Le rôle des mitochondries dans les maladies neurodégénératives

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 25/10/2019 Mis à jour le 25/10/2019
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Dans cet extrait du livre Les mitochondries au coeur de la médecine du futur, Lee Know un chercheur canadien explique l'implication des mitochondries dans la neurodégénérescence qui a lieu dans des maladies comme Alzheimer, Parkinson, la chorée de Huntington ou encore la sclérose latérale amyotrophique (SLA).

Alors que le cerveau ne représente qu’environ 2 % du poids corporel d’une personne (variable bien sûr selon l’individu), au repos, il consomme environ 20 % de l’énergie totale dont le corps a besoin. Le cerveau est un enchevêtrement géant d’innombrables neurones, et il semblerait normal de penser que cet organe souffre de façon significative du dysfonctionnement des mitochondries, ces centrales énergétiques de nos cellules. Et il semble que ce dysfonctionnement soit effectivement impliqué dans la neurodégénérescence.

En 1999 déjà, une série de publications scientifiques résumaient le corpus croissant de données sur le rôle des mitochondries dans la neurodégénérescence. Selon Cassarino et son équipe, « il devient clair que des altérations fonctionnelles subtiles de ces dynamos cellulaires essentielles entraînent des changements pathologiques sournois dans les neurones ».
Les auteurs présentaient une théorie de neurodégénérescence basée sur un cercle vicieux de mutation de l’ADN mitochondrial (ADNmt), le déclin bioénergétique et les dommages causés par les radicaux libres – le même scénario que nous voyons maintenant apparaître dans une foule d’autres pathologies et confirmé par d’autres études au cours des vingt dernières années.

Ces études corroborent maintenant le rôle d’une dynamique mitochondriale anormale dans la mort des cellules neuronales et l’apparition de la maladie d’Alzheimer, Parkinson, Huntington, et d’autres troubles neurodégénératifs. Bien que de nombreuses maladies, le vieillissement et la neurodégénérescence en général aient des causes fondamentales similaires, la physiologie du cerveau reste unique, et ses pathologies présentent des mécanismes et des caractéristiques intéressantes.

Le cerveau est particulièrement vulnérable aux dommages causés par les radicaux libres (en raison de sa richesse en oxygène et de sa teneur élevée en acides gras), et l’on pourrait penser que son système de défense antioxydant est de ce fait suffisamment puissant. Malheureusement, ce n’est pas le cas : cet organe délicat est assez mal protégé contre les dommages causés par les radicaux libres ; les cellules du cerveau accumulent alors un stress oxydatif au fil du temps. Ce constat est avéré pour tout le monde, mais particulièrement pour ceux qui ont une prédisposition génétique ou environnementale à la dégénérescence neurologique.

La majorité de la teneur en acides gras du cerveau est contenue dans les membranes cellulaires, dans leurs extensions (telles que les axones et les dendrites) et dans leurs mitochondries. Au fur et à mesure que nous vieillissons, une plus grande partie de ces lipides s’oxydent parce qu’ils sont exposés à un apport riche en oxygène et en radicaux libres ; la vulnérabilité du cerveau aux maladies dégénératives augmente en conséquence. Le maintien de la santé mitochondriale est une stratégie essentielle pour prévenir ce lent déclin de nos facultés mentales dû au vieillissement.

Excitotoxicité

À la fin des années 1980, des scientifiques des Instituts de santé nationaux (National Institutes of Health) ont stipulé que l’excitotoxicité (la toxicité due à une hyperstimulation des cellules nerveuses) se développait lorsque le niveau d’énergie des neurones diminuait. Des recherches ultérieures ont confirmé cette hypothèse, et d’autres ont montré que la CoQ10 (c’est le composé qui transporte les électrons du complexe I ou II au complexe III et qui peut être fourni sous forme de complément alimentaire) protège contre l’excitotoxicité en augmentant les niveaux d’énergie dans les cellules nerveuses.
Le glutamate (un neurotransmetteur) transmet normalement des impulsions excitatrices. Dans les cas de neurodégénérescence, le cerveau développe une hypersensibilité au glutamate de façon chronique, et celui-ci devient alors une « toxine excitatrice » à action lente sur les cellules cérébrales.
Les mitochondries reçoivent alors constamment l’ordre de produire plus d’énergie – plus d’énergie que les neurones n’en ont réellement besoin. Cette activité trop intense génère un taux de production plus élevé de radicaux libres et, avec le temps, engendre une disparition accélérée de ces mitochondries. À terme, cette chaîne d’événements crée un dysfonctionnement neuronal.

Les mitochondries dans la signalisation neuronale

Les cellules cérébrales communiquent de façon très variable en force et en intensité. Parfois, elles se parlent haut et fort, mais à d’autres moments elles chuchotent ou balbutient. Pendant des années, les scientifiques se sont demandé pourquoi et comment l’activité des neurones changeait si souvent d’intensité. Une étude de Sun et de son équipe, publiée à l’été 2013, démontre que les mitochondries à mouvement rapide émettent des rafales d’énergie, et c’est ce qui semble réguler la communication neuronale.

Le réseau de neurones à travers le corps contrôle les pensées, les mouvements et tous les sens en envoyant et en recevant des milliers de neurotransmetteurs (les messagers chimiques du cerveau) aux points de communication entre les cellules appelés synapses. Ces neurotransmetteurs sont émis à partir de minuscules protubérances présentes sur les neurones, les boutons présynaptiques, qui sont alignés le long des axones. Ils permettent de contrôler la force des signaux envoyés en régulant la quantité de neurotransmetteurs libérés ainsi que la manière dont ils sont libérés.

La production de neurotransmetteurs, leur conditionnement et leur libération ainsi que la réception ou l’élimination de ces substances chimiques requièrent tous de l’énergie. Des études antérieures ont montré que les mitochondries peuvent se déplacer rapidement le long des axones, dans une sorte de danse, d’un bouton à l’autre, et constaté que ces mitochondries mobiles contrôlent la force des signaux envoyés par les boutons. Les chercheurs ont utilisé des techniques avancées pour observer les mitochondries se déplacer entre les boutons pendant qu’ils libéraient des neurotransmetteurs et ont découvert que ces boutons ne transmettaient des signaux forts que si les mitochondries étaient proches – lorsqu’elles étaient absentes ou s’éloignaient des boutons, la force des signaux variait.
Ces résultats suggèrent que la présence de mitochondries stationnaires au niveau des synapses améliore la stabilité et la force des signaux nerveux. De telles données nous permettent de confirmer l’implication des mitochondries dans la pathogenèse de maladies neurodégénératives et toute maladie neurologique qui nécessite une transmission efficace et appropriée des signaux du système nerveux (dépression, trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), etc.).

Pour aller plus loin dans ces tests, les chercheurs ont manipulé le mouvement mitochondrial en changeant les niveaux de syntaphiline, une protéine qui permet d’ancrer les mitochondries au cytosquelette de la cellule à l’intérieur des axones. L’élimination de la syntaphiline a entraîné des déplacements plus rapides des mitochondries, et les enregistrements électriques de ces neurones ont montré que les signaux qu’ils émettaient étaient grandement perturbés. À l’inverse, l’augmentation des niveaux de syntaphiline ralentissait le mouvement mitochondrial en permettant aux boutons d’envoyer des signaux de même ampleur. Il avait été démontré précédemment qu’environ un tiers de toutes les mitochondries des axones se déplaçait, le reste étant stationnaire. La communication entre les cellules nerveuses est donc contrôlée de près par des actions très dynamiques se déroulant dans de nombreuses synapses.

Les chercheurs ont également découvert que le blocage de la production d’ATP dans les mitochondries réduisait la force des signaux envoyés même si les mitochondries étaient proches des boutons. Des problèmes de production d’énergie mitochondriale et de mouvement à travers les neurones sont en cause dans la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et d’autres pathologies neurodégénératives majeures. Cette recherche de 2013 ajoute une pièce clé au puzzle et nous donne des raisons supplémentaires de cibler les mitochondries et l’énergie cellulaire pour soigner ces maladies.

Pour en savoir plus, lire Les mitochondries au coeur de la médecine du futur de Lee Know (éd. Dangles)

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