Le sucralose, un édulcorant pas si anodin

Par Sarah Amiri - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 03/01/2014 Mis à jour le 10/08/2023
Actualité

Le sucralose est un additif alimentaire biologiquement actif qui pourrait avoir des conséquences sur la santé. Dans son Nouveau guide des additifs, LaNutrition déconseille le sucralose en cas de diabète.

Qu'est-ce que le sucralose ?

Le sucralose est un édulcorant de synthèse largement utilisé en raison de son pouvoir sucrant très élevé, environ 400 à 650 fois plus élevé que le saccharose. Autorisé comme additif alimentaire par les autorités sanitaires européennes en 2004, sous le sigle E 955, il est commercialisé sous les marques Canderel® et Splenda®.

La consommation de sucralose représente 27,9 % du marché des édulcorants. Sa large utilisation est en partie due à ses propriétés physico-chimiques : le sucralose a la propriété d’être soluble dans l’éthanol, le méthanol et l’eau, ce qui lui permet d’être utilisé dans des aliments à base d’eau ou des boissons alcoolisées. La dose journalière admissible autorisée en Europe s’élève à 15 mg/kg de masse corporelle/jour. Actuellement, il n’existe aucune restriction à son utilisation chez les enfants, femmes enceintes, personnes âgées ou malades. Pourtant le sucralose est biologiquement actif et pourrait avoir des effets négatifs sur la santé selon de récentes études.

Par ailleurs, les édulcorants sont souvent utilisés par des personnes en surpoids ou ayant un diabète. Or le sucralose est déjà déconseillé en cas d'intolérance au glucose et de diabète de type 2 par Le Nouveau Guide des Additifs du Dr Anne-Laure Denans et LaNutrition.fr. Les édulcorants sont des produits controversés, en raison de leur effet sur le microbiote, mais aussi parce qu’ils n’aident pas forcément l’organisme à se libérer du goût sucré.

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Zoom sur la composition du sucralose

Le sucralose est fabriqué à partir de sucre selon un processus chimique en plusieurs étapes dans lequel trois groupes hydrogène-oxygène sont remplacés par des atomes de chlore. Le sucralose contient des glucides dextrose (glucose) et de la maltodextrine, il a une teneur en calories très faible. Du fait de son haut pouvoir sucrant, de très faibles quantités de sucralose sont nécessaires.

Où trouver le sucralose ?

Pour ceux qui seraient tentés par la consommation de sucralose, il faut savoir qu'on le trouve aujourd'hui aisément en grande surface, avec les divers autres édulcorants, au rayon diététique (ou sucre). Il disponible sous plusieurs formes, par exemple, la marque Canderel® le commercialise en poudre, en stick et en liquide.

L'avantage par rapport à d'autres édulcorants, c'est qu'il n'a pas d'arrière-goût amer. Plus généralement, on le trouve dans une grande variété de produits ultra-transformés : desserts, boissons, céréales de petit déjeuner, produits de boulangerie…

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Dangers du sucralose : qu'en dit la science ?

Est-ce que le sucralose fait grossir ? Pourrait-il augmenter le risque de diabète ?

Une petite étude a montré que la prise répétée de sucralose provoquait des productions anormalement élevées d'insuline (1). Or, une sécrétion d’insuline trop fréquente et/ou trop élevée peut conduire à une situation de résistance des cellules à cette hormone. La résistance à l'insuline est associée aux risques de surpoids, obésité, diabète, maladies cardiovasculaires et maladie du foie gras. Une autre étude plus sérieuse parue dans l’American Journal of Clinical Nutrition a apporté de nouvelles preuves (2). Dans cet essai clinique, les participants ont pris chaque jour pendant 14 jours, soit des sachets contenant du sucralose à une dose correspondant à 15 % de la dose journalière admissible, soit des sachets d'une substance placebo (sans sucralose). Les participants avaient un indice de masse corporelle normal et n’étaient pas des consommateurs réguliers d’édulcorants.

En moyenne, les hommes ont consommé 157,7 mg/jour de sucralose et les femmes 123 mg/jour. Les résultats montrent que les participants qui ont pris du sucralose présentent une diminution significative de la sensibilité à l’insuline par rapport au début de l’étude (diminution de 17,7 % contre 2,8 % dans le groupe de contrôle).

Comment expliquer cet effet ? La consommation d’édulcorant de synthèse, en particulier du sucralose, provoque une dysbiose intestinale (c’est-à-dire un déséquilibre du microbiote intestinal) conduisant à son tour à des troubles métaboliques. Par ailleurs, les édulcorants artificiels n’activent pas les circuits de récompense de la même façon que le sucre. Il en résulte un phénomène de compensation aux repas suivants pouvant conduire à stocker des calories sous forme de graisses, puis à la résistance à l’insuline.

Glycémie, microbiote, ADN : quels sont les autres effets secondaires sur la santé de cet additif ?

Deux scientifiques américaines, l’une chercheuse internationalement reconnue sur les édulcorants et l’autre travaillant pour le NIH (Institut national de la santé américain) ont fait le point dans une étude très documentée sur les effets biologiques du sucralose (3). Voici les principales actions recensées :

  • La modification des niveaux de glucose et d’insuline : cet effet a été montré à la fois chez des rongeurs et des humains. Le sucralose pourrait avoir des conséquences dans le contrôle du poids. L'épidémiologie a trouvé une association entre l'usage d'édulcorants et la prise de poids de par son impact sur la glycémie.
  • Les effets sur la détoxification et la biodisponibilité des médicaments : le sucralose augmente l’expression de protéines associées à la réduction de la biodisponibilité de médicaments.
  • Les métabolites du sucralose : le sucralose est métabolisé dans le tube digestif, ce qui donne naissance à des composés dont l’identité et les effets biologiques ne sont pas connus.
  • Une action sur l’équilibre de la flore intestinale : le sucralose réduit le nombre de bactéries, avec une suppression plus grande des souches bénéfiques (lactobacilles et bifidobactéries) que des bactéries plus nocives (entérobactéries). Le nombre total de ces bactéries ne revient pas à la normale au bout de 3 mois d’arrêt du sucralose. Or, on sait que microbiote et système immunitaire sont intimement liés, ce qui pourrait donc affaiblir ou dérégler la réponse immunitaire de l'organisme.
  • Des altérations de l’ADN : le sucralose peut avoir des effets mutagènes à des concentrations élevées et donc induire un risque cancérigène important. Il induit des dommages à l’ADN dans le tube digestif des souris. Le chauffage du sucralose avec du glycérol, que l’on trouve dans la structure des triglycérides, génère des chloropropanols, une classe de composés potentiellement toxiques. Une fois ingéré, le sucralose donne naissance à d’autres molécules dans l’intestin, dont le sucralose-6-acétate, un composé liposoluble déjà présent en petites quantités dans le sucralose. Une étude de l’université de Caroline du nord a révélé que cette molécule est génotoxique, c’est-à-dire nocive pour l'ADN (4). Les scientifiques sont arrivés à cette conclusion en menant des expériences in vitro où ils ont exposé des cellules sanguines humaines et des tissus intestinaux humains au sucralose-6-acétate. Autre point inquiétant : l’étude suggère que les traces de sucralose-6-acétate dans une seule boisson quotidienne au sucralose dépassent le seuil autorisé par les autorités européennes concernant les agents génotoxiques (0,15 μg par personne et par jour).

La plupart de ces effets biologiques ont lieu à des dosages approuvés par les autorités sanitaires. Par conséquent, les auteurs concluent que la sécurité de cet édulcorant doit être réexaminée.

Lire : Edulcorants : pas de sucre, mais pas zéro impact et Ne comptez pas sur les édulcorants pour mincir

La toxicité présumée du sucralose augmente-t-elle chez les enfants ?

Une étude récente menée par des chercheurs des National Institutes of Health des Etats-Unis a mesuré les quantités d'édulcorants artificiels dans le sang des enfants et des adultes après avoir bu un soda sans sucre (« light »). Les résultats de cette étude sont publiés dans Toxicological & Environmental Chemistry (5).

Les chercheurs ont relevé les niveaux des édulcorants artificiels sucralose et acésulfame de potassium, qui se trouvent dans une large gamme d'aliments et de boissons ultra-transformés. Parmi ces édulcorants artificiels figurent également la saccharine et l'aspartame.

Les concentrations sanguines d'édulcorants artificiels ont été mesurées chez les adultes et les enfants suite à l'ingestion de diverses doses de sucralose avec ou sans acésulfame de potassium, dans du soda diététique ou dans de l’eau gazeuse ou plate.

L'étude comprenait 22 adultes âgés de 18 à 45 ans et 11 enfants âgés de 6 à 12 ans qui n'avaient pas de problème médical connu et qui n'utilisaient aucun médicament.

Résultats : comparativement aux adultes, les enfants avaient des concentrations de sucralose dans le plasma deux fois plus élevées après ingestion d’un soda light. Ces résultats sont importants, car l'exposition précoce aux édulcorants artificiels peut influer sur le goût, l'alimentation et le métabolisme d'un enfant. Comme les enfants recherchent généralement plus le sucré que les adultes, ils sont particulièrement vulnérables aux effets potentiels des édulcorants artificiels.

La même équipe de recherche a montré que ces édulcorants artificiels se retrouvent dans le lait maternel lorsque la maman ingère des boissons ou aliments « light ». Étant donné que les nourrissons ont (jusqu’à 2 ans) moins de capacité à éliminer par les reins de telles substances, les auteurs s’inquiètent de la présence de ces édulcorants dans le sang des nouveau-nés.

Quel est le meilleur sucre pour les diabétiques ?

Sucre, stevia, aspartame ou sucralose ?

Les édulcorants sont une alternative utile au sucre notamment pour les personnes diabétiques à qui on les conseille souvent. Malgré leur approbation comme additifs alimentaires, des questions se posent sur leur sécurité et surtout leurs effets à long terme sur la santé restent. L'utilisation d'édulcorants artificiels est en augmentation dans le monde entier, car il est universellement admis que la consommation élevée de sucre favorise de nombreux problèmes de santé comme l'obésité et le diabète. L'industrie alimentaire répond à la demande des consommateurs et remplace de plus en plus le sucre par des édulcorants artificiels afin de fournir des produits sucrés à faible teneur en sucre. La plupart des consommateurs s'attendent à perdre du poids avec les édulcorants artificiels (car ils contiennent peu ou pas de calories), mais paradoxalement, c’est le contraire qui peut arriver.

Pour aller plus loin, lire : Quels sont les édulcorants à éviter ? (Abonné)

L'avis LaNutrition.fr

Au-delà des différents doutes relatifs à l'innocuité de certaines substances édulcorantes et donc la sûreté de leur utilisation, LaNutrition.fr conseille de réduire leur consommation au même titre que le sucre, pour déshabituer l'organisme et stabiliser nos circuits de récompense, beaucoup trop activé par l'alimentation occidentale industrielle riche en sucres et en glucides raffinés.

Pour tout savoir sur les additifs : Le nouveau guide des additifs de LaNutrition.fr

Références
  1. M. Y. Pepino, C. D. Tiemann, B. W. Patterson, B. M. Wice, S. Klein. Sucralose Affects Glycemic and Hormonal Responses to an Oral Glucose Load. Diabetes Care, 30 avril 2013
  2. Alonso Romo-Romo, Carlos A Aguilar-Salinas, Griselda X Brito-Córdova, Rita A Gómez-Díaz, Paloma Almeda-Valdes, Sucralose decreases insulin sensitivity in healthy subjects: a randomized controlled trial, The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 108, Issue 3, September 2018, Pages 485–491, https://doi.org/10.1093/ajcn/nqy152
  3. Susan S. Schiffman, Kristina I. Rother. Sucralose, A Synthetic Organochlorine Sweetener: Overview Of Biological Issues. Journal of Toxicology and Environmental Health, Part B, 2013; 16 (7): 399 DOI: 10.1080/10937404.2013.842523.
  4. Schiffman et al. Toxicological and pharmacokinetic properties of sucralose-6-acetate and its parent sucralose: in vitro screening assays. Journal of Toxicology and Environmental Health. 29 mai 2023.
  5. Sylvia P. Poulos. (2017) Letter to the Editor: Sylvestsky et al. 2017 Plasma concentrations of sucralose in children and adults. Toxicological & Environmental Chemistry 99:4, pages 730-731.

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