Cancer du sein : une grande étude conclut que la mammographie annuelle ne réduit pas le risque de décès

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 13/02/2014 Mis à jour le 06/02/2017
Actualité

Une mammographie annuelle pour les femmes âgées de 40 à 59 ne réduit pas les décès par cancer du sein, selon une étude sur près de 90 000 femmes canadiennes.

L’étude, publiée mardi dans le BMJ , est la dernière d'une série qui remettent en question l’intérêt du dépistage par mammographie pour les femmes pré-ménopausées.

« Nous n’avons trouvé absolument aucun avantage en termes de réduction des décès dus à l'utilisation de la mammographie », dit le responsable de cette étude, le Dr Anthony Miller, épidémiologiste à l'Université de Toronto.

Le débat sur les bénéfices de la mammographie, et ses risques se trouve donc relancé, même s’il a pris de l’ampleur ces dernières années. 

Lire le point de vue du Pr Claude Béraud : La fin des illusions médicales

L’étude du BMJ fait valoir que la mammographie détecte trop souvent des petits cancers qui ne seraient jamais devenus dangereux. Environ la moitié de tous les cancers trouvés par mammographie - non détectés à la palpation - relève de cette catégorie.

Les chercheurs ont examiné les dossiers médicaux de 89 835 femmes dans six provinces canadiennes, âgées de 40 à 59 ans. Toutes ont passé des examens annuels par palpation, tandis que la moitié d'entre elles avaient également une mammographie annuelle pendant cinq ans, à compter de 1980.

Au cours des 25 années suivantes, 3250 des 44925 femmes dans le groupe mammographie ont reçu un diagnostic de cancer du sein, et 3133 femmes parmi les 44910 femmes du groupe de contrôle. 500 femmes du premier groupe sont décédées d’un cancer du sein, et 505 femmes dans le groupe témoin.

Les chercheurs ont constaté que les femmes qui ont eu une mammographie étaient plus susceptibles de recevoir un diagnostic de cancer du sein, mais cet examen n'a pas réduit leur risque de mourir de la maladie. Les chercheurs ont calculé que 22 % des cancers trouvés par les mammographies relevaient d’un surdiagnostic. Cela signifie que pour chaque groupe de 424 femmes qui ont passé l’examen, une a été traitée inutilement pour un cancer.

À la lumière de leurs résultats, les chercheurs concluent que «la raison d'être du dépistage par mammographie doit être réévaluée de toute urgence par les responsables politiques."

LaNutrition.fr avait montré dans une série d'articles comment les pouvoirs publics français exagèrent les bénéfices de la mammographie et minimisent ses inconvénients, et réclamé pour les femmes une information objective.

Les pouvoirs publics français pris en flagrant délit de mensonge sur le dépistage 

L'American College of Radiology, une association de radiologues américains, n’a pas tardé à dénoncer les conclusions de l'étude parue dans le BMJ. Le groupe a déclaré dans un communiqué que l'étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein était "profondément biaisée" et "incroyablement trompeuse." Entre autres problèmes, les radiologues estiment que les appareils de dépistage n’étaient pas performants et qu’ils ont été confiés à des techniciens mal formés.

Les chercheurs canadiens rétorquent qu’ils confirment pleinement leurs conclusions et mettent au défi ceux qui les critiquent de produire des données prouvant que les mammographies réduisent les décès. D'autres études récentes ont montré que les progrès dans le traitement du cancer du sein ont érodé certains des avantages du dépistage précoce.

Dans un éditorial accompagnant l'étude, trois experts du cancer du sein de l'Université d'Oslo estiment que Miller et ses collaborateurs ont montré de façon convaincante que les politiques actuelles devraient être réexaminées. "Ce n'est pas une tâche facile, car les gouvernements, les bailleurs de fonds de la recherche, les scientifiques et les médecins peuvent avoir des intérêts à poursuivre des activités bien établies," écrivent-ils.

Sur le site du Formindep, lire l'interview de l'épidémiologiste Peter Gotzsche

Des études similaires sur le dépistage par mammographie ont été menées en Europe, mais les radiologues contestaient que leurs résultats puissent s’appliquer aux femmes américaines. Les chercheurs canadiens déclarent que leurs résultats sont très pertinents pour les États-Unis et que leur étude est probablement la plus importante qui aura jamais été menée.

Pour aller plus loin, lire Dépistage du cancer du sein, la grande illusion

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