COVID-19 : qu’est-ce qu’un orage de cytokines et pourquoi est-ce une question de vie ou de mort pour les malades ?

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 24/03/2020 Mis à jour le 24/03/2020
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Beaucoup de patients meurent plus d’une réponse immunitaire et inflammatoire incontrôlée que du virus lui-même.

Un orage de cytokines est un phénomène inflammatoire massif et généralisé en réponse à une infection, mais qui peut aussi avoir des causes non infectieuses.

Dans le cas de l’infection par COVID-19, ce phénomène inflammatoire pourrait être à l’origine de la plupart des décès de ceux qui tombent gravement malades et sont placés en soins intensifs. Chez eux, l’orage de cytokines entraîne un syndrome de détresse respiratoire et la défaillance de plusieurs organes.

Des orages de cytokines ont été observés pendant la pandémie de grippe de 1918 et plus récemment lors d'infections par le virus H5N1 de la grippe aviaire. Dans ces deux cas, les orages de cytokines ont concerné les plus jeunes. La dégradation de leur état de santé est plus venue d’une réaction immunitaire excessive à l’infection que du virus lui-même.

Pour comprendre ce qu’il se passe, il faut dire un mot des cytokines.

Les cytokines sont une famille de petites protéines sécrétées par les cellules et qui servent à la fois à la signalisation cellulaire et la communication entre cellules. Les cytokines contrôlent la prolifération et la différenciation des cellules, mais aussi les réponses immunitaires et inflammatoires.

L'orage de cytokines et ses conséquences

Dans une tempête de cytokines, de nombreuses cytokines sont libérées. Celles-ci sont, soit pro-inflammatoires comme l'interleukine-1 (IL-1), l'IL-6, le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), soit anti-inflammatoires (IL-10). L'inflammation associée à un orage de cytokines commence à un site local et se propage dans tout le corps par la circulation, y compris en l’absence de réplication du virus. Elles sont associées à des œdèmes, une diminution de la pression artérielle, une hémorragie et, finalement, la défaillance d’un ou plusieurs organes.

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Les lésions pulmonaires aiguës sont la conséquence classique d’un orage de cytokines dans l'environnement alvéolaire des poumons et la circulation systémique ; elles sont le plus souvent associées à des infections touchant les poumons ou d'autres organes. Chez l'homme, elles se caractérisent par une réponse inflammatoire avec afflux de globules blancs suivie d’un dépôt progressif de collagène dans le poumon, qui constitue la fibrose.

Les lésions pulmonaires induites par des agents pathogènes peuvent évoluer vers une forme plus grave, le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), comme on l'a vu dans les infections par le virus du SRAS et le virus de la grippe. Une inflammation intense dans les poumons peut également avoir des effets sur d'autres organes, notamment les reins.

Les patients atteints d’un orage de cytokines ont de la fièvre, avec niveau élevé de ferritine, lymphopénie, temps de quick prolongé, lactate déshydrogénase élevée, IL-6 élevée, protéine C-réactive élevée.

On ne sait pas pourquoi certaines personnes développent un orage de cytokines, et pas d’autres. Des susceptibilités génétiques ont été évoquées.

Comment prévenir ou soigner un orage de cytokines ?

La difficulté vient du fait qu’au cours d’une infection aiguë sévère, certains éléments de la réponse immunitaire doivent être renforcés à certains moments et supprimés à d'autres. Au début de l'infection, lorsqu’un virus se multiplie rapidement et que la charge infectieuse est élevée, certains traitements sont utiles, mais ils peuvent devenir néfastes quelques heures ou quelques jours plus tard, lorsque le système immunitaire ou les médicaments ont contenu l’infection, et qu’un orage de cytokine se développe. Par exemple, on a beaucoup parlé des effets potentiellement indésirables des anti-inflammatoires au début d’une infection, en particulier parce qu’ils peuvent freiner la prolifération des lymphocytes. Mais des anti-inflammatoires ont été utilisés avec un certain succès pour augmenter la survie d’animaux infectés.

L’association de zanamvir, un inhibiteur de la neuraminidase du virus de la grippe, et de célécoxib et de mésalazine, des anti-inflammatoires inhibiteurs de la cyclooxygénase-2 (anti-COX2), a augmenté la survie des souris infectées par une souche hautement pathogène du virus de la grippe H5N1. De même, les glucocorticoïdes sont déconseillés en cas d’infection parce qu’ils diminuent l’immunité ; mais des doses élevées permettraient d'atténuer une réponse immunitaire préjudiciable dans des situations désespérées.

Actuellement, les médicaments utilisés pour contenir un orage de cytokines visent à bloquer le récepteur de l’IL-6 avec un médicament appelé tocilizumab, qui est un anti-inflammatoire donné dans des maladies auto-immunes. Les premiers rapports venant de Chine évoquent des résultats favorables chez une série de patients COVID-19 gravement malades. On utilise aussi des corticoïdes à dose élevée.

Des molécules naturelles sont aussi étudiées, elles feront l'objet d'un autre article.

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Références
  1. Tisoncik J. Into the Eye of the Cytokine Storm. Microbiology and Molecular Biology Reviews Mar 2012, 76 (1) 16-32.

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