En perturbant la flore intestinale, les antibiotiques feraient grossir

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 07/04/2016 Mis à jour le 10/03/2017
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En altérant la flore intestinale, les antibiotiques ont le même effet chez l’homme que chez l’animal : ils apportent des kilos en plus.

Les antibiotiques sont prescrits pour soigner des infections bactériennes. En raison du risque d’apparition de résistances aux antibiotiques, et de leurs effets indésirables, ils ne doivent être donnés que lorsque c’est vraiment nécessaire. On découvre aujourd'hui que les antibiotiques auraient également un effet sur le poids de l’individu, probablement parce qu'ils altèrent la flore intestinale. 

Les antibiotiques augmentent le risque d’obésité infantile

Une équipe des universités du Colorado et de Pennsylvanie a testé le lien entre l’exposition aux antibiotiques avant l’âge de deux ans et l’obésité à l’âge de quatre ans. Pour cela, les chercheurs ont réalisé une étude de cohorte chez 21.714 enfants provenant du Health Improvement Network. Il s’agit de données provenant d’enregistrements médicaux entre 1995 et 2013 au Royaume-Uni. Les enfants ont été inscrits dans leurs trois premiers mois et suivis jusqu’à leurs quatre ans.

Dans la cohorte, 1.306 enfants (6,4 %) étaient obèses à l’âge de quatre ans. L’exposition aux antibiotiques était associée avec l’augmentation du risque d’obésité à quatre ans. Le risque était d’autant plus élevé que les expositions aux antibiotiques étaient répétées : + 7 % pour une à deux prescriptions, + 41 % pour trois à cinq prescriptions, + 47 % au-delà de six prescriptions. Dans l’ensemble, les enfants exposés aux antibiotiques augmentaient de 20 à 25 % leur risque d’obésité. Les agents antifongiques n’étaient pas associés avec l’obésité.

Par conséquent, l’administration de trois séries d’antibiotiques ou plus à l’âge de deux ans est associé avec l’augmentation du risque d’obésité infantile. Pour Frank Scott, auteur de cette recherche, « Les antibiotiques ont été utilisés pour promouvoir la prise de poids chez les animaux pendant plusieurs décennies, et notre recherche confirme que les antibiotiques ont les mêmes effets sur les humains. Nos résultats ne signifient pas que les antibiotiques ne doivent pas être utilisés en cas de besoin, mais encouragent plutôt les médecins et les parents à réfléchir à deux fois à l'utilisation des antibiotiques chez les nourrissons en l'absence d'indications bien établies. »

Comme les antibiotiques modifient la composition et le fonctionnement du microbiome intestinal, ils pourraient  prédisposer les enfants à l'obésité. La consommation d’antibiotiques présente d’autres risques chez les enfants : réactions allergiques, cutanées ou maladie inflammatoire de l’intestin.

Les antibiotiques favorisent aussi la prise de poids chez les adultes

L’unité de recherche du Pr Didier Raoult de l’université de la Méditerranée à Marseille montre en effet que les antibiotiques donnés pour traiter une endocardite infectieuse (inflammation de l’endocarde, tissu qui tapisse la face interne du cœur et qui atteint les valves cardiaques) seraient responsables d’une prise de poids importante, voire du développement d’une obésité.

Des antibiotiques comme l’avoparcine ont été longtemps donnés aux animaux d’élevage (volailles notamment) pour les faire grossir plus vite et avec moins de nourriture. Or, l’avoparcine a un analogue en médecine humaine : la vancomycine. Cet antibiotique sert à traiter les patients souffrant d’endocardite infectieuse.

Les chercheurs marseillais ont voulu savoir si les antibiotiques pouvaient aussi faire grossir les hommes. Ils ont constaté que les patients sous vancomycine prenaient tous du poids, contrairement à ceux qui étaient soignés avec d’autres antibiotiques. Combinée à de la gentamycine, la vancomycine augmente l’indice de masse corporelle de 2,3 (en kg/m²). Les hommes de plus de 65 ans non opérés et traités avec ces deux antibiotiques sont même devenus obèses.

Ces antibiotiques perturbent la flore intestinale. Les chercheurs supposent que la prise de poids a été induite par la prolifération des Lactobacillus, des bactéries probiotiques présentes dans les intestins et naturellement résistantes à la vancomycine. D’ailleurs, ces bactéries ont été retrouvées en grandes quantités dans les selles des patients obèses.

Lire : Les aliments bons pour la flore intestinale et Marion Kaplan : Sauvez votre microbiote

Les antibiotiques agissent sur la flore intestinale qui joue un rôle dans l’obésité

Lorsqu’on compare les compositions bactériennes des flores intestinales de personnes obèses et de personnes de corpulence normale, on s’aperçoit qu’elles diffèrent. Deux familles de bactéries dominent dans l’intestin : les bactéroïdètes et les firmicutes. Chez les personnes obèses, l’équilibre est rompu en faveur des firmicutes. Cette communauté microbienne a une plus grande capacité à digérer les glucides complexes. Plus nombreuses, les bactéries extraient davantage de calories des aliments, ce qui entraîne une augmentation de la masse graisseuse. « La flore intestinale est plus efficace chez les obèses pour extraire encore plus de calories, alors qu'ils ont déjà eux-mêmes beaucoup engrangé d'énergie », explique Randy J. Seely, directeur du Centre de recherche sur l’obésité de l’université de Cincinnati (États-Unis).

Comme les bactéries de l'intestin jouent un rôle dans la conversion énergétique des nutriments, l'équilibre de la flore intestinale a un impact sur le poids d’un individu. Le stress, un régime défectueux, la prise d'antibiotiques, les infections, le gluten ou la simple fatigue peuvent altérer l'équilibre naturel de la flore intestinale. Et une flore intestinale déstabilisée peut entraîner des indigestions, une immunité réduite ou une tendance à la diarrhée, voire… une obésité.

À Lire : Maigrir de plaisir en charmant ses bactéries

Références
  1. Scott FI, Horton DB, Mamtani R, Haynes K, Goldberg DS, Lee DY, Lewis JD. Administration of Antibiotics to Children Before Age 2 Years Increases Risk for Childhood Obesity. Gastroenterology. 2016 Mar 18. pii: S0016-5085(16)00352-8. doi: 10.1053/j.gastro.2016.03.006.
  2. Thuny F, Richet H, Casalta J-P, Angelakis E, Habib G, Raoult D. Vancomycine treatment of infective endocarditis is linked with recently acquired obesity. PLoS ONE, February 2010, Volume 5, Issue 2, e9074 Published on line February 10, 2009, doi:10.1371/journal.pone.0009074
  3. Ley RE, Turnbaugh PJ, Klein S, Gordon JI. Microbial ecology: human gut microbes associated with obesity. Nature. 2006 Dec 21;444(7122):1022-3.

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