Résistance aux antibiotiques : une Britannique traitée avec des phages modifiés

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 09/05/2019 Mis à jour le 10/05/2019
Article

Pour la première fois,  une adolescente a reçu des phages génétiquement modifiés, afin de traiter, avec succès, une infection résistante aux antibiotiques.

Pourquoi c’est important

La résistance aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique en France et dans le monde entier. Face à cette menace grandissante, la phagothérapie apparaît comme une voie crédible pour éliminer des bactéries multirésistantes aux antibiotiques, les « superbugs »,  ou « superbactéries ».

Lire notre article : 33 000 morts par en Europe à cause de la résistance aux antibiotiques

La phagothérapie consiste à utiliser des prédateurs naturels des bactéries, les phages, qui sont des virus tueurs de bactéries. Cette thérapie a été inventée par le chercheur franco-canadien Félix d’Hérelle il y a 100 ans à Paris. Longtemps tombée dans l’oubli, la phagothérapie revient dans l’actualité et intéresse de plus en plus les chercheurs du monde entier.

Ce que montre l’étude

La patiente qui a bénéficié de ce traitement expérimental s’appelle Isabelle Holdaway. Atteinte de mucoviscidose, elle a subi une double greffe pulmonaire en septembre 2017, à l’hôpital de Great Ormond Street à Londres, alors qu’elle avait 15 ans. Mais cette opération a conduit à des complications : elle a développé une infection grave qui touchait ses poumons, son foie, sa peau et sa cicatrice d’opération. La bactérie en cause était Mycobacterium abscessus, un germe de la même famille que l’agent responsable de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis).

La vie d’Isabelle était en danger. L’équipe d’Helen Spencer, son médecin, est entrée en contact avec un professeur de l’université de Pittsburgh, Graham Hatfull, un spécialiste des phages qui possède une importante collection de virus avec 15 000 échantillons. L’équipe de Graham Hatfull a trouvé un phage qui pouvait être efficace contre la bactérie Mycobacterium dont souffrait Isabelle. Ce phage a été surnommé Muddy (« boueux »), car il avait été identifié sur une aubergine en décomposition. Les scientifiques ont aussi identifié deux autres phages intéressants pour Isabelle, mais ils ont dû les modifier génétiquement pour en faire de parfaits « tueurs » de bactéries.

Le cocktail composé de ces trois phages a été injecté à l’adolescente en juin 2018. Son état de santé s’est amélioré et il n’y a pas eu d’effets secondaires. Isabelle n’est pas complètement guérie mais elle a pu reprendre ses activités habituelles et elle est en vie ! Elle a expliqué sur le site de NPR qu’elle prenait des leçons de conduite mais aussi : « Je fais des gâteaux d'anniversaire pour les gens. J'ai fait du jardinage. Toutes sortes de choses normales. »

Le cas d’Isabelle est décrit dans un article qui vient de paraître dans la revue Nature Medicine.

En pratique

Aujourd’hui, la phagothérapie n’est pas pratiquée de manière courante en France. Seules des autorisations exceptionnelles sont accordées par les autorités sanitaires pour des patients dans un état grave. Plusieurs patients ont ainsi été traités à Lyon, à l’hôpital de la Croix-Rousse, pour des infections ostéo-articulaires.

Des préparations phagiques figuraient dans le Vidal en France jusqu’en 1974, mais aujourd’hui les phages ne font plus partie de la pharmacopée européenne. Des pays comme la Géorgie, la Russie, continuent de pratiquer la phagothérapie.

Pour en savoir plus sur la phagothérapie : Infections - le traitement de la dernière chance

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