Comment Roche a poussé à l’achat de son Tamiflu

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 17/12/2009 Mis à jour le 17/02/2017
2009, année faste pour les ventes de Tamiflu, l’antiviral du laboratoire Roche. Les coulisses d’un beau succès commercial.

L’oseltamivir (Tamiflu) est le médicament antiviral tiré de l’anis étoilé dont le laboratoire Roche a fait un succès planétaire par les achats massifs opérés par les gouvernements de dizaines de pays. Un best-seller dont les revenus se chiffrent en centaines de millions d’euros. Au premier trimestre 2009, le Tamiflu a rapporté 347 millions de dollars à Roche. Lorsqu’il est administré au début de l’infection, le Tamiflu réduit les symptômes et la durée de la grippe mais les gouvernements ont surtout fait des stocks colossaux de ce médicament parce que Roche leur assurait que le Tamiflu diminuait considérablement les complications de la grippe (bronchite, pneumonie, sinusite…) chez les personnes en bonne santé.

Les affirmations de Roche reposaient essentiellement sur les résultats de 10 études payées par le laboratoire dont jusqu’à ces dernières semaines, seules deux avaient été publiées. Pour les huit autres il fallait croire Roche sur parole et en particulier une méta-analyse ou compilation de leurs résultats publiée en 2003 par Laurent Kaiser (université de Genève), Frederick Hayden (université de Virginie) et quatre employés de Roche. On sait aujourd’hui que ces huit études ne disent pas exactement ce que Kaiser, Hayden et les autres ont voulu leur faire dire et l’on comprend mieux pourquoi Roche a mis ces dernières années leurs données brutes à l’abri des regards de chercheurs indépendants. Lire toute l’histoire de ces études et des dissimulations de Roche.

Tout au long des derniers mois, alors que la menace supposée de la grippe porcine H1N1 se précisait, les responsables de Roche n’ont cessé de vanter les bénéfices du Tamiflu pour prévenir les complications parfois sérieuses de la grippe, se réfugiant derrière les conclusions de l’analyse signée par Kaiser et Hayden. Au début du mois de septembre, William Burns, le patron de Roche expliquait ainsi sur la chaîne américaine CNBC : « Ce que le Tamiflu peut faire c’est réduire véritablement de plus de 60% les hospitalisations ce qui est très important si nous sommes en plein milieu d’une pandémie majeure et il réduit aussi la durée et la sévérité de la grippe (…). Donc je pense réellement que ce produit a un vrai rôle à jouer et c’est la raison pour laquelle l’Organisation mondiale de la santé le recommande aux gouvernements depuis quelques années. »

Message reçu 5 sur 5 par les gouvernements. Par exemple, ce sont les bienfaits allégués du Tamiflu pour réduire les hospitalisations et les complications qui ont motivé l’achat par le ministère de la santé britannique de 30 millions de doses.

Frederick Hayden, qui a cosigné avec Laurent Kaiser l’analyse très favorable au Tamiflu était à l’époque payé par Roche comme consultant, poste qu’il a quitté en 2004. Devenu consultant pour l’OMS, Hayden a joué un rôle important dans la recommandation faite par cet organisme aux gouvernements de stocker du Tamiflu. Une recommandation qu’il a justifiée en citant les conclusions de… l’article de 2003 dont il était le co-auteur.

Les gouvernements européens étaient d’autant plus enclins à suivre ces recommandations qu’une partie des experts qui conseillent les autorités sanitaires ont des liens étroits et anciens avec les fabricants d’antiviraux. Pour prendre le seul cas du comité de lutte contre la grippe, plusieurs de ses membres, les Dr Carrat, Bensoussan, Lina, Peyramond ou Olivier-Weil sont liés ou ont été liés au fabricant du Tamiflu. D’autres le sont ou l’ont été au laboratoire GSK, fabricant du Relenza. Sans manier le procès d’intention, il paraît douteux qu’ils se soient opposés aux encouragements à stocker le Tamiflu. En témoigne le fait que la France a commandé officiellement en 2009 24 millions de doses de Tamiflu et 9 millions de doses de Relenza. Des doses qu’elle conseille depuis le 9 décembre de prendre systématiquement en cas de syndrome grippal, au mépris des données scientifiques.

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