Une complémentation en coenzyme Q10 aiderait à réduire la fréquence et la durée des migraines.

Neurologue spécialiste de la migraine, le Dr Elizabeth Leroux* fait le point dans cette interview sur les liens entre migraine et alimentation.
Dr E. Leroux : La migraine est une maladie neurologique qui porte le cerveau à produire des crises en réponse à certains déclencheurs. La fréquence et la sévérité de ces crises varient d'une personne à l'autre. La migraine a des déterminants génétiques, mais les facteurs environnementaux sont aussi importants.
Le mal de tête, ou céphalée de tension, est très fréquent : généralement le mal de tête est en cerceau, d'intensité légère à modérée. Il est rare que la céphalée de tension justifie une consultation médicale, et elle se traite en général avec des analgésiques simples, le repos, ou l'activité physique. Une crise migraineuse est plus qu’un simple mal de tête car elle s’accompagne d’autres symptômes neurologiques comme des nausées, des vomissements, une intolérance aux sons, à la lumière. On peut rencontrer des difficultés à se concentrer et la douleur est pulsatile et peut être précédée d’auras visuelles. La personne est dans un véritable orage inflammatoire chimique et électrique qui l’empêche de mener à bien ses activités professionnelles ou personnelles. La migraine oblige à se coucher, s’isoler et se protéger de la lumière et des sons, ce qu'on n'observe pas avec la céphalée de tension.
Plusieurs catégories d'aliments sont identifiées comme des déclencheurs possibles, mais pas pour tous les patients. En fait, le pourcentage de migraineux sensibles à des déclencheurs alimentaires est assez faible (moins de 10%) sauf pour l'alcool. Le tableau suivant fait la liste des déclencheurs potentiels et les substances chimiques suspectées pour expliquer le lien avec la migraine.
Substance chimique | Aliment |
Aspartame | Sodas lights et autres produits diététiques |
Glutamate monosodique | Mets chinois, sauce soja |
Histamine | Produits fermentés, choucroute |
Nitrites | Charcuteries, saucisses |
Sulfites | Vins, fruits séchés |
Tannins | Vins |
Tyramine, phényléthylamine | Fromages vieillis, chocolat, noix, agrumes, vinaigre, restes de table |
De très longues listes existent sur Internet, mais si on les suit à la lettre il devient presque impossible de s'alimenter.
L'alcool est le déclencheur le plus puissant. Le chocolat, au contraire, est souvent blâmé à tort. Il y a des études qui montrent que la plupart des migraineux peuvent consommer du chocolat sans problème, mais les croyances sont très tenaces!
Si on présume que le cerveau migraineux est sensible aux états inflammatoires, il devient logique de diminuer les causes d'inflammation dans le corps autant que possible. A-t-on des preuves de cette logique? Quelques-unes. La diète sans histamine a été utile pour 2 patients sur 3 dans une petite étude sur 28 personnes. Quelques recherches existent aussi sur les diètes où l'on supprime certains aliments allergènes, parfois suite à des tests d'immunogénicité alimentaire (dosage des IgG). L'utilité et la fiabilité de ces tests sont cependant remises en question par plusieurs associations d'allergologie. Je n'ai pas retrouvé d'étude publiée sur la diète hypotoxique, bien que certains auteurs clament une grande efficacité pour les migraines. Il faudrait plus d'études scientifiques bien faites pour aller au-delà de l'anecdote.
Encore là, aucune preuve solide. Le jeûne est un déclencheur de migraine, et la prise de sucres raffinés peut produire un pic d'insuline suivi d'une diminution de la glycémie qui pourrait, en théorie et chez certains, déclencher une crise. La consommation de sucres est liée à d'autres problèmes de santé, donc en théorie la diminution de ces sucres est souhaitable. Si on prive le corps de sucre, il est forcé de métaboliser les graisses, et ceci a plusieurs impacts sur le métabolisme cérébral. La diète dite cétogène est hypocalorique, et comporte des gras et des protéines. Elle a été étudiée surtout chez les enfants épileptiques. Le régime Atkins modifié produit aussi un certain degré de cétose. La diète cétogène a été étudiée chez les migraineux avec un certain succès, mais elle n'est pas facile à maintenir.
La caféine est un traitement reconnu des crises de migraine, et ceci est bien démontré. Cependant, la prise régulière de caféine peut rendre le cerveau sensible et dépendant, ce qui peut entraîner des crises si la caféine est cessée. Aussi, on recommande de limiter la prise de caféine chez les migraineux, surtout si les crises sont fréquentes. Si la personne souffre d'anxiété et d'insomnie, alors raison de plus de limiter, car la prise régulière de caféine peut produire de la fatigue chronique. Aucun autre aliment n'est démontré efficace pour le traitement de la crise. Pour la prévention, certains produits naturels, comme la vitamine B2, le citrate de magnésium et la coenzyme Q10, ont montré une certaine efficacité dans des études médicales. Ceci dit, leur effet n'est pas toujours impressionnant, il faut prendre de fortes doses, et aussi payer les suppléments qui ne sont pas toujours remboursés. La grande camomille (feverfew) est utilisée depuis des siècles, et si les preuves solides de son efficacité manquent, certaines personnes la trouvent néanmoins efficace.
J'aimerais connaître les références scientifiques supportant cette affirmation. Le jeûne est un déclencheur de crises très reconnu. Plusieurs de mes patients se sont améliorés en régularisant leur alimentation et en incluant des collations santé dans leur routine. Les périodes religieuses du Ramadan et du Yom Kippour envoient plusieurs migraineux dans les salles d'urgence en raison de crises déclenchées par le jeûne. Aussi, je ne recommanderais pas le jeûne à un migraineux. Ceci dit, certains migraineux peuvent tolérer le jeûne et s'en porter mieux, encore là il faut prendre en compte la grande variabilité de cette maladie.
J'ai rencontré plusieurs patients qui mangeaient à peine en raison de ces listes de déclencheurs... et ne s'en portaient pas mieux. Chez certains migraineux chroniques, les crises sont très fréquentes, voire quotidiennes, mais elles ne sont pas forcément reliées aux aliments. Il existe plusieurs catégories de déclencheurs autres que les aliments: manque de sommeil, stress, relâche de stress, stimulation sensorielle accrue, variations hormonales, posture cervicale, variations atmosphériques. On croit aujourd'hui que ces déclencheurs ont en commun de forcer le cerveau à augmenter sa consommation d'énergie ou encore l'exposent à des agents irritants ou oxydants.
Les déclencheurs varient d'une personne à l'autre, et s'accumulent. Plus il y a de déclencheurs présents (une soirée arrosée, des charcuteries, relâche de stress, musique forte...), plus le risque de crise augmente. Chez certaines personnes très sensibles, les crises se déclenchent sans déclencheur évident, c'est ce qu'on nomme un seuil migraineux bas.
Il n'est pas toujours facile de faire la part des choses mais en général je crois que les facteurs alimentaires sont un peu surestimés, alors que le rôle du sommeil et de la gestion de l'énergie, par exemple, sont sous-estimés. Ceci dit, le choix de faire des essais alimentaires appartient à chaque patient, et peut mener à une amélioration.
*Le Dr Elizabeth Leroux dirige la Clinique de la migraine et des céphalées à Montréal et est l’auteure de La méthode anti-migraine (Flammarion, 2016).
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