8 questions sur le virus de la grippe

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 19/02/2012 Mis à jour le 06/02/2017
L'essentiel

Comment est apparu le virus A (H1N1) ? Cette épidémie était-elle prévisible ? Quelle est la différence avec le virus de la grippe saisonnière ? LaNutrition.fr répond à 8 questions sur le virus de la grippe.

Qu’est-ce que la grippe saisonnière ?

Le matériel génétique des virus de la grippe est constitué d’ARN. Les mutations au cours de la fabrication de nouveaux exemplaires de segments d’ARN sont fréquentes. À chaque nouvelle infection, cette fabrication est assurée par des protéines qui s’acquittent de leur tâche en commettant de nombreuses erreurs. À cause de ces erreurs, les copies des brins d’ARN ne ressemblent pas toujours à l’original et le nouveau virus présente des mutations qui vont s’accumuler au fil du temps. Ce processus de glissement ou dérive antigénique est à l’origine de la grippe saisonnière. Un virus peut se transformer de manière significative en 3 à 4 mois, suffisamment en tous cas pour que les anticorps fabriqués par le corps humain en réponse à la première version du virus ne soient plus capables de reconnaître le nouveau l’hiver suivant. Par exemple, la souche de grippe A H3N2 de l'hiver 2005-2006 était différente de la souche A H3N2 apparue en 1968, dont elle descendait pourtant.

Qu’est-ce que la grippe pandémique ?

En plus de la grippe saisonnière, plusieurs fois par siècle, un nouveau virus apparaît, si nouveau qu’il fait beaucoup plus de malades que la grippe saisonnière, ce qui lui permet de se propager beaucoup plus vite. Ce type de virus est à l’origine de pandémies, comme celles de 1918 et de 2009. Les pandémies se produisent lorsque le virus change radicalement de nature d’une année sur l’autre : ses protéines de surface – les antigènes – ne ressemblent pas à celles des années précédentes. De tels changements modifient profondément la configuration du virus. Ils peuvent intervenir lorsqu’une cellule est infectée en même temps par au moins deux virus de la grippe, dont au moins un d’origine animale. Ce sont ces virus nés de « cassures antigéniques » qui provoquent les pandémies. Le système immunitaire ne les reconnaît pas car ils sont trop différents des autres virus de la grippe qui ont circulé précédemment. C’est le cas du virus de la grippe A (H1N1).

Pourquoi ce nom A (H1N1) ?

Il existe trois grands types de virus de la grippe : A, B et C que l’on distingue selon la nature de certaines de leurs protéines internes. Les plus inquiétants sont de loin les virus A. Ce sont eux qui sont à l’origine des grandes pandémies mortelles comme celles de 1918 et de 2009. Les virus A sont classés en sous-types, en fonction de la composition des deux protéines qui hérissent leur surface : l’hémagglutinine qui permet au virus de s'attacher aux cellules et la neuraminidase qui détache les nouveaux virions de la cellule infectée. Il existe au moins 16 variétés ou sous-types d’hémagglutinine, notées H1 à H16, et 9 sous-types de neuraminidase (N1 à N9). Seules 3 combinaisons contaminent efficacement l'homme : la combinaison H1N1 apparue en 1918; la H2N2 qui a émergé en 1889 et 1957 et la H3N2, responsable de la grippe de 1898 et de celle de Hongkong en 1968.

Avons-nous déjà rencontré le virus A (H1N1) ?

Comme tous les H1N1, ce virus est un lointain descendant du virus aviaire qui a provoqué la grippe « espagnole » de 1918, et qui circulait probablement déjà en 1916 et 1917. Le virus H1N1 de 1918 a pris deux tournants. D’une part il a muté, perdu de sa virulence et circulé de 1918 à 1956 inclus, donnant une grippe saisonnière moins dangereuse que celle de 1918. En 1957, il disparaît pour réapparaître en 1977, probablement à cause d’une mauvaise manipulation de laboratoire. Il circule donc depuis et provoque la grippe hivernale que chacun connaît. Mais en 1918 le même virus H1N1 d’origine aviaire a contaminé des porcs américains et s’est maintenu chez cet animal ! En 1998, ce virus porcin a rencontré un virus H3N2 humain et des gènes de virus aviaire, contaminé des élevages aux Etats-Unis et poursuivi sa route. En 2008 ou 2009, il a récupéré des fragments de virus porcins d’Eurasie. Cette monstruosité est le virus H1N1 pandémique de 2009 !

Pouvait-on prévoir que la pandémie à venir serait provoquée par ce virus ?

Oui. Au début des années 1970, des chercheurs américains ont prédit que la prochaine grande pandémie de grippe serait provoquée par un virus de type H1. En fait, il semble qu’une forme d’alternance soit à l’œuvre dans les pandémies. Un virus de type H1 serait suivi par un H2, un H2 par un H3, un H3 par un H1. Dans les années 1970, des analyses sur les anticorps circulant dans le sang ont révélé que les nonagénaires avaient encore des anticorps contre le H2N2, qui fut probablement à l’origine d’une pandémie en 1889. Les septuagénaires et les octogénaires avaient eux des anticorps contre un H3N2, qui fut la cause probable de la pandémie de 1898. On sait avec certitude que la pandémie de 1918 était de type H1N1, celle de 1957 de type H2N2 et que le virus de la grippe de Hong Kong de 1968 était du type H3N2 (ce qui explique au passage que les plus de 70 ans en aient moins soufferts). Pour la pandémie suivante, les chercheurs s’attendaient donc à un H1. Les événements leur ont donné raison.

Sommes-nous immunisés contre le virus de la grippe A (H1N1) ?

Il est possible que les personnes nées avant 1958 et celles nées en 1977 possèdent des anticorps contre ce virus. Cette hypothèse est basée sur une prédiction faite en 1960 par le virologiste Américain Thomas Francis, selon laquelle la réponse immunitaire est plus vigoureuse contre les antigènes que l’on a rencontrés pour la première fois dans l’enfance. Thomas Francis appelait cela « le péché originel antigénique ». Si on accepte ce concept, les personnes nées avant 1957 ont connu essentiellement des virus de type H1N1 ; elle se défendront mieux contre des virus de la même famille – dont celui de la grippe « porcine » 2009 – que les personnes nées après 1957, qui ont vu circuler des H2N2 et des H3N2. Les personnes nées en 1977 et juste après ont elles aussi été exposées à un H1N1 « revenu » des années 1950, et elles pourraient en bénéficier. Malgré tout, de telles souches ont rarement prédominé dans les années 1970 et après.

Les virus de la grippe sont-ils d’origine humaine ?

Les grandes pandémies sont apparues avec l’émergence de l’agriculture, il y a environ 10 000 ans. La biologie moléculaire et les travaux de l’Américain Jared Diamond ont montré qu’elles ont toutes une origine animale et qu’elles ont été transférées à l’homme aux premiers temps de la domestication et de l’élevage, en raison de la proximité entre fermiers et animaux. C’est vrai pour la grippe, la variole, la malaria, la tuberculose, le typhus, la diphtérie, la rougeole, la fièvre jaune, la peste et le choléra... La variole (comme la tuberculose) a été transmise à l’homme par les moutons, les chèvres et le bétail. Ces maladies étaient inconnues de l’humanité avant l’ère agricole du néolithique, soit pendant les sept millions d’années au cours desquelles nos ancêtres n’ont pratiqué que la cueillette, le charognage, puis la chasse et la pêche.

Où naissent ces virus ?

Les chercheurs ont longtemps cru que les pandémies de grippe, comme les épidémies de grippe saisonnière, trouvaient leur origine dans l’évolution naturelle du virus. Cette vision angélique a été mise en pièces dans les années 1990 par les données rassemblées par Robert Webster (Hôpital pour enfants St Jude de Memphis, Tennessee), Christoph Scholtissek (Institut de virologie de l’université Justus Liebig de Giessen, en Allemagne) et Stephen Morse (université Rockefeller de New York). En réalité, disent-ils, le principal responsable de l’émergence de nouveaux virus mortels de la grippe est aussi le principal responsable des grandes pandémies qui de la Mésopotamie à l’empire Aztèque ont anéanti des pans entiers de l’humanité : l’homme et ses pratiques d’élevage. Les volailles, en particulier les canards et les oies sont les réservoirs majeurs des virus de la grippe. L’homme résiste généralement aux infections par ces virus aviaires, mais le porc est plus facilement infecté, tant par les virus aviaires que par les virus de la grippe qui touchent les mammifères. Le porc sert donc souvent de « tube à essai » dans lequel des virus de plusieurs origines peuvent échanger du matériel génétique et construire un nouveau virus mortel. Les élevages familiaux d’Asie, mais aussi les élevages industriels sont probablement à l’origine des virus récents de la grippe pandémique.

 

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