Comment les TCC modifient la chimie du cerveau

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 02/05/2017 Mis à jour le 29/08/2017
Enquête

Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) soutiennent l'humeur en agissant favorablement sur les neurotransmetteurs du cerveau.

Les TCC ont prouvé leurs bénéfices dans les troubles du comportement comme l'anxiété, la dépression, les addictions, etc. Elles partent du principe qu’il existe un lien étroit entre les idées, les émotions et les comportements. Ces thérapies amènent la personne à reconsidérer les choses sous un autre angle, de manière plus objective, ce qui conduit à remplacer les idées négatives et les comportements inadéquats par des pensées et des réactions plus adaptées à la réalité. Au-delà de leurs bénéfices bien documentés, des études récentes montrent que ces thérapies corrigent les déséquilibres des neurotransmetteurs du cerveau.

La chimie du cerveau et l'humeur

Nous savons qu'aux divers troubles de l'humeur correspondent des états chimiques cérébraux particuliers. Par exemple :

  • La dépression a été associée à des perturbations dans la disponibilité et le fonctionnement de la sérotonine et la noradrénaline – deux neurotransmetteurs synthétisés par les neurones à partir de deux acides aminés de l’alimentation (respectivement le tryptophane et la tyrosine (ou la phénylalanine)).
  • Neurotransmetteur le plus répandu dans le cerveau, le GABA (acide gamma-aminobutyrique) favorise la relaxation, alors que des niveaux bas de ce neurotransmetteur entraînent des difficultés d’endormissement et de l’anxiété. Les médicaments anxiolytiques agissent précisément en se liant à des récepteurs comme ceux du GABA.
  • On trouve une baisse de l'activité de la dopamine dans les humeurs mélancoliques, caractérisées par une diminution de l’activité motrice et de l’initiative, une baisse de la motivation. A l’inverse, les produits ou les activités qui procurent du plaisir, comme l’héroïne, la cocaïne, le sexe activent certains systèmes dopaminergiques.
  • La noradrénaline créée un terrain favorable à l’éveil, l’apprentissage, la sociabilité, la sensibilité aux signaux émotionnels, le désir sexuel. À l’inverse, lorsque la synthèse ou la libération de noradrénaline est perturbée, peuvent apparaître repli sur soi, détachement, démotivation, dépression, baisse de la libido.

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La science a donc montré qu’il existe des altérations chimiques du cerveau lorsque nous sommes déprimés ou anxieux (ou au contraire heureux ou euphoriques). Les médicaments antidépresseurs sont justement conçus pour augmenter (entre autres) les taux de sérotonine et/ou noradrénaline. De la même façon certains médicaments ciblent la dopamine ou le GABA. Nous savons aussi que l'alimentation et certaines substances naturelles affectent directement la chimie du cerveau. « Mais cette corrélation entre les modifications au niveau des neurotransmetteurs et la dépression ne signifie pas automatiquement que la chimie cérébrale est responsable des problèmes de dépression ou d’anxiété » soulignent Dennis Greenberger et Christine Padesky, les auteurs de Changez vos émotions, changez votre vie. Selon eux, « il existe 3 manières de changer la chimie du cerveau : prendre des médicaments ou certains aliments, modifier sa manière de penser et changer de comportement ». 

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Les bénéfices des TCC

Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) visent justement à modifier sa manière de penser et d'agir pour guérir de nombreux troubles de l'humeur comme l'anxiété, la dépression mais aussi les attaques de panique, la colère, la culpabilité, la faible estime de soi, etc. Ces thérapies ont fait l'objet de nombreuses recherches scientifiques qui prouvent leur efficacité (elles guérissent et améliorent la qualité de vie des personnes atteintes de troubles de l'humeur), seules ou en complément d’un traitement médicamenteux.

Les études montrent qu'elles modifient effectivement la chimie des neurotransmetteurs :

  • Les personnes dont la dépression est améliorée par les TCC montrent aussi une augmentation de leur taux de sérotonine, mesurée par tomographie spectrale à comptage de photons. Des chercheurs en psychiatrie de l'université de Pennsylvanie ont ainsi évalué la liaison de la sérotonine à ses récepteurs dans différentes régions du cerveau chez des personnes atteintes de dépression et des personnes en bonne santé. (1) Ils ont trouvé que la faible liaison de départ s'améliorait nettement chez les personnes traitées avec succès par les TCC, et ce dans les deux lobes temporaux. Chez les patients répondant moins bien aux TCC, l'amélioration était moins importante et ne concernait que le lobe temporal gauche.
  • D'après une étude de l'université de Yale (États-Unis), les TCC moduleraient le taux cérébral de glutamate (substance à partir de laquelle le GABA est fabriquée) de la même manière qu'un médicament antidépresseur. (2) Les effets thérapeutiques des TCC pourraient aussi être liés à des changements neurophysiologiques au niveau du cortex, modifications qui amélioreraient la transmission du GABA. Des scientifiques canadiens ont ainsi mesuré par stimulation magnétique transcranienne l’effet des TCC sur le cortex de personnes ultra-perfectionnistes (par rapport à des personnes tout aussi perfectionnistes mais non traitées). (3) Et il s’avère que les TCC potentialisent bien la transmission du GABA.
  • Des chercheurs de l'Institut Karolinska de Stockholm ont mis en évidence grâce au scanner une association entre une diminution des symptômes après les TCC et des modifications au niveau des récepteurs de la dopamine chez des patients traités pour des troubles anxieux (phobie sociale). (4)

Conclusion, et pour reprendre les termes de Dennis Greenberger et Christine Padesky : « Lorsqu’on change de manière de penser ou de se comporter, on modifie la manière dont le cerveau fonctionne, dont il métabolise l’énergie. Plutôt que de se voir comme une victime de la chimie cérébrale, il serait plus exact (et plus cohérent avec la recherche scientifique) de considérer qu'il existe des interactions réciproques entre la pensée, le comportement, les neurotransmetteurs et l’humeur ».

Pour aller plus loin, lire : Le grand livre des thérapies cognitives et comportementales

Références
  1. Amsterdam JD, Newberg AB, Newman CF, Shults J, Wintering N, Soeller I. : Change over time in brain serotonin transporter binding in major depression: effects of therapy measured with [(123) I]-ADAM SPECT. J Neuroimaging. 2013 Oct;23(4):469-76. doi: 10.1111/jon.12035. 
  2. Abdallah CG, Niciu MJ, Fenton LR, Fasula MK, Jiang L, Black A, Rothman DL, Mason GF, Sanacora G. : Decreased occipital cortical glutamate levels in response to successful cognitive-behavioral therapy and pharmacotherapy for major depressive disorder. Psychother Psychosom. 2014;83(5):298-307. doi: 10.1159/000361078. 
  3. Radhu N, Daskalakis ZJ, Guglietti CL, Farzan F, Barr MS, Arpin-Cribbie CA, Fitzgerald PB, Ritvo P. : Cognitive behavioral therapy-related increases in cortical inhibition in problematic perfectionists. Brain Stimul. 2012 Jan;5(1):44-54. doi: 10.1016/j.brs.2011.01.006. Epub 2011 Feb 5.
  4. S Cervenka, E Hedman, Y Ikoma, D Radu Djurfeldt, C Rück, C Halldin, and N Lindefors : Changes in dopamine D2-receptor binding are associated to symptom reduction after psychotherapy in social anxiety disorder, Transl Psychiatry. 2012 May; 2(5): e120.

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