Obésité, ostéoporose : comment on fabrique une maladie

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 04/07/2013 Mis à jour le 20/02/2017

Depuis le 18 juin 2013, l’obésité est considérée comme une maladie aux Etats-Unis. Une décision qui rend le sourire à des laboratoires pharmaceutiques complètement déprimés. L'ostéoporose avait subi le même destin...

Depuis le 18 juin 2013, l’obésité est considérée comme une maladie aux Etats-Unis. C’est en tous cas la position de l’American Medical Association (AMA), la plus importante association de médecins de ce pays, obtenue après un vote officiel.

Depuis cette date, 78 millions d’Américains adultes et 12 millions d’enfants sont donc malades et nécessitent donc un traitement.

Ce vote n’était pas acquis. Les échanges ont été vifs entre ceux qui poussaient pour la prise en charge médicale de l’obésité et ceux qui craignaient qu’une telle décision stigmatise les patients et qu’elle ouvre un nouveau grand boulevard à l’industrie pharmaceutique.

Car c’est bien aussi de cela qu’il s’agit. Dans mon dernier livre, je raconte comment le vieillissement des os a été progressivement transformé en maladies – l’ostéoporose et l’ostéopénie - par une coalition de médecins liés aux lobbies pharmaceutique et laitier, avec la complicité passive des autorités sanitaires. Le Dr Lawrence Shulman, qui a organisé en 1984 la conférence des National Institutes of Health consacrant la densité minérale osseuse comme marqueur diagnostique de l’ostéoporose regrette cette décision : « Elle a fait naître une énorme industrie, » dit-il aujourd’hui.

L'expérience montre en effet que lorsqu'une nouvelle maladie est "créée", les médecins proposent rarement à leurs nouveaux patients des séances de méditation ou des soupes d'ortie, mais plutôt de la pilule.

Lire l'entretien avec le Pr Claude Béraud sur les examens et les traitements inutiles

Au cours du vote sur l’obésité-maladie, le bureau des délégués de l’AMA a finalement écarté les réserves et les réticences de ses propres experts pour parvenir à la décision que l’on sait. Un peu plus tôt, en avril, l'American Association of Clinical Endocrinologists avait officiellement incorporé les médicaments amaigrissants à ses recommandations pour la prise en charge du diabète.

Coïncidence ? Ces prises de position interviennent dans un moment de grande déprime pour les ventes de médicaments anti-kilos. Exemple avec Qsymia, une nouvelle pilule amaigrissante mise sur le marché américain en septembre 2012, et qui ne décolle pas en dépit d’un marketing agressif. Son fabricant, le laboratoire Vivus, a dépensé 45 millions de dollars pour pousser son médicament dans le champ de vision des médecins, mais 4 mois plus tard, les ventes dépassaient à peine 4 millions de dollars. Une misère. Et c’est dans ce contexte morose que Belviq, un nouveau médicament d’Arena Pharmaceuticals et Eisai a été lancé aux USA après avoir été autorisé en juin 2012. Un autre encore, Contrave (Orexigen Therapeutics), a reçu une autorisation de mise sur le marché en septembre 2014.

Jack Lief, le patron d’Arena avait annoncé en 2009 que les ventes de médicaments contre l’obésité pourraient un jour éclipser les statines. Pour l’instant, on en est loin.

Mais en déclarant que l’obésité est une maladie, les associations de médecins ont redonné espoir à toute une profession. “C’est un tournant dans la bataille pour amener la communauté médicale à changer de point de vue sur l’obésité,” dit pudiquement le Dr Barbara Troupin, vice-président de la communication scientifique de Vivus.

Fabriquer des maladies, lancer des médicaments pour traiter des conditions liées en réalité au mode de vie : cette recette (stupide sur le plan physiologique) a jusqu’ici bien réussi aux laboratoires, comme en témoigne la poule aux œufs d’or des statines dans les maladies cardiovasculaires et celle des bisphosphonates dans l’ostéoporose. Dorénavant, espérons-le, les « patients » y regarderont peut-être à deux fois.

A se procurer : Le mythe de l'ostéoporose de Thierry Souccar

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