Diminuer les FODMAPs : utile ou non?

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 30/03/2015 Mis à jour le 18/09/2019
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C’est le nouveau régime des personnes souffrant de côlon irritable et autres symptômes digestifs. En quoi consiste-t-il ? Est-il sain et sûr ? Éléments de réponse.

Selon une étude de population de 1998, près de 1 Français sur 2 souffrirait de problèmes digestifs et 1 sur 5 d’un syndrome du côlon irritable. Douleurs abdominales, ballonnements, flatulences… seraient ainsi le quotidien inconfortable de nombreuses personnes. Eliminer le gluten ou le lactose permet à certaines d’entre elles de dire adieu à ces problèmes. D’autres peinent à diminuer leurs symptômes gênants. Un régime pauvre en FODMAPs, imaginé au début des années 2000, a vu sa popularité croître ces dernières années car il représente une solution pour beaucoup de gens. Que sont les FODMAPs ? Comment fonctionne le régime ? Qu’en dit la recherche ? Examinons ces questions ensemble.

Les FODMAPs, qu’est-ce que c’est ?

Les FODMAPs sont des glucides dits à chaîne courte, présents dans certains aliments, qui sont peu absorbés par l’intestin et se retrouvent dans le côlon à nourrir certaines bactéries de la flore dite de fermentation.
FODMAP est l’acronyme de « Fermentable Oligosaccharides Disaccharides Monosaccharides And Polyols » ou en français « polyols, monosaccharides, disacccharides et oligosaccharides fermentescibles ».
La majorité des FODMAPs (hors polyols) appartiennent à la famille des fibres et ce qu’on appelle les prébiotiques, les substances dont se nourrissent les bactéries probiotiques.

  • Les oligosaccharides sont des chaînes courtes de glucose associé à du fructose (fructo-oligosaccharides ou FOS), du galactose (galacto-oligosaccharides ou GOS) ou à du mannose (mannane-oligosaccharides). Ce sont les fibres les plus fermentescibles.
  • Le représentant le plus connu des disaccharides est le lactose (sucre du lait) tandis que le fructose est le monosaccharide qui peut poser problème lorsqu’il est en excès par rapport au glucose.
  • Les polyols (ou polyalcools) sont des composés organiques possédant un certain nombre de groupes hydroxyles. Ils sont utilisés par l’industrie comme édulcorants pour leur fort pouvoir sucrant et leur quasi absence de calories. Ils peuvent avoir un effet laxatif et provoquer des ballonnements et flatulences.

En cas de déséquilibre de la flore intestinale, due par exemple à un excès de FODMAPs dans l’alimentation, les bactéries de la flore de fermentation vont proliférer au-delà de la « normale », provoquant des ballonnements, des gaz, des douleurs abdominales et affectant le transit (diarrhée ou constipation).

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Un régime pauvre en FODMAPs, pour qui, pour quoi ?

Plusieurs études ont montré depuis la création du régime pauvre en FODMAPs en 1999 par le Dr Sue Sheperd que diminuer les FODMAPs dans l’alimentation permet de réduire les symptômes du syndrome du côlon irritable.
Selon le Dr Médart, auteur de Soignez le côlon irritable naturellement, « ce syndrome est caractérisé, à des degrés divers, par des périodes de selles fréquentes (défaites et parfois même diarrhéiques) alternant ou non avec des phases de constipation, un inconfort abdominal allant jusqu’aux coliques, et, souvent, des manifestations d’aérocolie et de flatulence ».
Ce syndrome n’est pas forcément causé par un déséquilibre de la flore intestinale dû à l’ingestion d’un excès de FODMAPs. Ce lien de cause directe est encore sujet à débat parmi les scientifiques. Ce qui semble établi en revanche, c’est que si quelqu’un qui souffre de ce syndrome consomme trop de FODMAPs, il voit ses symptômes accrus.
D’après une méta-analyse des études publiées sur le lien entre FODMAPs et syndrome du côlon irritable, parue en février 2015, restreindre tous les FODMAPs comme le fait le régime du Dr Sheperd améliore plus efficacement les symptômes gastro-intestinaux que réduire seulement certains. (1) Et le régime pauvre en FODMAPs améliore sensiblement les symptômes des patients, ce qui fait dire aux auteurs de la méta-analyse que ce régime devrait être recommandé comme première mesure diététique à suivre en cas de syndrome du côlon irritable.

Une nouvelle étude parue en 2019 dans la revue European Journal of Nutrition rapporte l’effet d’une alimentation pauvre en FODMAPs sur les symptômes du syndrome du côlon irritable chez 164 patients. L’intervention a duré 12 mois au total et des évaluations des symptômes ont eu lieu à 3, 6 et 12 mois. Les chercheurs ont également analysé l’effet sur les symptômes d’un retour à une alimentation riche en FODMAPs.

Au début de l’étude, les participants ont décrit plusieurs symptômes : léthargie, ballonnements, flatulences et douleurs abdominales. Après 3 mois de régime faible en FODMAPs, les participants ont rapporté une amélioration des symptômes. Après 6 et 12 mois de régime, cette amélioration des symptômes s’est maintenue. La majorité des patients étaient satisfaits du contrôle de leurs symptômes par le régime faible en FODMAPs. Finalement, les participants qui adhéraient pleinement au régime faible en FODMAPs avaient également la meilleure amélioration des symptômes.

Au premier suivi (3 mois après le début de l’étude), les chercheurs ont proposé aux patients de réintroduire les FODMAPs dans leur alimentation. 14 d’entre eux ont accepté, les autres ont refusé par peur du retour des symptômes. 3 mois après la réintroduction des FODMAPs, les patients ont réussi à conserver l’amélioration symptomatique qu’ils avaient obtenue pendant les 3 mois de régime faible en FODMAPs. Les bénéfices se sont mêmes poursuivis jusqu’à 9 mois après la réintroduction des FODMAPs.

Notez bien que le régime pauvre en FODMAPs ne peut guérir du syndrome du côlon irritable, il peut simplement réduire au silence ses symptômes sur de longues périodes. Un vrai plus en termes de qualité de vie toutefois.

Quelques aliments riches en FODMAPs

  • Les aliments qui contiennent du fructose en excès : pomme, mangue, pastèque, miel, sirop de maïs à haute teneur en fructose.
  • Ceux qui contiennent du lactose : lait (vache, chèvre, brebis), yaourts avec du lait ajouté, desserts lactés, glaces, certains fromages (les plus frais notamment), chocolat au lait.
  • Ceux riches en fructo-oligosaccharides : artichaut, asperges, betterave, choux, aubergine, ail, poireau, oignon, blé, seigle, pomme, pastèque, kakis, endive…
  • Ceux riches en galacto-oligosacchardides : les légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots…)
  • Les aliments contenant des polyols : pomme, abricot, avocat, mûres, pêche, poire, prune et pruneau, pastèque, chou-fleur, champignon, maïs doux. Et côté édulcorants : sorbitol (E420), mannitol (E421), isomalt (E953), maltitol (E965), xylitol (E967).

Que manger lors d’un régime pauvre en FODMAPs ?

Le régime du Dr Sheperd comporte deux phases. Dans la première, il s’agit de restreindre de manière stricte tous les aliments riches en FODMAPs pendant 6 à 8 semaines, le temps que les symptômes gastro-intestinaux diminuent fortement voire disparaissent. Puis il faut effectuer des tests de réintroduction des différents FODMAPs, aliment par aliment, de préférence en collaboration avec un diététicien, pour voir ceux qui posent le plus problème.
Enfin, on peut réintroduire, par petites portions, plusieurs aliments de chacune des catégories des FODMAPs.

Un régime ponctuel ou à long terme ?

L’aspect très restrictif de la première phase du régime peut nuire à certains apports en nutriments (vitamines, minéraux, polyphénols) mais aussi provoquer la baisse des prébiotiques et des probiotiques dans l’intestin. Or la flore intestinale joue un rôle important dans l’immunité et donc dans la santé tout court. On ignore encore les conséquences à court comme à long terme de cette baisse des prébiotiques et probiotiques due au régime pauvre en FODMAPs. Réduire la quantité de FODMAPs peut donc être une bonne chose mais les supprimer à long terme ne permet sûrement pas de garantir un équilibre nutritionnel ni celui de la flore intestinale.

Selon une étude australienne publiée dans le journal Gut en janvier 2015, un régime pauvre en FODMAPs aboutit à une réduction globale des bactéries intestinales de 47% tandis qu’à l’inverse, un régime riche en FODMAPs semble permettre la croissance des bonnes bactéries intestinales. (2) Ces deux régimes ont été testés chez des personnes souffrant de syndrome du côlon irritable et chez des personnes non malades. Leurs effets ont aussi été comparés à celui d’un régime standard. Les chercheurs concluent que la teneur en FODMAP de l’alimentation a un effet marqué sur la flore intestinale et s’interrogent en conséquence sur les effets à long terme d’un régime pauvre en FODMAPs.
Il semble donc de plus en plus certain que le régime pauvre en FODMAPs permet de réduire au silence les symptômes gastro-intestinaux et notamment ceux du syndrome du côlon irritable. En revanche, il ne semble pas s’adresser au problème de fond, et le déséquilibre de la flore intestinale qui peut expliquer cette intolérance aux FODMAPs peut être corrigé, permettant par la suite de bien ou en tout cas mieux tolérer les FODMAPs. Un diététicien ou un nutritionniste peuvent vous aider à rétablir une bonne flore intestinale, sans symptômes digestifs.

Une conclusion que partage le Dr Cotinat, gastro-entérologue, nutritionniste et auteure de Soignez le reflux naturellement (Lire un extrait ICI  >>), "le régime pauvre en FODMAPs est un super régime pour soulager rapidement les symptômes digestifs. Il est d'ailleurs reconnu par les instances officielles en gastro-entérologie pour cela. Mais il ne résout pas le problème de base qui nécessite de trouver un nouvel équilibre. Selon moi, il permet de passer un cap avant d'évoluer vers des modifications nutritionnelles plus pérennes."

Pour aller plus loin : Soignez le colon irritable naturellement par le Dr. Jacques Médart (lire un extrait ICI  >>)

Références

(1) Mansueto P, Seidita A, D'Alcamo A, Carroccio A. Role of FODMAPs in Patients With Irritable Bowel Syndrome: A Review. Nutr Clin Pract. 2015 Feb 18. pii: 0884533615569886.

(2) Halmos EP, et al. Diets that differ in their FODMAP content alter the colonic luminal microenvironment. Gut 2015; 64 :93 –100.

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