Dr Bernard Aranda : « En agissant tôt, on peut empêcher ou ralentir l’évolution vers Alzheimer »

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 17/04/2023 Mis à jour le 17/04/2023
Point de vue

Neurologue en région parisienne, le Dr Bernard Aranda signe la préface du nouveau livre du Dr Dale Bredesen, Les premiers survivants d’Alzheimer. Nous lui avons demandé son avis sur les traitements existant contre la maladie d’Alzheimer.

LaNutrition : Pourquoi les recherches menées par les industries pharmaceutiques sont-elles dans une impasse pour trouver un médicament contre Alzheimer ?

Dr Bernard Aranda : Les recherches qui ont démarré au début des années 2000 se basent sur l’hypothèse amyloïde et l’idée qu’il faut axer la recherche sur les dépôts amyloïdes du cerveau pour trouver un médicament. Récemment, des chercheurs se sont intéressés à des publications qui avaient abouti à cette hypothèse. Or des données ont été falsifiées. Le scientifique français qui travaillait sur le sujet à l’université du Minnesota a manipulé des images… La substance amyloïde est au départ un mécanisme protecteur. Si ce mécanisme s’emballe, s’il y a de plus en plus d’amyloïde, le cerveau se détruit. Tous les médicaments issus des différentes recherches axées sur l’hypothèse amyloïde sont des échecs ou ont trop d’effets secondaires. Le dernier produit à base d’anticorps monoclonaux avait été refusé dans un premier temps par les experts américains qui délivrent les autorisations de mise sur le marché. Mais après un réexamen des données statistiques, ce produit va finalement sortir… Je ne pense pas voir arriver de nouveau médicament vraiment efficace contre la maladie d’Alzheimer dans les dix prochaines années.

Conseillez-vous le régime cétogène à vos patients ?

Oui, je le conseille de plus en plus. Mon livre Le régime cétogène pour votre cerveau (paru en 2018) ne se limitait pas à la maladie d’Alzheimer. J’ai été amené naturellement à m’intéresser à ce régime car il est le plus adapté aux êtres humains, c’était le régime des chasseurs-cueilleurs. Métaboliquement, énergétiquement, le régime cétogène qui consiste à brûler des graisses est le plus performant, à court et à long terme. Le carburant que nous mettons dans une voiture ou un corps humain est capital pour son fonctionnement. Le régime cétogène permet de se libérer du système de l’insuline. L’insuline est l’hormone qui permet au glucose d’être utilisé et d’entrer dans les cellules. Avec un régime trop riche en glucides, la résistance à l’insuline s’installe, la glycémie reste élevée, le glucose n’entre pas dans les cellules, le cerveau n’a plus assez de glucose, car il n’y a plus assez d’insuline. Les neurones souffrent et meurent. L’avantage du régime cétogène est qu’il utilise des cétones, des triglycérides à chaîne moyenne, qui entrent directement dans les cellules du cerveau et permettent la production d’énergie, sans le facteur limitant de l’insuline.

Lire : Peut-on inverser Alzheimer ?

Mais c’est quand même difficile de suivre un régime cétogène, non ?

Le régime cétogène n’est pas compliqué : il faut aller au marché acheter des légumes, chez le boucher pour la viande, chez le poissonnier, etc, et passer un peu de temps en cuisine. Mais il existe beaucoup de freins dans notre société pour mettre en œuvre le régime cétogène. D’abord, il est plus couteux qu’un régime riche en glucides. Ensuite, il y a des habitudes à changer, cela dépend des contraintes familiales et sociales des patients, selon si on est seul ou pas, si on a des enfants à la maison... Je vois des gens qui me disent : « je n’y arrive pas, « mes enfants veulent manger des pâtes », « à la cantine, je n’ai pas le choix… » C’est également compliqué dans le contexte de notre société où l’industrie agroalimentaire fait la loi au niveau de la nutrition. Par exemple, pourquoi manger trois fois par jour ? Nos ancêtres ne mangeaient pas trois fois par jour et les organismes fonctionnaient très bien quand même… Le régime cétogène bouleverse les bases de l’alimentation actuelle mais c’est un retour aux sources.

Les témoignages des Premiers survivants d’Alzheimer insistent sur l’importance de la qualité de sommeil. Comment expliquer ce lien entre un mauvais sommeil et la maladie ?

Le sommeil est le moment où nous faisons la maintenance de notre cerveau et de nos cellules, grâce à l’autophagie. Au niveau de l’espace situé entre les neurones, les cellules mortes sont digérées, les déchets nettoyés, de bons acides gras sont insérés dans les membranes des cellules… Il est indispensable de faire un interrogatoire du patient et un enregistrement la nuit pour détecter l’apnée du sommeil. Des ronflements peuvent être un symptôme d’appel. Si le patient s’endort facilement le jour, trop vite, dans les transports, devant la télévision, c’est un signe que le sommeil n’est pas suffisamment réparateur. Il faut dormir environ 7 heures par nuit et que l’oxygénation du cerveau se passe bien. Aujourd’hui, les gens se couchent tard et ils ont le soir des activités devant des écrans. L’endormissement n’est pas naturel, contrairement à autrefois où les gens dormaient quand le soleil se couchait. Le cycle veille-sommeil est anarchique, il faut le rééquilibrer grâce aux mesures du protocole ReCODE : favoriser des heures de coucher régulières, prendre éventuellement de la mélatonine, faire une activité physique le matin…

Pensez-vous que la maladie d’Alzheimer soit réversible ?

Jusqu’à une certaine limite, oui, tant que la plainte mnésique reste légère. Il existe maintenant un nouveau syndrome : la plainte cognitive subjective, qui correspond à des personnes qui se plaignent de problèmes de mémoire, mais dont les tests radiologiques et neuropsychologiques sont négatifs. Ces personnes ont un risque plus important de développer les premiers symptômes d’Alzheimer. En agissant tôt avec le protocole ReCODE et le régime cétogène, il est possible d’empêcher ou ralentir significativement l’évolution vers la maladie d’Alzheimer.

Pour en savoir plus, lisez Le régime cétogène pour votre cerveau, de Bernard Aranda et Michèle Houde

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