Efficace contre l’épilepsie, en cours d'évaluation contre Alzheimer et le cancer, le régime keto ou cétogène pauvre en glucides et riche en graisses pourrait-il soulager les douleurs chroniques ?

Le régime cétogène est utilisé avec succès chez les personnes épileptiques et plus récemment dans les maladies neurodégénératives, le cancer ou encore le diabète. Le Dr Albert Danan, psychiatre à Toulouse, a évalué son efficacité chez des patients atteints de troubles mentaux graves : bipolarité, schizophrénie, dépression. Il nous livre ses explications.
Les troubles mentaux, tels que la bipolarité, la schizophrénie ou la dépression sont souvent difficiles à traiter, les traitements mis en place sont rarement efficaces sur le long terme, et peu de patients « guérissent ». Les patients présentent également souvent des troubles métaboliques (hypertension, hyperglycémie, insulinorésistance) qui s’aggravent au fil des années. Ils peuvent se retrouver en surpoids ou en obésité, ce qui constitue non seulement un motif d’arrêt du traitement médicamenteux mais également un facteur de risque de décès prématuré. « Les limites des traitements conventionnels, les nombreuses rechutes, la qualité de vie médiocre ainsi que la catastrophe métabolique provoquée par les traitements m’ont amené à proposer le régime cétogène à mes patients » explique le Dr Danan.
Et c’est assez logique car le régime cétogène est efficace pour traiter l’épilepsie, une maladie neurologique. Il est probable qu’il puisse aussi aider à la prise en charge des maladies psychiatriques. En effet, les deux types de maladies sont liés au cerveau et partagent des désordres biochimiques communs, citons par exemple un métabolisme du glucose altéré ou une mauvaise régulation des systèmes de neurotransmetteurs. « Le régime cétogène permet de prendre en charge les troubles métaboliques sérieux dont sont atteints les patients, ce qui est primordial » précise Albert Danan. « Et j’avais moi-même été témoin de l’amélioration des symptômes autistiques chez une personne qui suivait le régime cétogène, c’est comme ça que je me suis intéressé à ce régime pour traiter les maladies psychiatriques » poursuit-il.
Pour cette étude parue dans la revue Frontiers in Psychiatry, 31 patients souffrant d’une maladie mentale sérieuse (dépression, troubles bipolaires, schizophrénie) et réfractaire aux traitements classiques (médicaments, psychothérapie) ont été soumis à un régime cétogène en milieu hospitalier. Ces patients présentaient également une maladie métabolique. « Les patients ont tout de suite accepté de tenter le régime cétogène » précise le Dr Danan, la relation de confiance qu’il a établie avec eux au fil des années a vraisemblablement aidé.
Globalement, les patients ne devaient pas dépasser 20 grammes de glucides par jour (5% des calories quotidiennes) apportés par les légumes, les noix, du jus de citron et du chocolat noir. Les protéines représentaient 15 à 20% des calories quotidiennes (viande, fruits de mer, produits laitiers, œufs…) et les matières grasses 75 à 80% (huile d’olive, huile de noix de coco, beurre, mayonnaise et crème).
Sur les 31 patients, seuls 3 ne sont pas allés au bout de l’intervention. Chez les 28 autres, les chercheurs ont noté une amélioration significative de l’humeur, des symptômes dépressifs ou psychotiques, généralement dans les 3 semaines après le début du régime cétogène. Parallèlement, plusieurs marqueurs de la santé métabolique se sont améliorés : perte de poids, diminution de la tension artérielle, de la glycémie et des triglycérides. « Le régime cétogène a amélioré le statut métabolique des patients mais j’ai aussi observé une diminution de leur symptômes psychiatriques, comme les hallucinations par exemple » précise Albert Danan. Enfin, le régime cétogène a permis à 64% des patients de quitter l’hôpital avec moins de médicaments et à 43% d’entre eux d’obtenir une rémission clinique. Globalement, juste après l’hospitalisation un patient sur deux a continué le régime cétogène. « Aujourd’hui, environ un tiers des patients continuent à avoir des habitudes nutritionnelles considérablement différentes de celles qu’ils avaient avant l’étude » indique le Dr Danan. Et leur santé mentale s’en trouve améliorée, « parmi eux, le nombre d’hospitalisations a diminué ».
En corrigeant les troubles métaboliques, le régime cétogène améliore la santé mentale des malades. Comme nous l’explique le Dr Danan, « le régime cétogène agit sur 3 axes principaux : l’insulinorésistance - il rétablit la sensibilité à l’insuline -, il diminue l’inflammation, et il apporte une nouvelle source d’énergie, les corps cétoniques, qui constituent un carburant beaucoup plus performant pour les cellules du cerveau », tout cela concourt à réduire les symptômes psychiatriques.
Le régime cétogène agit également sur plusieurs systèmes de neurotransmetteurs impliqués dans la dépression ou la schizophrénie. Il diminue également le stress oxydant mis en cause dans le mauvais fonctionnement des mitochondries, les centrales énergétiques des cellules.
Cette étude donne de l’espoir aux personnes touchées par la maladie mentale, les patients eux-mêmes ou leur entourage. Alors pourra-t-on un jour généraliser l’utilisation de ce régime dans la prise en charge des troubles psychiatriques ? « Nous n’en sommes pas là, le principal obstacle est le corps médical lui-même, réticent à l’idée d’utiliser comme outil thérapeutique un régime riche en graisses qui va à l’encontre de tout ce qu’on lui a enseigné » conclut le Dr Danan.
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