Dr Michel de Lorgeril : Comment échapper à l'infarctus et l'AVC

Par Elvire Nérin - Journaliste scientifique et auteure Publié le 05/05/2014 Mis à jour le 04/05/2022
Point de vue

L’infarctus est la première cause de décès prématuré, l’accident vasculaire cérébral la troisième. Peut-on les prévenir et les soigner efficacement ? Oui, assure le Dr de Lorgeril, dans son dernier livre, Comment échapper à l'infarctus et à l'AVC.

Michel de Lorgeril est cardiologue. Il a été chercheur au CNRS et à la Faculté de médecine de Grenoble. Il est internationalement reconnu pour ses travaux sur l'infarctus et les acides gras oméga3. Il est, avec la célèbre étude de Lyon, conduite avec Serge Renaud, le promoteur du French paradox et de la diète méditerranéenne qui ont révélé l'importance de l'alimentation pour la santé. Son dernier livre, qui s'adresse autant aux patients qu'aux professionnels de santé, explique Comment échapper à l'infarctus et à l'AVC en faisant appel au mode de vie et à la médecine de précision.

LaNutrition.fr : Quel est le message positif de votre nouveau livre ?

Dr Michel de Lorgeril : Le message de Comment échapper à l’infarctus et à l’AVC, c’est que la médecine de précision a permis au cours des 15 dernières années des progrès très significatifs dans le traitement et la prévention de l’infarctus et de l’accident vasculaire cérébral.

C’est une révolution qui nécessite des approches nouvelles aussi bien en termes techniques, qu’en termes de mode de vie et d’humanité, dans le sens que chaque victime est un cas particulier nécessitant des soins spécifiques et une attention particulière de la part des soignants. Le temps des numéros et des protocoles appliqués systématiquement doit être dépassé.

Quelle est votre définition de la maladie coronarienne ?

C’est surtout une maladie du mode de vie qui touche les artères : surtout celles du cœur que l’on appelle les artères coronaires. Mais toutes les personnes qui ont un mode de vie délétère ne souffrent pas de maladies cardiovasculaires. Nous ne sommes pas tous égaux ; certains d’entre nous ont une prédisposition génétique (familiale) à souffrir de ces pathologies. La médecine classique estime que cette prédisposition génétique est liée au cholestérol. Avec des collègues américains et européens, nous avons démontré que c’était inexact et que cette prédisposition était en fait une prédisposition à l’hypercoagulation sans rapport avec le cholestérol. Je raconte et explique ces découvertes majeures dans Comment échapper à l’infarctus et à l’AVC.

Quelles sont les personnes touchées par la maladie coronarienne ?

Tout le monde peut avoir une maladie des coronaires, personne n’est totalement protégé et personne n’est génétiquement désigné. Toutefois, la maladie coronarienne, l’infarctus, et l’accident vasculaire cérébral touchent les gens qui ont un mode de vie délétère et qui parfois ont aussi une prédisposition à l’hypercoagulation. C’est le mode de vie qui favorise la maladie ou au contraire protège au moins partiellement contre une prédisposition à l’hypercoagulation. Parfois, certains médicaments neutralisant l’hypercoagulation sont indispensables.

Par mode de vie, vous entendez alimentation ?

C’est beaucoup plus large que ça et je le détaille dans mes livres. Il y a quatre principaux facteurs qui entrent en jeu dans le mode de vie. Le premier est le facteur nutritionnel, le deuxième est le facteur activité physique, le troisième est le facteur intoxication : le tabac, les polluants aériens, les polluants nutritionnels – les pesticides –  et surtout les médicaments. C’est curieux mais certains médicaments favorisent les maladies cardiovasculaires. Un bon exemple de médicaments délétères, comme expliqué dans Comment échapper à l’infarctus et à l’AVC, sont les IPP (inhibiteurs de la pompe à protons) prescrits dans les maladies de l’estomac.

Quel est le quatrième facteur ?

Le quatrième facteur est ce que j’appellerai les conditions d’existence, le stress, les difficultés de la vie familiale, professionnelle et inversement notre aptitude à surmonter ces difficultés. Dans Comment échapper à l’infarctus et à l’AVC, je reviens et j’insiste sur ces questions de souffrance familiale et/ou professionnelle. Il faut mettre l’accent sur cette appellation de « souffrances » qui doivent être distinguées du stress quotidien et qui sont apparues de plus en plus importantes au cours des 15 dernières années.

L’évolution de la maladie coronarienne peut-elle être stoppée simplement en changeant de mode de vie ?

Oui on peut la stopper. Oui on peut sauver sa vie et aussi échapper aux lourds handicaps quand on survit à un AVC ! On ne va pas faire disparaître une plaque d’athérosclérose, mais en adoptant un mode de vie protecteur, on va empêcher qu’un caillot vienne à tout moment se former sur la plaque et obstruer l’artère ou emboliser vers le cerveau. La plaque d’athérosclérose n’est pas dangereuse en elle-même, c’est la formation d’un caillot solide et obstructif qui est fatale !

Mais le seul mode de vie suffit-il ? Quelle est la place des traitements ?

Parfois, notamment chez les personnes qui ont une prédisposition à l’hypercoagulation ou chez des patients qui ont bénéficié de traitements sophistiqués comme le stenting dans les coronaires ‒ en simplifiant, des médicaments antiplaquettaires sont indispensables. Parfois aussi des pathologies cardiaques se compliquent, de troubles du rythme par exemple, qui peuvent nécessiter un traitement anticoagulant médicamenteux. La bonne nouvelle c’est que depuis une quinzaine d’années, nous avons de nouveaux médicaments antiplaquettaires et anticoagulants (plus performants et moins dangereux) et nous avons appris à nous en servir avec une grande sécurité. C’est donc l’association d’un mode de vie protecteur à adopter le plus tôt possible dans la vie et parfois de médicaments qui permet une amélioration considérable du traitement et du pronostic des pathologies cardiovasculaires.

Que pensez-vous des stents, des pontages coronariens ?

Dans certaines circonstances, ces traitements peuvent être miraculeux. En phase aigüe d’infarctus, lorsque vous débouchez une artère et que vous posez un stent, immédiatement la personne se sent mieux, vous lui sauvez la vie ou vous améliorez son pronostic !  J’ai longtemps été réservé concernant le stenting en dehors des urgences. Mais depuis une douzaine d’années, j’ai observé des améliorations évidentes dans la qualité des matériaux, notamment des stents biologiques eux-mêmes, et l’habileté et la technicité des opérateurs. D’autre part, nous avons appris à utiliser les médicaments antiplaquettaires dans la phase post-stenting, soit pendant environ 6 mois, puis ultérieurement. Au total, je dois admettre des progrès très significatifs à propos du stenting et je suis maintenant beaucoup plus favorable à condition que les indications soient bien posées et surtout qu’un programme de prévention rationnel soit proposé en parallèle. C’est tout l’objet de mon nouveau livre car on peut faire beaucoup mieux que ce qui est fait aujourd’hui ; c’est l’émergence de la médecine de précision. Ces nouvelles pratiques sont l’avenir de la médecine. C’est un pas de géant en médecine cardiovasculaire. C’est également valable pour la période post-pontage. Les indications des pontages (par comparaison avec le stenting) n’ont pas été modifiées au cours des 15 dernières années mais les chirurgiens ont fait des progrès techniques importants, certains d’entre eux mettant les pontages en place en l’absence de circulation corporelle, c’est-à-dire à cœur battant.

Pourquoi les médecins n’insistent-ils pas plus sur la nutrition ?

Tout simplement parce qu’on ne le leur a pas appris. Ils n’ont pas été formés pour cela. Ils connaissent mal la nutrition et encore moins les autres aspects du mode de vie qui interfèrent avec le pronostic cardiovasculaire. Aujourd’hui la formation médicale porte principalement sur la prescription de médicaments et de façon très protocolaire et systématique. C’est un peu le Moyen-Âge par rapport à la médecine de précision.

Que devraient faire les médecins en réalité ? Comment devrait se dérouler une consultation de médecine générale face à une personne qui a eu une alerte cardiaque ?

C’est tout l’objet de la médecine de précision. Il faut toutefois distinguer deux situations. Il y a la phase initiale d’alerte qui est de la médecine d’urgence et où la question posée est essentiellement diagnostique : ce patient est-il en train de faire un infarctus ou un AVC ? Lors de cette phase, généralement bien gérée par les services d’urgence, chaque minute compte car il est impératif de savoir si une artère est occluse et s’il est possible de la « déboucher » en urgence. C’est aussi souvent de la médecine de précision car les nouvelles techniques d’imagerie permettent de faire rapidement le diagnostic d’occlusion artérielle. Ce n’est pas le moment de se poser des questions concernant les causes ; ce sera l’étape suivante. Mais cette phase suivante est fondamentale car il faut comprendre pourquoi ce patient a eu cette complication. En fait, c’est le seul moyen d’empêcher les récidives. Chaque patient est un individu particulier ; c’est le moment privilégié de la médecine de précision !

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