"Tout le monde peut manger végétarien ou végétalien !"

Par Sarah Amiri - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 13/04/2022 Mis à jour le 19/04/2022
Point de vue

Que vous soyez végétarien, végétalien, végan ou en passe de le devenir, La Meilleure façon de manger végétal (MFMV) est la référence à posséder, une véritable bible pratique, écrite par un scientifique et une diététicienne-nutritionniste. 

La Meilleure Façon de Manger Végétal (MFMV) est un guide de nutrition complet qui restitue de manière simple et pratique les enseignements de 50 années de recherche en nutrition végétale. Il répond à toutes les questions sur les régimes végétariens et végétaliens et donne des conseils concrets qui aident à préserver ou retrouver la santé. Nous avons rencontré les deux auteurs, Fabien Badariotti, docteur en biologie et Léa Lebrun, diététicienne-nutritionniste.

LaNutrition.fr : Pourquoi avoir écrit ce livre ? Qu'apporte-il de plus que d’autres ouvrages sur le sujet ?

Fabien Badariotti : En 2017 lors de la foire Eco-Bio de Colmar, nous avons rencontré avec ma compagne Thierry Souccar pour la dédicace de La meilleure façon de manger, son livre devenu notre bible. À l'époque, nous étions déjà végétaliens depuis plusieurs années, et nous lui avons dit qu'il manquait des informations pour ce type de régime, une sorte de Meilleure façon de manger adapté aux alimentations végétales. J’étais inquiet de voir certaines des positions défendues soit par des anti-végé, soit par des pro-végé, mais dans les deux cas fausses. Ayant appris que j’avais un passé de chercheur et que je suis professeur de sciences, Thierry m’a proposé d’écrire ce livre. Après 5 ans de recherches sur l'alimentation végétale, et la rencontre avec Léa Lebrun qui avait déjà beaucoup travaillé sur le sujet, notre travail a été fusionné, et le livre est enfin paru !

Léa Lebrun : À mon sens, Il y a beaucoup de livres de recettes sur le végétarisme et le végétalisme, mais il n'y a pas encore de guide nutritionnel complet avec des recommandations précises en termes de portions, de supplémentation... C'est ce qu'on a voulu faire avec Fabien. Pour nous, c'était important que ce soit écrit par des professionnels, en l’occurrence moi qui suis diététicienne, et Fabien issu de la recherche et au fait de toute la littérature scientifique sur le sujet.

Selon vous, d'où vient l'essor de l'alimentation végétale ?

F.B. : Je crois que c'est la conjonction de plusieurs choses. D’abord la préoccupation écologique, qui pousse un maximum de gens à réduire tout ou partie de leur consommation de produits d'origine animale. Il y a également depuis quelques années et notamment pour une tranche d'âge plus jeune, le souci du bien-être animal et de leurs conditions d'élevage et d’abattage.

À lire aussi : 8 idées reçues sur l’alimentation végétale

Donc il s'agit d'une démarche plutôt écologique ou éthique, moins motivée par la santé ?

 L.L. : Effectivement, il est plus rare que ce choix soit motivé uniquement par l'aspect santé, car mine de rien, c'est tout de même renoncer à beaucoup d'aliments, avec une pression sociale importante, donc cela suppose à mon sens une motivation beaucoup plus forte que le seul souci de sa santé, d’autant que – et c’est la diététicienne qui parle– , on peut très bien manger des produits animaux et être en bonne santé. Dans les pays anglo-saxons, l'idée de leurs potentiels méfaits sur la santé est plus présente, ce qu'on ne retrouve pas vraiment en France en raison d’une culture culinaire tout à fait différente.

Quels sont les effets de ces alimentations à long terme ? Le végétarisme et le végétalisme sont-ils les régimes les plus sains ?

F.B. : Notre livre n'a pas vocation à dire qu'il s'agit de la meilleure alimentation, mais plutôt montrer comment faire de cette alimentation quelque chose de sain. Nous avons aujourd'hui des données qui ne sont pas vraiment transposables à la population française, car ce sont des données sur des populations particulières, souvent végétaliennes pour des raisons religieuses. Elles ont aussi un mode et une hygiène de vie pas du tout représentatifs de la population française. Dans ces populations, cette alimentation semble viable, et même meilleure pour la santé, car elles jouissent de la meilleure espérance de vie, avec une faible incidence de maladies chroniques, mais il faut être très prudent dans cette interprétation. Globalement, dans la littérature, aucune donnée ne montre un danger particulier, mais aucune donnée ne nous pousse à recommander le zéro produit d'origine animale, pour la santé en tout cas.

Tout le monde peut-il suivre ces régimes alimentaires ?

L.L. : Les recommandations de notre livre s'adressent uniquement aux adultes en bonne santé, car les autres populations (enfant, femme enceinte/allaitante, sportif, personne âgée) ont des besoins spécifiques (protéines, fer, calcium...) qui nécessitent des adaptations spécifiques. Mais oui, tout le monde peut s’y mettre, car les plantes renferment tous les nutriments et micronutriments dont le corps a besoin. Aujourd'hui, notre culture facilite la consommation de produits animaux et la couverture de nos besoins par ces mêmes produits, et toutes les campagnes nutritionnelles, notamment celles du PNNS (Programme national nutrition santé), vont dans ce sens-là. Alors quand on est végétalien, on n’a pas forcément toute cette réassurance de la part des pouvoirs publics. C'est pour cela qu'il faut faire d'autant plus attention et être bien renseigné avant de se lancer !

F.B. : Pour les autres populations, l'alimentation végétale est parfaitement viable, l'enjeu sera de trouver des professionnels de santé qui sont formés. Il y en a encore très peu, notamment pour accompagner les âges qui sont très médicalisés comme la grossesse ou la vieillesse.

Une étude de l'Inrae suggère que servir aux enfants des repas végétariens 3 fois par semaine et du poisson et de la viande blanche aux 2 autres repas de midi est une piste intéressante pour concilier bonne nutrition et respect de l’environnement. Qu’en pensez-vous ?

L.L.: Actuellement, c’est un repas végétarien par semaine qui est servi dans les cantines scolaires, donc oui, on peut sans problème augmenter à 3 repas sans modifier la couverture des besoins. Le problème, c’est qu‘aujourd’hui il y a beaucoup d’enjeux politiques et financiers derrière la restauration collective... Il faut aussi savoir aussi que les foyers où l’on mange le plus de viande et le moins d'aliments d'origine végétale sont ceux qui sont les plus précaires. On a tendance à croire le contraire, car les produits animaux et notamment la viande, sont associés à la richesse, même s'ils sont de plus en plus accessibles économiquement.

F.B. : Je suis membre de l’observatoire national de l’alimentation végétale, et c’est un sujet dont l’ONAV s’empare activement. Les données sont ultra-rassurantes. En tout cas, augmenter le nombre de repas végétal ne peut engendrer de problème nutritionnel. Au contraire, les équilibres nutritionnels à la cantine étant très mauvais, avec un excès de protéines animales qui a des répercussions très négatives sur la santé des jeunes, ce passage à plus de végétal réglerait en partie le problème, sans parler des enjeux écologiques qui sont évidents. D’un point de vue écologique, ce qui a le plus d’impact en termes de restauration collective, c’est de rajouter du végétal et de réduire les produits d’origine animale. Cela a beaucoup plus d’impact qu’introduire plus de produits locaux, concept qui est souvent mis en avant. Pour ce qui est de la précarité, j’enseigne dans un collège d’enfants particulièrement défavorisés. S’il y a un devoir éducatif dans la cantine, c’est aussi de le faire découvrir les fruits et légumes. Finalement, les freins ne sont ni écologiques ni nutritionnels. Le frein est culturel . On doit donc toucher les personnes directement concernées : former les cuisiniers à l’alimentation végétale et sensibiliser les familles pour qu’elles comprennent que ce n’est pas parce qu’il y a moins de produits animaux que c’est moins bon, moins sain et moins nutritif.

Se procure-t-on suffisamment de protéines en mangeant végétarien ou végétalien ?

L.L. : Le risque de manquer de protéines lorsqu'on a une alimentation exclusivement végétale serait le résultat d'un manque de variété ou d'un manque de calories. Tant que toutes les familles d’aliments sont présentes en quantité suffisante, notamment les légumineuses, il ce risque est faible. Pour certaines populations, comme les sportifs de haut niveau, il faudra bien être bien attentif à cet apport calorique.

F.B. : En effet, le débat sur les protéines est biaisé pour des raisons historiques un peu compliquées : pour promouvoir la consommation de viande, certains organismes ont mis en avant le fait qu’elles renferment des protéines. Donc on a dans la culture générale populaire française une association entre protéine et viande, alors que les protéines sont présentes dans de nombreuses autres catégories d'aliments. Lorsqu’on rentre dans le détail des chiffres et des études, comme on l’a fait pour ce livre, on se rend compte que par exemple pour les enfants, il est impossible de manquer de protéines à ces âges-là, car on a un apport très important lié à une dépense calorique très forte, sauf à manger particulièrement déséquilibré. Par exemple dans le cas d’une personne qui ne consomme pas de légumineuses, qui a un niveau d’activité très bas se procure donc très peu de calories. Le seul point d’interrogation se pose pour les personnes âgées très sédentaires.

Pour aller plus loin, lire : Le régime végétarien en pratique (Abonné)

Beaucoup de végétariens/végétaliens se supplémentent en spiruline pour sa teneur en vitamine B12. Pourquoi n’est-ce pas vraiment une bonne idée ?

L.L. : Ce qui se passe avec la spiruline, c’est qu’elle contient une forme de vitamine B12 analogue, c’est-à-dire qui ne va pas venir compléter un déficit. Ce n’est donc pas une source fiable. On conseille plutôt des compléments qui contiennent de la cyanocobalamine ou de la méthylcobalamine et cela pour toute personne diminuant sa consommation de viande. L’ONAV a publié plusieurs positions d’experts au sujet de cette vitamine. Le risque de carence ne concerne pas que les végétaliens. Elle est souvent consommée en quantité insuffisante chez les personnes végétariennes, chez les flexitariennes et mêmes chez des mangeurs de viande.

>> Les aliments les plus riches en vitamine B12

F.B. : Dans les années 1980, la spiruline était conseillée pour sa teneur en vitamine B12, mais à cette époque, nous n'avions pas de méthode d’analyse qui permettait de faire la différence entre la « vraie » vitamine B12 et ses analogues. Donc les fabricants affichaient sur les paquets une quantité de vitamine B12 qui était un mélange de toutes ces formes. Cette idée-là est restée, notamment chez certains fabricants, et donc on se retrouve avec un produit renfermant beaucoup de B12 analogue, jusqu’à 70 % de la teneur promue sur les emballages et surtout, bien plus cher que la vitamine B12 issue de cultures bactériennes que l’on trouve dans d’autres compléments alimentaires. On n'est pas contre la spiruline, mais il ne faut pas compter dessus pour se supplémenter en B12. D’autant qu’une consommation importante pourrait poser d’autres problèmes, car il s’agit là d’un produit pouvant concentrer des polluants.

À lire aussi : Végétariens et végans : pourquoi les déficits en B12 sont répandus et comment les prévenir

Les végétariens/végétaliens doivent-ils réaliser des bilans sanguins plus souvent que les autres populations ?

L.L. : Je dirais non, car vu qu’il n’y a pas plus de risque de carences avec une alimentation équilibrée et supplémentée qu’avec une alimentation omnivore. Il faut faire un test sanguin quand c’est nécessaire et surtout quand il y a des signes d’appel ou des symptômes, voire pour se rassurer et rassurer les proches. C’est aussi la position des médecins de l’ONAV.

F.B. : Au regard de mon expérience personnelle en tant que végétalien, tant qu’il n’y a pas de symptômes, de grande fatigue ou autre, ce n’est pas vraiment nécessaire de faire un bilan sanguin.

Quels sont les pièges et les risques lorsqu’on se lance dans une alimentation végétale sans accompagnement ni connaissance ? Comment faire la transition ?

F.B : Il faut prendre son temps, et si on en a les moyens, aller voir un(e) diétécien(ne). Et j’ai oublié la première étape… se procurer notre livre ! (Rire)

L.L. : Oui, prendre le temps de renseigner, ne pas seulement retirer des aliments, mais en rajouter, notamment les légumineuses. Il faut faire attention aux huiles, car en supprimant les produits animaux on retire pas mal de matières grasses. Enfin, il faut se supplémenter systématiquement. Et bien sûr consulter des professionnels de santé qualifiés pour adapter cette alimentation à son cas personnel.

Pour aller plus loin, lire : La meilleure façon de manger végétal

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