations en faveur d’espèces renfermant peu de mercure.

Lire aussi : Mercure : les poissons les moins contaminés, ceux qui le sont le plus

Produits laitiers

Les rédacteurs du rapport écrivent qu’une consommation élevée de produits laitiers (au moins 3 portions quotidiennes) a été massivement promue dans les pays développés pour la santé osseuse et la prévention des fractures. Pourtant, l’apport optimal de calcium reste incertain. La France conseille 900 à 1200 mg par jour, mais le Royaume-Uni 700 mg seulement. Le rapport indique, comme l’avait fait Thierry Souccar dans Lait, mensonges et propagande, « qu’une review de l’OMS, relevant que les régions du monde qui consomment peu de laitages ont moins de fractures que celles qui en consomment beaucoup, a conclu que 500 mg de calcium par jour est adéquat et que des apports plus faibles peuvent être adéquats dans des régions où les taux de fractures sont bas. » Par ailleurs, une consommation élevée de lait est associée à un risque réduit de cancer colorectal mais un risque accru de cancer de la prostate chez l’homme. En conclusion, le rapport retient une fourchette de 0 à 500 g de lait entier (ou équivalent), avec une moyenne de 250 g, correspondant environ à un verre.

Notre avis : LaNutrition.fr a dès 2006 attiré l’attention sur le fait que les recommandations françaises (3 à 4 portions de produits laitiers par jour) ne reposaient pas sur de la bonne science. Nous conseillons depuis cette date 0 à 2 portions quotidiennes, ce qui est précisément la conclusion de ce rapport.

Graisses ajoutées

Les graisses d’origine animale, lit-on dans le rapport, peuvent représenter jusqu’à 30% de l’apport en énergie dans certains régimes alimentaires. La plupart des recommandations nutritionnelles officielles mettent l’accent sur l’intérêt de limiter les graisses totales pour réduire les risques de cancer et de maladies cardiovasculaires, mais ni les études prospectives ni les essais cliniques n’ont suggéré qu’il y avait un bénéfice à agir ainsi. Les auteurs du rapport estiment cependant qu’il pourrait y avoir des bénéfices à remplacer les graisses saturées par des graisses insaturées, notamment celles riches en oméga-6 et oméga-3. Finalement, le rapport suggère de consommer en moyenne 50 g de graisses ajoutées par jour, dont 40 insaturées (monoinsaturées et polyinsaturées), le reste étant constitué pour moitié de graisses végétales saturées et de graisses animales (saturées) à l’exception des graisses laitières (beurre, crème).

Notre avis : LaNutrition s’est montré plus précis, en conseillant 2 à 4 portions d’huiles de colza et olive (assaisonnement), un peu de margarine de colza et de beurre, et un peu d’huile de coco pour les cuissons à température élevée.

Les auteurs du rapport conseillent aussi de limiter le sucre ajouté (0-31 g/j).

A lire aussi : Les effets impressionnants du sucre caché sur l’organisme

Il est également important de prendre en compte la région du monde concernée pour des questions de disponibilité locale mais aussi en termes de progrès à réaliser. À titre d’exemple, les Américains devront faire énormément d’efforts pour réduire leur consommation de viande rouge (600 % des apports recommandés) comparativement aux habitants de l’Asie du sud (50 %).

 

Apport en macronutriments (fourchette possible), g / jour 

Apport en calories, kcal / jour

Céréales complètes

   

Riz, blés, maïs et autres 

232 (0 - 60 % de l'énergie totale)  811 

Tubercules

   

Pommes de terre et maniocs 

50 (0 -100 ) 39

Légumes

   

Tous les légumes 

300 (200 - 600) ...

Légumes verts et noirs

100 23

Légumes rouges et oranges

100 30

Autres légumes

100 25

Fruits 

   

Tous les fruits 

200 (100 - 300) 126

Produits laitiers

   

Laits entiers ou équivalents (oeufs, fromage) 

250 (0 - 500) 153

Sources de protéines 

   

Boeufs et agneaux 

7 (0 - 14) 15

Porcs

7 (0 - 14)  15

Poulets et autres volailles  

29 (0 - 58) 62

Oeufs

13 (0 - 25) 19

Poissons

28 (0 - 100) 40

Légumineuses 

   

Haricots secs, lentilles, pois ...

50 (0 - 100) 172

Aliments au soja

25 ( 0 - 50) 112

Arachides

25 (0 - 75) 142

Fruits à coques

25 149

Graisses ajoutés

   

Huile de palme 

6.8 (0 - 6.8) 60

Huiles insaturés

40 (20 - 80) 354

Matières grasses laitières (lait inclus) 

0 0

Saindoux ou suifs

5 (0-5) 36

Sucres ajoutés

   

Tous les sucres

31 (0 - 31) 120

Axe durabilité agricole 

Pour ce qui est du défi climatique (réchauffement, perte de biodiversité, santé des océans, etc.), les scientifiques statuent sur plusieurs points. 
Premièrement contrôler la quantité d’émissions de gaz à effet de serre causée par la production et le transport alimentaire. Deuxièmement, sortir de la logique des monocultures mortifère et remettre au goût du jour un cercle vertueux en favorisant la bonne santé et la richesse des sols en nutriments. Troisièmement, limiter l’utilisation de l’eau, privilégier les terres déjà consacrées à l’agriculture au lieu d’en conquérir de nouvelles, et reconsidérer les écosystèmes océaniques.

En résumé 

Globalement, le rapport conseille :

  • Des changements alimentaires drastiques (pour tout le monde, mais surtout les habitants d’Europe occidentale et d’Amérique du nord) : manger plus de légumes locaux, de saison et de légumineuses, mais beaucoup moins de viande et de sucre ajouté. On notera la consommation à un niveau élevé de céréales complètes et la non obligation de consommer des produits laitiers.
  • Une amélioration de la production agricole pour produire plus de nourriture qualitative. On fait alors d’une pierre, deux coups en produisant des aliments bruts et sains (bénéfiques pour la santé et moins coûteux pour la planète).
  • Une réduction considérable des déchets et les pertes alimentaires.

Toutes ces mesures, selon les auteurs, pourraient contribuer à éviter 11 millions de décès par an, abaisser la « facture Celsius » à seulement 1,5 degré (contre 6 degrés si rien ne bouge), ramener de la biodiversité dans la faune et dans la flore et subvenir aux besoins nutritionnels de toute l’humanité.

En pratique

Les recommandations de LaNutrition.fr dans La Meilleure Façon de Manger sont assez proches de celles esquissées par ce rapport, avec plus de précision, et des nuances importantes sur la place des féculents qui peut, selon nous, être inadaptée au régime alimentaire d’une population majoritairement sédentaire, ainsi que la place de la viande, pour laquelle la fourchette que nous proposons est plus large. 
On peut regretter que l’accent n’ait pas été davantage mis sur l’intérêt d’éviter ou limiter les produits ultra-transformés comme l’a fait le chercheur Anthony Fardet dans Halte aux aliments transformés ! Mangeons vrai

Il faut ajouter que ce rapport a déclenché une polémique, dans la mesure où il est soutenu financièrement par des sociétés commerciales comme Nestlé, Barilla, Danone, Kellogg’s, Pepsi (voir ci-dessous l'image regroupant les sponsors, trouvée sur le site de l'EAT). Certains commentateurs et nutritionnistes y ont vu la raison pour laquelle il privilégie les produits céréaliers. 

Pour en savoir plus, lire : Le guide de l'alimentation durable et La meilleure façon de manger végétal

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