Comment certains aliments courants modifient le microbiote

Par Sarah Amiri - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 18/02/2020 Mis à jour le 18/02/2020
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Une étude récente parue dans Gut Microbes, tente de comprendre comment certains aliments agissent sur la flore bactérienne, notamment via leur action sur les virus bactériophages.

Le microbiote intestinal est surtout composé de virus, en particulier les bactériophages (ou phages), et de bactéries appartenant aux Bacteroidetes et Firmicutes. La composition du microbiote est régulée par l’alimentation, mais aussi par l’activation des phages, ces virus « mangeurs de bactéries » qui mettent hors d’état de nuire les bactéries néfastes et promeuvent les bonnes. 

La plupart des bactériophages de l’intestin s’insèrent dans l’ADN des bactéries pour former des prophages. Ces prophages peuvent aussi être induits par certaines substances chimiques (comme la sauce soja, la nicotine, certains antibiotiques ou même certaines crèmes solaires). L’induction de ces prophages par ces substances peut avoir un effet (positif ou négatif) sur l’abondance de certaines espèces bactériennes. Par exemple, le benzo(a)pyrène-diol-époxide de la fumée de cigarette génère de multiples prophages qui éliminent les lactobacilles bénéfiques, autorisant ainsi des pathogènes anaérobiques à rester, ce qui peut contribuer à des mycoses vaginales. 

Une étude parue dans Gut microbes apporte de nouvelles clés pour comprendre comment l’alimentation agit sur le microbiote, notamment via l’activation des phages.

Les aliments antimicrobiens et prophages

Pour mener leur expérience, les chercheurs ont sélectionné 28 substances (ingrédients, additifs, plantes…) parmi 117 aliments couramment consommés qu’ils ont testé sur 4 espèces bactériennes : Bacteroides thetaiotaomicron, Enterococcus faecalis, Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa.

La première phase de l’expérience a permis de tester le potentiel antimicrobien des substances :

Effet antimicrobien le plus fort     Effet antimicrobien dans la plupart des cas    Effet antimicrobien dans la certains cas
Tabasco
Acide glycolique
N-acétyl-cystéine
Acide citrique
Dentifrice
Vinaigre
Cannelle
Neem (plante médicinale)
Réglisse
Fernet (Alcool italien)
Clou de girofle
Aspartame
Café arabica
Stévia
Trigonelline (molécule présente dans de nombreux aliments dont les pommes de terre)
Busserole

La deuxième a consisté à savoir si le potentiel antimicrobien était lié à l’induction de prophages :

De nombreux composés ont présenté une activité antimicrobienne et plusieurs ont été identifiés comme de nouveaux agents d'induction de prophages. La plupart des substances ont montré une activité différente selon l’espèce bactérienne présente, ce qui rend possible selon les chercheurs, la possibilité d'utiliser l'alimentation pour modifier intentionnellement le microbiote.

Les composés qui ont augmenté l’activation des prophages

  • Pour Bacteroides thetaiotaomicron : la stévia, le clou de girofle, la propolis, la busserole et l’aspartame.
  • Pour Enterococcus faecalis : la busserole, la propolis, l’aspartame.
  • Pour S. aureus : la stévia, le fernet, le dentifrice.

Les substances qui ont réduit l’activation des prophages :

  • Chez toutes les bactéries : la rhubarbe, le fernet, le café et l'origan.
  • Chez certaines espèces bactériennes : le dentifrice, l'extrait de pépins de pamplemousse et la grenade.
  • Certaines substances ont aussi réduit l’activation des prophages chez certaines bactéries tout en l’augmentant chez d’autres.

« Ces résultats indiquent que nous pouvons "sculpter" le microbiote intestinal avec des substances alimentaires courantes » explique Forest Rohwer, un des auteurs, chercheur en biologie à l'université de San Diego. « Nous avons également découvert que certains aliments agissent comme des inhibiteurs de phages et pourraient être utilisés pour contrôler les virus pathogènes. La capacité de tuer des bactéries spécifiques, sans en affecter d'autres, rend ces composés très intéressants. »

Lire aussi : Marie-Céline Ray : « Les phages peuvent guérir les infections qui résistent aux antibiotiques »
 

En pratique

Pour l’instant, agir sur la flore intestinale comme on entretient et conçoit son jardin, n’est encore pas possible, mais l’idée à terme est de pouvoir « nous attaquer à certaines maladies ou conditions en ajustant les aliments que nous consommons, ce qui affectera la diversité microbienne qui, à son tour, influencera la santé et les maladies. »

À lire aussi : Comment le microbiote intestinal nous protège

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