Ne manquez pas de vitamine D en période d'infection respiratoire

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 22/02/2022 Mis à jour le 22/02/2022
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Le Dr William Grant est l’un des experts internationaux de la vitamine D. Il est auteur ou co-auteur de près de 300 articles scientifiques, dont 14 sur vitamine D et COVID-19. Dans cet entretien exclusif, il défend le rôle protecteur de la vitamine D, à dose élevée.

LaNutrition.fr : Les concentrations sanguines fluctuantes de vitamine D expliquent-elles, au moins en partie, notre sensibilité aux infections des voies respiratoires supérieures en hiver ?

Dr William Grant : Oui. Mais il y a d’autres facteurs. Par exemple, les ultraviolets à ondes longues, ou UVA, qui représentent plus de 95% du rayonnement solaire ultraviolet permettent de libérer le monoxyde d’azote à partir des composés azotés sous-cutanés, les nitrates. Le monoxyde d’azote abaisse la tension artérielle et tue les virus. Par ailleurs, les UVA peuvent tuer les virus en quelques minutes en été.

LN : La plupart des preuves établissant un lien entre le statut en vitamine D et un pronostic favorable en cas d’infection COVID-19 proviennent d'études observationnelles dont on connaît les limites.

Dr. W. G : Bien que ces études présentent des problèmes, elles peuvent fournir de très bonnes preuves concernant le rôle de la vitamine D dans la réduction du risque de maladie. L’un des problèmes posés par ces études est que le niveau de vitamine D mesuré au moment du diagnostic de COVID-19 a pu baisser du fait de la maladie. Pour le contourner, il faut se baser sur les niveaux de vitamine D avant la maladie, mais pas trop longtemps avant afin qu'elles ne soient pas similaires aux niveaux de vitamine D juste avant de tomber malade. La meilleure étude observationnelle à ce jour montre une légère réduction du risque de COVID-19 avec un taux de vitamine D plus élevé, mais une très forte réduction du taux de mortalité pour des taux élevés de vitamine D, 125 nmol/L étant proche de l’optimal.

LN : Mais peu d'essais cliniques sur la supplémentation en vitamine D chez des patients infectés ont été menés, et plusieurs n'étaient pas contrôlés par placebo ou correctement randomisés.

Dr. W. G : Il existe un bon essai clinique conduit en Turquie et plusieurs en Espagne. Celui de Turquie a donné à la moitié des participants des doses élevées de vitamine D3 en trois à 14 jours pour élever le niveau de vitamine D au-dessus de 75 nmol/L. La seule découverte significative était une réduction du taux de mortalité. De meilleurs résultats ont été obtenus avec le calcifédiol ou 25-hydroxyvitamine D en Espagne, y compris une diminution du passage en soins intensifs. L'avantage du calcifédiol est qu'il augmente les niveaux de vitamine D en quelques heures plutôt qu'en quelques jours pour la vitamine D3, qui doit d’abord être métabolisée par le foie.

LN : Les gouvernements devraient-ils adopter des stratégies à l'échelle nationale pour éliminer les déficits la en vitamine D à l'ère du COVID-19 ?

Dr. W. G : Eh bien, c'est une idée intéressante, mais il y a un certain nombre d'obstacles à cela. Premièrement, les autorités sanitaires et la plupart des médecins ne croient pas que la vitamine D est très efficace, notamment parce que la plupart des essais cliniques randomisés n'ont pas trouvé d'effets bénéfiques de la supplémentation. Un deuxième obstacle est qu'un tel programme impliquerait que chaque pays analyse les données disponibles. Au moment où ce travail serait terminé, il serait trop tard. Un troisième obstacle est qu'il faudrait d'abord supplémenter avec de fortes doses, ce qui n'est pas bien compris. Beaucoup pensent que de fortes doses de vitamine D sont toxiques.

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LN : Quelle est la plage de concentration optimale en 25(OH)D et comment peut-elle être atteinte en hiver ?

Dr. W. G : La plage optimale de vitamine D est de 75 à 150 nmol/L, soit 30 à 60 ng/mL. Pour y parvenir en hiver, on pourrait prendre, disons, 25 000 UI par jour pendant peut-être dix jours, puis 5 000 à 10 000 UI par jour par la suite. Cependant, il n’est pas toujours facile d'obtenir de la vitamine D à forte dose en vente libre dans une partie de l'Europe.

LN : Faut-il prendre des suppléments de vitamine D en cas de grippe et d'infections au COVID-19 ? Combien et quelle forme de vitamine D ?

Dr. W. G : Il est préférable d'augmenter les niveaux de vitamine D avant l'infection ou la maladie. Il existe un certain nombre de mécanismes par lesquels la vitamine D réduit le risque et la gravité du COVID-19, en particulier en diminuant la viabilité et la réplication du virus par induction de cathélicidine et de défensines [NdE : qui font partie de l’immunité innée], et en réduisant le risque de tempête de cytokines qui peut endommager les organes. Comme le montre l'étude menée en Turquie, même l'utilisation de doses élevées de calciférol après avoir développé le COVID19 n'a réduit ni le séjour à l'hôpital ni les symptômes. Le calcifédiol serait préférable, mais il est plus difficile à obtenir. L'essentiel semble être de commencer à le prendre dès les premiers signes de symptômes. Cependant, c'est aussi une bonne idée d'utiliser d'autres suppléments tels que la vitamine C, le magnésium et le zinc, ainsi que certains médicaments.

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LN : Est-ce que vous prenez de la vitamine D uniquement l'hiver, ou toute l'année ? Combien en prenez-vous ?

Dr. W. G : Je prends entre 5 000 et 10 000 UI/j de vitamine D3. À 5000 UI/j, mon taux de vitamine D est d'environ 150 nmol/L. À 10 000 UI, c'est plutôt 200 nmol/L. Je vis à San Francisco, où il y a du brouillard et des nuages en été et je travaille à l'intérieur, donc la saison en général n'affecte pas mes dosages ; cependant, j’ai augmenté mes prises jusqu’à 10 000 UI/j récemment en raison de la propagation rapide de la variante Omicron.

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