Les plantes de la médecine chinoise efficaces contre le coronavirus ?

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 31/03/2020 Mis à jour le 01/04/2020
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En pleine pandémie de COVID-19, les autorités chinoises font la promotion de leur médecine traditionnelle, notamment les plantes, contre le coronavirus. Mais que dit la science à ce sujet ?

Pourquoi c’est important

Depuis son apparition à Wuhan (province de Hubei), le COVID-19 a gagné le monde entier, causant une véritable pandémie. La Chine, qui a comptabilisé sur son territoire plus de 82 000 cas, a publié des études sur l’épidémie et les traitements utilisés dans ses hôpitaux. Beaucoup de patients chinois ont bénéficié de soins issus de la médecine traditionnelle chinoise (MTC), en plus des médicaments de la médecine « occidentale ».

La MTC faisant partie des traitements recommandés pour soigner les patients atteints du COVID-19 en Chine, environ 3000 praticiens de la MTC ont été déployés dans la province de Hubei. Cette médecine reste populaire en Chine. Comme le rapporte le journal Le Temps, des scientifiques chinois ont publié en janvier un article indiquant qu’un remède traditionnel – le Shuanghuanglian – inhibait le coronavirus. Les Chinois se sont alors rués sur le médicament, à tel point que les médias ont dû rectifier l’information et annoncer que  le Shuanghuanglian ne pouvait pas guérir le COVID-19.

Pour les autorités chinoises, la MTC est un trésor national qu’il faut promouvoir. Lors d’une conférence de presse, le lundi 9 mars, Yu Yanhong, qui dirige l’administration nationale des MTC, a déclaré que « l’essentiel des 50 000 patients du COVID-19 en Chine qui se sont remis de la maladie ont reçu un traitement de MTC. » Mais que disent les publications scientifiques ?

Les premiers résultats d’études chinoises sur le COVID-19

Le 4 mars 2020, trois membres de l’université de médecine chinoise Heilongjiang ont publié une étude dans la revue en ligne Pharmacological Research. Ils ont suivi 102 cas avec des symptômes légers, traités par de la MTC. Chez ces patients, la disparition des symptômes a eu lieu deux jours plus tôt avec la MTC. De même, la température est redevenue normale avec 1,7 jour de moins et la durée de séjour à l’hôpital a été réduite de 2,2 jours. Chez les patients souffrant de formes sévères de la maladie, la MTC aurait raccourci de deux jours l’hospitalisation et le temps qu’il faut pour que le patient devienne négatif au virus.

Parmi les préparations utilisées contre les symptômes de pneumonie, les auteurs citent la décoction qingfei paidu (QPD), qui contient une vingtaine de plantes. Dans une autre étude citée par les mêmes auteurs, cette préparation aurait servi à traiter 701 personnes : plus de 90 % ont été guéries. D’après les auteurs, les plantes agiraient sur le méridien du poumon. Cependant, les détails manquent sur les patients et les témoins de l’étude.

Le 21 mars 2020, la revue Journal of Medical Virology publiait en ligne une nouvelle étude chinoise sur 135 patients hospitalisés à cause du COVID-19 (moyenne d’âge : 47 ans), et dont les poumons étaient atteints. Tous les patients ont pris des antiviraux (Kaletra et interféron), certains ont aussi eu des traitements antibactériens (44 %) ou des corticostéroïdes (27 %) et 92 % ont eu un traitement de MTC. Les auteurs en ont conclu que le traitement antiviral avec le Kaletra devait commencer tôt et que les patients devraient être traités avec une combinaison de médecine occidentale et de MTC. Cependant, dans cette étude, le groupe qui n’a pas eu de MTC était réduit.

Dans le passé, la MTC a été utilisée contre un autre coronavirus : le SARS-CoV, responsable du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), virus proche du SARS-CoV-2 qui cause la maladie COVID-19. Que peut-on retenir des études sur l’utilisation de la MTC contre le SRAS ?

Des préparations chinoises en prévention du coronavirus ?

En février 2020, des chercheurs affiliés à des organismes de recherche chinois et anglais (Université de South Bank de Londres) se sont demandé si des préparations de la MTC pouvaient être conseillées en prévention du COVID-19. Ils ont recherché si des plantes chinoises avaient pu faire leurs preuves pour prévenir le SRAS. D'après leurs résultats parusdans Chinese Journal of Integrative Medicine, ils ont trouvé trois études sur l’utilisation de la médecine chinoise en prévention du SRAS. Aucune des personnes qui a pris ces plantes n’a contracté la maladie. Par exemple, il y avait une étude menée à Hong Kong sur 16 437 personnels hospitaliers, dont 1063 ont pris des plantes chinoises : de la poudre Yupingfeng et une décoction Sangju. 64 personnes parmi les contrôles ont eu le SRAS (0,4 %), mais aucun de ceux qui ont pris la MTC.

Une revue Cochrane de 2012 sur le SRAS

De nombreuses études ont été publiées sur l’utilisation de la MTC contre le le SRAS. Il y avait donc de la matière pour compiler tous ces résultats dans une revue de littérature sur le sujet. C’est ce qu’a fait le groupe d’experts de Cochrane spécialisé dans les infections respiratoires aiguës.

Ils ont identifié 13 essais cliniques sur le sujet, dont 12 essais randomisés contrôlés. En tout 640 patients atteints du SRAS ont participé à ces études dans lesquelles 12 plantes chinoises différentes ont été utilisées, en combinaison avec des traitements occidentaux. Les chercheurs ont comparé les résultats entre « traitement occidental seul » et « traitement occidental + MTC ».

Globalement, les scientifiques n’ont pas trouvé que les herbes chinoises, associées aux traitements occidentaux, diminuaient la mortalité. Cependant, certaines herbes semblaient améliorer les symptômes et l’infiltration des poumons, d’autres plantes semblaient réduire le dosage de corticostéroïdes et une préparation de plantes la durée d’hospitalisation.

Mais les essais cliniques étaient de faible qualité, ce qui invite à la prudence. D’après cet article, sur 5327 cas confirmés de SRAS, plus de la moitié ont reçu un traitement de MTC (3104).

Enfin, en 2011, des scientifiques de Taïwan ont recherché quelles herbes chinoises inhibaient le virus SARS-CoV in vitro. Ils ont trouvé six extraits de plantes intéressants : Gentianae Radix, Dioscoreae Rhizoma, Cassiae Semen, Loranthi Ramus, et deux extraits de Rhizoma Cibotii.

En conclusion, beaucoup d’études sur les bienfaits des plantes de la MTC contre des coronavirus sont de faible qualité  et ont été réalisées en Chine. Sachant que les autorités chinoises veulent promouvoir cette médecine, il est difficile de se faire un avis objectif en dehors de ce pays. Des essais cliniques rigoureux sont nécessaires pour mieux connaître les bénéfices des plantes chinoises en prévention ou en traitement du COVID-19, en complément des médicaments habituels.

Lire aussi notre dossier complet "Les bons gestes face au coronavirus" et le guide Immunité naturelle

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