Dr Bour : Les mammographies engendrent des surdiagnostics en masse

Par Marie-Charlotte Rivet Bonjean - Diététicienne-nutritionniste Publié le 29/08/2017 Mis à jour le 01/10/2018
Point de vue

On a longtemps cru, et affirmé, que le dépistage systématique du cancer du sein allait réduire la mortalité et le nombre de tumeurs graves. Mais ce n'est pas le cas. Explications avec le Dr Cécile Bour, du collectif Cancer Rose.

Le Dr Bour fait partie de « Cancer Rose », un collectif de médecins indépendants qui ont créé un site d’information sur les bénéfices et les risques réels du dépistage systématique du cancer du sein. 

Lanutrition.fr : Comment est né « Cancer Rose » ?

Dr Bour : Pendant une vingtaine d’années je me suis occupée du dépistage, car comme les autres, je pensais que c’était la solution. Mais au fil du temps j’ai eu, comme d’autres professionnels de santé, des doutes sur son bénéfice, les études scientifiques successives montrant que le dépistage n’avait pas d’impact sur la mortalité, mais engendrait du surdiagnostic et beaucoup de stress pour les femmes. La morbidité liée au dépistage n’est pas évaluée, personne ne sait combien de femmes meurent ou tombent malades à cause des traitements excessifs, dont elles n’auraient pas eu besoin.
Donc, avec d’autres médecins indépendants nous avons monté le collectif « Cancer rose » pour informer les femmes (et les hommes) sur le dépistage et le cancer du sein, en s’appuyant sur les dernières actualités scientifiques.
Nous essayons de donner toutes les informations possibles à ce sujet pour que les femmes puissent prendre la décision de se faire dépister ou non. On n’est pas là pour dire aux femmes ce qu’elles doivent faire ou pas, mais leur donner l’information pour qu’elles puissent choisir d’elles-mêmes.

Lire aussi : Comment la mammographie systématique conduit au surdiagnostic

Faut-il comme le font des radiologues et gynécologues s’inquièter de la baisse du nombre de femmes dépistées pour le cancer du sein ?

Dans les années 1960, tout le monde était persuadé que le dépistage généralisé allait avoir un réel impact sur l’incidence de ce cancer. Beaucoup de moyens, de dépenses et de travail ont été déployés pour ces campagnes.
Le dépistage n’est pas une mesure de prévention du cancer du sein, et de plus aujourd’hui certaines études montrent que ce dépistage comporte des inconvénients (surdiagnostics et fausses alertes).
Depuis 2011 un léger affaiblissement du taux de participation au dépistage s’est fait remarquer. Les gynécologues et les radiologues ont du mal à l’entendre, après tant d’années d’efforts sur les campagnes d’incitation.
Il y a certainement des liens d’intérêts de certains de ces professionnels avec le dépistage, mais aussi une réelle croyance en son efficacité par méconnaissance des données épidémiologiques, qui font que le débat n’est pas une simple polémique mais une réelle controverse scientifique au niveau mondial.

Pourquoi les femmes sont-elles moins nombreuses à se faire dépister ?

Les scandales sanitaires concernant certains médicaments ont été le début d’une « méfiance » du public qui se sent berné par une information dissimulée, biaisée ou incomplète qui lui est délivrée.
De plus ce dépistage est survendu aux femmes, on leur fait croire que c’est un acte anodin, que ce n’est pas coûteux, que cela ne fait pas mal et que cela peut leur sauver la vie, un discours pleins de belles promesses.
De fait on les expose tout d’abord à ce qu’on appelle le surdiagnostic, c’est-à-dire à des diagnostics inutiles de lésions petites, très peu ou non évolutives qui n’auraient jamais mis en danger leur vie, mais qui, révélées par le dépistage, seront traitées avec la même agressivité que de « vrais » cancers.
Les rayons X sont potentiellement cancérigènes même à faible dose d’autant qu’on réalise plusieurs clichés, qu’on répète plusieurs mammographies successivement et qu’on commence tôt dans la vie d’une femme (avant 40 ans) ; l’examen n’est ni agréable ni «glamour». Il peut aboutir à de faux positifs ou de faux négatifs. Et je ne parle pas du stress des résultats, et de la peur de la maladie. 

Que préconise « Cancer Rose » ?

Il faut que les femmes soient plus informées sur ce dépistage et ne soient pas forcées à le faire, car certains médecins ou publicités induisent une forme de culpabilité en cas de refus de dépistage.
Pour une femme asymptomatique, sans antécédent familial, sans facteurs de risque prédisposant (consommation alcoolique, tabagisme, obésité, sédentarité...), ce n’est pas irresponsable de ne pas se faire dépister en l’absence de tout signe d’appel.
Cette femme, qui au contraire fait le choix de se faire dépister, ne peut attendre de cet examen une réduction de sa mortalité par cancer du sein, ou une prévention contre un cancer grave ou d’intervalle (survenu entre deux mammographies), en revanche elle s’expose aux inconvénients du dépistage qui prédominent par rapport au bénéfice escompté.
On pourra simplement lui dire qu’au moment « m » de sa mammographie elle ne présente pas de signe patent.
Il est donc judicieux, même en cas de mammographie normale, de palper ses seins et de consulter en cas d’apparition de tout symptôme d’alerte (masse, rétraction, déformation, rougeur inexpliquée, induration..).
Autant la mammographie de dépistage ne fait pas la preuve de son utilité, autant la mammographie de diagnostic en présence de symptômes est, elle, indiquée.

Pour plus d’info : « cancer-rose »  et Dépistage du cancer du sein, la grande illusion

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