Bactéries : les résistances se transmettent même sans antibiotique

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 30/01/2020 Mis à jour le 31/01/2020
Actualité

Environ un quart des bactéries pathogènes pourraient partager facilement leur résistance aux médicaments avec d’autres bactéries autour d’elles.

Pourquoi c’est important

La résistance des bactéries aux antibiotiques est devenue un problème majeur de santé publique dans le monde. Alors qu’il faut une dizaine d’années pour développer un nouvel antibiotique, les résistances apparaissent en un temps bien plus court. Certaines infections que l'on pouvait facilement soigner auparavant conduisent donc désormais à des amputations ou à des décès.

Une bactérie devient résistante à un ou plusieurs antibiotiques grâce à des gènes qui peuvent se trouver sur son chromosome ou sur de petits cercles d’ADN présents dans son cytoplasme : les plasmides. Les plasmides contiennent même parfois des gènes de résistance à plusieurs antibiotiques, rendant les bactéries multirésistantes.

Grâce à un processus appelé conjugaison, les bactéries s’échangent des plasmides et donc des petits morceaux d’ADN : c’est ce qu'on appelle un transfert horizontal de gènes. Mais quels sont les facteurs qui influencent la conjugaison ? La présence d’un antibiotique accélère-t-elle la transmission des gènes de résistance ?

Ce que montre l’étude

Cette étude de l’université Duke paraît dans la revue Science Advances. Lors de travaux précédents, les scientifiques avaient déjà montré que la présence d’antibiotiques n'affecte pas la vitesse à laquelle les bactéries se transmettent leur résistance. Mais ces résultats découlaient d’expériences réalisées sur des bactéries Escherichia coli cultivées en laboratoire. Les chercheurs voulaient donc savoir si c’était également vrai pour des bactéries pathogènes présentes dans la population.

Pour évaluer la vitesse de conjugaison et donc de transmission des résistances, le principe est le suivant : les chercheurs mélangent deux souches de bactéries, la première est résistante à un antibiotique et peut transmettre sa résistance par conjugaison et la seconde souche est une bactérie receveuse résistante à un autre antibiotique, mais dont la résistance ne peut pas être transmise.

Ensuite, les bactéries se développent et la conjugaison plasmidique a lieu. Puis les scientifiques ajoutent au mélange les deux antibiotiques : seules les bactéries receveuses qui ont reçu le plasmide avec l’autre résistance devraient persister. Les chercheurs observent alors la vitesse de croissance de cette population qui a désormais acquis la double résistance.

Pour cette expérience, les chercheurs ont utilisé 219 échantillons de bactéries Escherichia coli pathogènes provenant de patients. Sur 143 bactéries résistantes testées, 35 d’entre elles, soit près d’un quart, pouvaient transmettre une résistance aux bêta-lactamases, une classe courante d’antibiotiques.

Les chercheurs ont regardé si la présence de l’antibiotique bêta-lactamase affectait la vitesse de propagation du plasmide. La plupart du temps, cela n'était pas le cas, avec cependant une exception notable : un isolat pour lequel la propagation de la résistance était plus rapide en présence de l’antibiotique.

Ces résultats suggèrent que la présence d’antibiotiques n’influence pas la transmission des résistances et que, pour empêcher cette propagation, il faudrait agir sur le transfert horizontal de gènes. Cette conclusion est à rapprocher de celle d’une autre étude récente, réalisée en Tanzanie, qui confirme que ce n’est pas seulement l’usage des antibiotiques qui favorise les résistances.

Par exemple, dans des communautés de Tanzanie, les chiens avaient une part importante de bactéries résistantes à un antibiotique alors que ces animaux n’étaient pas soignés avec ces médicaments. Les scientifiques pensent que les bactéries résistantes se propagent par contact avec des déchets ou en consommant des aliments et de l’eau contaminés. C'est également vrai pour les humains.

Le problème venait donc de la présence des bactéries résistantes dans l’environnement, en raison de mauvaises conditions d’hygiène et d’assainissement. La lutte contre l’antibiorésistance passe donc également par une amélioration de l’hygiène et de l’accès à l’eau potable dans le monde.

Que faire ?

Pour aller plus loin : Infections le traitement de la dernière chance

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