Les seniors prennent trop de médicaments : les conséquences sur leur santé

Par Julien Hernandez - Journaliste scientifique Publié le 21/06/2018 Mis à jour le 03/07/2018
Actualité

La polymédication semble augmenter la mortalité, les chutes et le déclin cognitif et physique des personnes âgées. Qu’en est-il et pourquoi est-elle si présente chez la population vieillissante ? 

Selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la polymédication se caractérise par la prise de plusieurs médicaments sur le long terme. (1) Elle est très courante chez les personnes âgées. Cette polymédication crée des interactions inconnues entre les différents traitements, pouvant entraîner des effets secondaires inattendus mineurs ou au contraire mettant en danger la santé des patients. 

Plus de mortalité

Les personnes agées consommant beaucoup de médicament meurent plus que les autres. C’est la conclusion d’une récente méta-analyse regroupant 47 études. Cependant, les auteurs restent prudents. On ne peut pas exclure que les personnes qui prennent ces médicaments soient également les plus malades, avec un risque de mortalité élevé. 

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Une augmentation suspecte des chutes 

Des chercheurs ont observé que la polymédication augmentait les chutes sur plus de 5000 personnes (2) mais ces résultats ne sont pas retrouvés dans d'autres études. (3) Il est possible que le risque accru de chute concerne uniquement certains médicaments que les auteurs rassemblent sous l’acronyme FRID pour « Fall risk increasing drugs » littéralement « médicaments augmentant le risque de chute ». 

Parmi eux, on retrouve des médicaments, souvent très consommés par les personnes agées dont ceux pour : 

  • le cœur (bêta-bloquants, diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, etc.),
  • le cerveau (antipsychotiques, hypnotiques, benzodiazépines, antidépresseurs et antiparkinsoniens),
  • la thyroïde (levothyrox),
  • le diabète (insuline et hypoglycémiant oraux),
  • et ceux pour diminuer la douleur (les anti-inflammatoires non stéroïdiens). (4)

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Un déclin cognitif et physique préoccupant

Une étude plus récente a suivi un peu plus de 5000 patients pendant plus de 70 ans et montre que la prise importante de médicaments réduit considérablement les capacités cognitives (apprentissage, vitesse d’expression, etc.) et physiques (vitesse de marche, force de prise, équilibre, etc.) chez les plus de 60 ans.

Pourquoi ces cocktails de médicaments ?

Une partie de la réponse se trouve peut-être dans les normes physiologiques plus ou moins arbitraires de certaines pathologies ou facteurs de risque. Par exemple, de nouveaux critères diagnostics du diabète ont fait baisser les normes, augmentant ainsi automatiquement le nombre de malades et donc de personnes traitées. Idem pour le cholestérol ou la tension artérielle. (5, 6, 7, 8, 9, 10, 11)

Il faudrait pouvoir distinguer la polymédication justifiée de celle qui ne l’est pas. Par ailleurs, cette dernière empêche souvent de se concentrer en premier lieu sur les modifications du mode de vie, principaux vecteurs d’une bonne santé, sans effets secondaires.

En pratique

  • Si vous êtes médecin , ces résultats doivent , par précaution, vous appeler à ne pas prescrire plusieurs médicaments sans analyser attentivement la balance bénéfices / risques pour chaque patient, et à la réévaluer systématiquement.
  • Si vous êtes patient, n'hésitez pas à engager la conversation avec votre médecin sur l'utilité, la pertinence et les éventuelles alternatives de vos traitements.  
Références : 

(1) La polymédication : définition, mesures et enjeux. Institut de recherche et documentation en économie de la santé, 2014.

(2) Dhalwani NN, Fahami R, Sathanapally H, Seidu S, Davies MJ, Khunti K. Association between polypharmacy and falls in older adults: a longitudinal study from England. BMJ Open. 2017;7(10):e016358. doi:10.1136/bmjopen-2017-016358.

(3) Taliesin E. Ryan-Atwood & al: Medication Use and Fall-Related Hospital Admissions from Long-Term Care Facilities: A Hospital-Based Case–Control Study. Drug and aging, 2017.

(4)  Anam Zia & al : The consumption of two or more fall risk‐increasing drugs rather than polypharmacy is associated with falls. Geriatrics Gerontology, 2016.

(5) D. Chevenne, F. Trivin. Le diabète sucré : propositions de nouvelles normes de diagnostic et de classification. Annales de Biologie Clinique. 1998;56(4):463-70.

(6) Goodman DS, Hulley SB, Clark LT, et al. Report of the National Cholesterol Education Program Expert Panel on Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Cholesterol in Adults. Arch Intern Med.1988;148(1):36–69. doi:10.1001/archinte.1988.00380010040

(7) Grundy SM, Bilheimer D, Chait A, et al. Summary of the Second Report of the National Cholesterol Education Program (NCEP) Expert Panel on Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Cholesterol in Adults (Adult Treatment Panel II). JAMA. 1993;269(2

(8) Third Report of the National Cholesterol Education Program (NCEP) Expert Panel on Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Cholesterol in Adults (Adult Treatment Panel III) Final Report. Circulation. 2002;106:3143, originally published December

(9) Lauer MS, Fontanarosa PB. Updated Guidelines for Cholesterol Management. JAMA. 2001;285(19):2508–2509. doi:10.1001/jama.285.19.2508

(10) Joël Ménard : Les va-et-vient de l’histoire de l’hypertension artérielle. Laboratoire de santé publique et informatique médicale,2010.

(11) Nicolas Postel-Vinay : seuils et cibles de pressions artérielle : des chiffres sous influences. Hôpital Européen Georges Pompidou, 2010.

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