Les médicaments contre Alzheimer font rétrécir le cerveau

Par Didier Souccar - Pharmacien Publié le 06/04/2023 Mis à jour le 10/10/2023
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Ces constats issus de l'IRM font craindre des conséquences cliniques à long terme.

Il existe aujourd'hui deux approches pour prendre en charge les malades d'Alzheimer, au moins à un stade précoce : les traitements médicamenteux, et le protocole ReCODE développé par le neurologue Dale Bredesen, auteur des Premiers survivants d'Alzheimer

Le protocle ReCODE est une approche multi-dimensionnelle destinée à lutter contre les déséquilibres nutritionnels, métaboliques, émotionnels : alimentation, gestion du stress et du sommeil, socialisation, exercice, complémentation nutritionnelle ou encore rééquilibrage hormonal. Son efficacité repose sur des études portant encore sur un petit nombre de personnes, et sur des rapports de cas.

"De plus en plus de preuves montrent que les changements alimentaires et les changements de mode de vie sont des moyens potentiellement efficaces pour prévenir, ralentir ou inverser la progression de la maladie d'Alzheimer", dit le Dr Bredesen. "Les études suggèrent en effet que des anomalies, telles que la résistance à l'insuline, l'inflammation chronique, l'hypovitaminose D, les déficiences hormonales et l'hyperhomocystéinémie jouent un rôle dans le processus qui mène à la maladie et qui l'entretient. Par conséquent, un programme personnalisé et multi-thérapeutique basé sur la génétique et la biochimie d'un individu peuvent être préférables à une approche monothérapeutique."

Lire : Comment j'ai aidé ma mère avec le protocole ReCODE.

Le protocole ReCODE a été mis au point notamment parce que la plupart des médicaments anti-Alzheimer ont échoué à améliorer les malades. Seul un anticorps monoclonal au stade des essais thérapeutiques a montré une certain efficacité (lire plus loin).

La plupart de ces traitements médicamenteux ont pour but de diminuer la plaque amyloïde qui envahit le cerveau au fur et à mesure que la maladie progresse. Cependant, le Dr Bredesen, avec beaucoup de chercheurs, pense que cette protéine n'est pas elle-même à l'origine de la maladie, qu'elle apparaît en réaction aux atteintes du cerveau, et que les médicaments qui cherchent à la réduire se trompent de cible.

C'est dans ce contexte que selon une revue systématique et une méta-analyse de données d'imagerie par résonance magnétique (IRM) qui vient de paraître, les traitements médicamenteux ciblant la protéine bêta-amyloïde accélèrent l'atrophie cérébrale. 

Ce que les chercheurs ont trouvé

Dans 31 essais cliniques, des changements de volume cérébral ont été observés chez les patients qui avaient pris des médicaments dirigés contre la protéine bêta-amyloïde : les inhibiteurs de la sécrétase et des anticorps monoclonaux. Les premiers ont échoué à améliorer les patients dans les essais cliniques et ont même pu accélérer la progression de la maladie. Parmi les seconds figure l'aducanumab, un médicament approuvé en 2021 par la Food and Drug Administration américaine et le lecanemab autorisé aux USA en juillet 2023.

L’aducanumab développé par Eisai et Biogen a s’est vu opposer un refus pour le territoire européen par l’Agence européenne des médicaments (EMA).

Dans l'étude Clarity, le lecanemab a conduit à une réduction de 27% du déclin cognitif chez 1795 patients atteints de maladie d’Alzheimer à un stade précoce. L'étude a duré 18 mois, et on ignore encore les résultats à plus long terme mais la FDA a accordé en juillet 2023 une autorisation à ce médicament, alors que des experts européens interrogés en juin 2023 pensent que ses bénéfices cliniques devraient rester faibles, sans l'emporter sur des risques pour la santé, sans parler de son coût.

Dans cette nouvelle analyse, les inhibiteurs de la sécrétase ont diminué les volumes du cerveau et de l'hippocampe, tandis que les anticorps monoclonaux ont entraîné une hypertrophie d'environ 40% du ventricule latéral, qui est un marqueur de la neurodégénérescence et se traduit par une perte nette de volume cérébral sain.

Les effets de ces deux familles de médicaments sur le cerveau posent donc question, même si les résultats de l'étude Clarity peuvent laisser penser qu'il n'y a pas de lien automatique entre perte de volume cérébral et signes cliniques. Les études de suivi du lecanemab, le traitement médicamenteux le plus prometteur, seront donc analysées avec soin.

Lire aussi : Les nouveaux traitements d'Alzheimer : miracle ou mirage ? (abonnés)

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