Le régime cétogène contre Parkinson : premiers résultats

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 06/03/2018 Mis à jour le 09/08/2019
Article

Déjà utilisé dans l’épilepsie et Alzheimer, le régime cétogène a-t-il sa place dans la maladie de Parkinson ? Les premières études sont publiées.

Le régime cétogène, riche en graisses et pauvre en glucides a déjà fait ses preuves dans le traitement de l’épilepsie, il est utilisé expérimentalement dans Alzheimer et certains cancers ou contre la migraine, mais peut-il améliorer aussi les patients atteints de la maladie de Parkinson ? Les premières études sont parues.

Pourquoi c’est important

La maladie de Parkinson se caractérise par une dégénération des neurones d’une région du cerveau appelée substance noire. Ces neurones fabriquent le neurotransmetteur dopamine, qui aide à contrôler le mouvement. L’une des hypothèses pour expliquer cette maladie, c’est une atteinte toxique des mitochondries, les centrales énergétiques de la cellule, par des substances comme les résidus de pesticides. Le traitement passe notamment par la prescription de L-dopa (ou lévodopa), un médicament précurseur de la dopamine.

Le régime cétogène conduit à la production en quantité de corps cétoniques dont l’hydroxybutyrate, qui protège expérimentalement les mitochondries des cellules nerveuses et donc prévient leur dégénération et leur mort. Mais pour pouvoir affirmer que cette alimentation bénéficie aux malades, des essais cliniques doivent être conduits. 

Dans les études chez l’animal, la diète cétogène a le pouvoir de protéger les neurones dopaminergiques de la dégénérescence, expliquent le Dr Bernard Aranda et Michèle Houde, les auteurs du Régime cétogène pour votre cerveau : « On explique cette action neuroprotectrice par l’amélioration de la production d’énergie par les mitochondries. »

Ce que dit la recherche

Peu d’études ont été conduites sur le régime cétogène dans la maladie de Parkinson. Une étude chez l'homme a étudié les effets d’un régime cétogène strict sur les symptômes d’un petit nombre de malades. Les chercheurs ont montré que 5 des 7 personnes traitées avec l’alimentation cétogène pendant 28 jours ont pu améliorer leurs scores (+ 43 %) à l’échelle UPDRS (Unified Parkinson’s Disease Rating Scale), qui sert de mesure pour quantifier la progression de la maladie de Parkinson et l’efficacité du traitement. (1) « Une amélioration de plus de 30 % de l’UPDRS est considérée comme cliniquement significative. Tous les participants ont rapporté une amélioration modérément bonne à très bonne de leurs symptômes. », analysent le Dr Bernard Aranda et Michèle Houde.

En août 2018 ont été publiés les résultats d'une étude pilote de 8 semaines (2), au cours de laquelle 47 patients ont suivi pendant 8 semaines soit un régime cétogène, soit au contraire un régime pauvre en graisses ou "low-fat". Les deux régimes ont amélioré les scores des symptômes non moteurs, mais l'amélioration a été plus importante dans le groupe "cétogène" : - 41 % contre - 11 % pour le groupe "low-fat". Les auteurs attribuent à cet effet une grande importance, car, soulignent-ils, trouver, les symptômes non moteurs en fin de compte représentent l'aspect le plus handicapant de la maladie de Parkinson, et aussi les moins sensibles au traitement par L-dopa - par exemple, la dépression, les troubles urinaires, la douleur, la fatigue, la somnolence diurne et les troubles cognitifs. 

Il faut noter que, dans cette étude, les patients qui suivaient un régime cétogène ont connu une exacerbation transitoire de la rigidité et des tremblements qui accompagnent la maladie, peut-être parce qu'une consommation soudaine de grandes quantités de graisses, disent les auteurs, a pu augmenter temporairement le stress oxydant ou la déplétion de dopamine dans le système nerveux. Malgré cela, les chercheurs estiment possible que le régime cétogène puisse compléter un traitement à la L-dopa. 

Un an plus tard, en août 2019, une autre étude pilote de 8 semaines (3) a comparé un régime classique (plutôt riche en glucides) à une alimentation pauvre en glucides et riche en graisses chez 14 patients atteints de Parkinson. Les scientifiques ont observé des résultats similaires à celle de l'étude de 2018 : l'alimentation cétogène a permis d'améliorer l'accès au vocabulaire et la mémoire des malades par rapport à l'alimentation classique. Les effets de la mémoire du régime cétogène semblaient fortement liés à la perte de poids induite par le changement alimentaire. Là encore, aucun changement n'a été constaté sur les symptômes moteurs de la maladie.

En pratique

Il existe deux grandes versions du régime cétogène : 

  • Le régime cétogène strict

C’est le régime généralement prescrit dans l’épilepsie et le diabète. Avec 4 fois plus de graisses que de glucides, les spécialistes le nomment 4 :1. Il est contraignant et parfois difficile à suivre à long terme.

>> Exemple de recettes cétogènes strictes : un extrait de Céto cuisine avec 4 recettes 

  • Le régime Atkins modifié

Le régime Atkins est le régime « low-carb » (pauvre en glucides) de référence. Dans la version « Atkins modifiée », le rapport entre graisses et glucides est celui de la première phase du régime : 2 g de graisses pour 1 g de glucides, ou 1 g de graisses pour 1 g de glucides. Il s’agit donc, quand on suit un Atkins modifié, de rester dans cette première phase. Il est plus facile à suivre que le régime cétogène strict.

>> Exemple de recettes de type Atkins modifié
 
Ces deux régimes peuvent être « enrichis » de corps gras spéciaux appelés triglycérides à chaîne moyenne (TCM), qui potentialisent les effets du régime lui-même. On peut aussi utiliser l’huile de coco (moins efficace). De nombreuses personnes atteintes de Parkinson ont fait état d’une amélioration de leur état avec un régime cétogène strict ou Atkins modifié, souvent agrémenté de TCM et d’huile de coco. "Le régime cétogène pourrait constituer une option thérapeutique majeure pour les patients", estime dans un article récent le Dr Thomas Walczyk (Hôpital Johns Hopkins, Baltimore). Cependant, les études manquent pour pouvoir affirmer que ce régime, certes prometteur, est efficace.

Si vous envisagez un régime de ce type, informez-en votre médecin, n’interrompez pas vos traitements (les patients qui suivent le régime rapportent que l’association traitements-régime est bénéfique), et sachez qu’il y a des précautions à prendre pour éviter les inconvénients d’une diète cétogène stricte.

A lire aussi pour aller plus loin :

Références

(1) Paoli A, Bianco A, Damiani E, Bosco G. Ketogenic diet in neuromuscular and neurodegenerative diseases. Biomed Res Int. 2014;2014:474296.
Walczyk T, Wick JY. The Ketogenic Diet: Making a Comeback. Consult Pharm. 2017 Jul 1;32(7):388-396.

(2) Phillips MCL, Murtagh DKJ, Gilbertson LJ, Asztely FJS, Lynch CDP. Low-fat versus ketogenic diet in parkinson's disease: A pilot randomized controlled trial. Mov Disord. 2018 Aug 11.

(3) Krikorian, R., Shidler, M. D., Summer, S. S., Sullivan, P. G., Duker, A. P., Isaacson, R. S., & Espay, A. J. (2019). Nutritional ketosis for mild cognitive impairment in Parkinson’s disease: A controlled pilot trial. Clinical Parkinsonism & Related Disorders. 

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