Alzheimer : l’hypothèse pathogène se confirme

Par Julien Hernandez - Journaliste scientifique Publié le 26/06/2018 Mis à jour le 16/05/2023
Actualité

Différentes études ont trouvé un lien entre des infections courantes et le développement de la maladie d’Alzheimer.

La maladie d'alzheimer : quelles causes possibles ?

En France, 900 000 personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer. Cette pathologie, encore incurable, reste mal comprise dans sa globalité. Dans le cerveau, la maladie d’Alzheimer se caractérise par le dépôt de peptides amyloïdes, des enchevêtrements neurofibrillaires et la neuro-inflammation.

La recherche s’est donc concentrée jusqu’à aujourd’hui sur « l’hypothèse amyloïde » : les plaques de protéine bêta-amyloïde présentes dans le cerveau des malades, étant responsables de la maladie. Devant l’échec des traitements visant uniquement cette plaque, les scientifiques ont commencé à explorer d’autres hypothèses, dont « l’hypothèse pathogène ». La protéine bêta-amyloïde serait produite, selon cette hypothèse, suite à des infections virales, bactériennes ou fongiques, pour protéger le cerveau.

Lire : Dr Bernard Aranda : "En agissant tôt on peut empêcher ou ralentir l'évolution vers Alzheimer"

Comme nous allons le voir dans cet article, les preuves de la participation des infections à la maladie d'Alzheimer s'étoffent :

  • des infections courantes en milieu de vie ont un impact nagétif sur les capacités cognitives des personnes âgées ;
  • des taux significativement supérieurs de virus de l’herpès ont été identifiés chez un grand nombre de patients décédés, ayant eu une maladie d’Alzheimer ;
  • un lien entre une bactérie responsable des parodontites et Alzheimer a aussi été trouvé ;
  • chez les personnes ayant une prédisposition génétique à la maladie d’Alzheimer, la réactivation du virus de l'herpès HSV1 multiplie par trois le risque de développer la maladie. 

Des infections courantes réduisent les performances cognitives

Une étude de la Johns Hopkins Bloomberg Public School of Health a trouvé que des infections courantes peuvent avoir un impact négatif sur les capacités cognitives de personnes âgées ou d’âge moyen. Ces travaux confirmeraient que des infections en milieu ou fin de vie tendent à augmenter le risque de voir ses facultés cognitives décliner et de développer une démence de type Alzheimer.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont examiné les niveaux d'anticorps contre cinq agents pathogènes courants – le virus de l'herpès simplex de type 1, le cytomégalovirus, le virus de la varicelle et du zona, le virus d'Epstein-Barr et le parasite Toxoplasma gondii - chez 575 adultes âgés de 41 à 97 ans. Puis ils ont comparé ces analyses sanguines aux résultats des participants à un test cognitif.

Les chercheurs ont découvert que des anticorps élevés contre le virus de l'herpès simplex de type 1 ou le cytomégalovirus étaient associés à de moins bonnes performances cognitives. Les participants ayant plus d’anticorps échouaient à plus d’items au test de cognition globale.

Les herpès virus

Une étude de grande envergure, parue dans le journal Neuron, a identifié – dans 3 cohortes indépendantes et géographiquement dispersées – un lien statistique très significatif entre la présence de pathogènes et notamment de deux herpès virus (ceux responsables notamment de la roséole) dans le cerveau chez les groupes de malades décédés par rapport aux groupes contrôles.

Cependant, l’analyse va beaucoup plus loin ici. En effet, les investigateurs sont parvenus à classifier les différentes interactions entre ces virus et les zones neuronales et ce, selon le stade (estimé) de la maladie. Ce qui en ressort, c’est qu’il existe probablement un lien causal entre ces infections, les modifications qui en découlent et la maladie d’Alzheimer. 

Ces résultats confirment ceux du Dr Dale Bredesen et de son équipe. Dans La fin d’Alzheimer, il écrit : « La production de protéine bêta-amyloïde constitue une partie de la réaction de l’organisme aux agents pathogènes envahisseurs. Lorsque l’on examine le cerveau d’une personne décédée de la maladie d’Alzheimer, on y trouve des bactéries de la cavité buccale, des moisissures provenant du nez, des virus originaires des lèvres comme l’herpès, des bactéries Borrelia véhiculées par une morsure de tique, etc. Or, de plus en plus d’éléments scientifiques indiquent qu’un cerveau envahi par des agents pathogènes produit de la protéine bêta-amyloïde, un défenseur, certes efficace, mais qui finit par détruire les synapses et tuer les cellules du cerveau qu’il devait protéger. » 

Malheureusement, pour pouvoir connaître les risques et intervenir, il faudrait pouvoir détecter des traces de pathogènes en amont, dans les fluides corporels, le sang ou le liquide céphalo-rachidien chez des patients vivants. C’est l’objectif préventif des chercheurs. À suivre donc. 

La production de protéine bêta-amyloïde constitue une partie de la réaction de l’organisme aux agents pathogènes envahisseurs

La bactérie Porphyromonas gingivalis

Des analyses post-mortem de cerveaux de malades d'Alzheimer ont également suggéré fortement qu'une bactérie pathogène de la sphère buccodentaire pouvait passer dans le cerveau. C'est pourquoi des chercheurs de l'université de l'Illinois (Chicago, États-Unis) ont exposé des souris à cette bactérie, Porphyromonas gingivalis, qui  joue un rôle important dans la survenue des parodontites, ces maladies de la bouche caractérisées par une inflammation pouvant détruire les gencives et les os de la mâchoire qui soutiennent les dents. 10 souris ont ainsi été mises en contact avec cette bactérie pendant 22 semaines, ce qui leur a provoqué une parondontite. Puis, les chercheurs ont prélevé et analysé leurs tissus cérébraux.

Les résultats, publiés dans la revue Plos One, montrent que par rapport aux 10 souris non exposées servant de témoins,  les cerveaux des souris exposées à la bactérie présentaient, notamment au niveau de l'hippocampe, siège de la mémoire, des signes caractéristiques de maladie neurodégénérative, comme la maladie d'Alzheimer : neuroinflammation, dégénérescence des neurones, production de protéines bêta-amyloïde béta et de protéine Tau. Les chercheurs ne s'attendaient pas à ce que cette bactérie buccodentaire "exerce une telle influence sur le cerveau et avec des effets aussi ressemblants à la maladie d'Alzheimer".

Une revue de juillet 2019 publiée dans Brain, Behavior, and Immunity conclut à une relation de cause à effet entre la maladie d’Alzheimer et la parodontite. L’association entre des hauts niveaux d’anticorps contre Porphyromonas gingivalis, mauvaise hygiène dentaire, perte de dents et l’apparition et la progression de la maladie d’Alzheimer est fortement suggérée par toutes les études analysées. La bactérie et une enzyme qu’elle produit appelée gingipaïne auraient la capacité d’accéder au système nerveux central par la circulation sanguine et par les nerfs périphériques, provoquant l’inflammation de la zone du cerveau responsable de la mémoire. Cette enzyme contribue à la destruction des tissus et réduit l’efficacité du système immunitaire permettant la survie de la bactérie responsable de la parodontite.

La réactivation du virus HSV-1

En 2020, des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Bordeaux ont publié de nouveaux résultats en s’appuyant sur l’analyse de la cohorte française des Trois Cités (3C). La cohorte 3C comprend près de 10 000 personnes de plus de 65 ans recrutées dans le secteur de trois villes françaises : Bordeaux, Dijon et Montpellier. La même équipe avait déjà mis en évidence dans la cohorte Paquid que le virus de l'herpès HSV-1 (herpes simplex virus-1) était un facteur de risque de la maladie d’Alzheimer.

Le virus de l’herpès infecte le système nerveux et persiste pendant des années sous forme latente, au niveau des ganglions sensitifs. HSV-1 est responsable de l’herpès labial, aussi appelé « bouton de fièvre ». La première infection avec le virus HSV-1 a souvent lieu dans la jeunesse de l’individu, puis le virus est réactivé au cours de la vie, en réaction à des stimuli, par exemple dans un contexte de fatigue ou lors d'une autre infection.

Pour cette étude parue dans la revue Alzheimer's and Dementia, les chercheurs ont analysé les prélèvements sanguins de 1258 personnes de la cohorte 3C afin de détecter la présence d’anticorps contre le virus HSV-1. Globalement, il n’y avait pas de lien entre la réactivation du virus et l’apparition de la maladie d’Alzheimer.

Mais les résultats différaient dans le sous-groupe des personnes ayant une prédisposition génétique à la maladie d'Alzheimer, c’est-à-dire qui portaient l’allèle Apo-E4. L’apolipoprotéine E (ApoE) est une molécule transporteur du cholestérol, qui est impliquée dans la réparation de lésions dans le cerveau : elle permet de réparer des neurones en transportant les lipides nécessaires.

Chez ces personnes prédisposées génétiquement, la présence des anticorps anti-HSV1 multipliait par trois le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Cela signifie que la réactivation du virus de l’herpès augmente fortement le risque que ces personnes développent la maladie.

Comment expliquer ces résultats ? Une hypothèse serait que, chez les personnes prédisposées, le virus de l’herpès entre plus facilement dans les neurones et que les cellules aient plus de difficultés à lutter contre son infection. De plus, chez les personnes âgées dont le système immunitaire est fragilisé, le virus pourrait migrer plus facilement d’un neurone à l’autre.

Par conséquent, si le lien entre le virus de l’herpès et la maladie d’Alzheimer se confirme, on peut imaginer prévenir cette démence grâce à des traitements antiviraux.

En pratique

Les études sur les maladies d’Alzheimer se succèdent mais rien – ou très peu de choses – ne bouge sur le terrain. Les patients et leurs familles souffrent toujours d’une condamnation perçue comme définitive. Or, les études d’interventions du Dr Dale Bredesen ont démontré qu’il était possible d’inverser le déclin cognitif chez les patients atteints d’une maladie d’Alzheimer. 

Lire aussi : Alzheimer : 9 facteurs de risque sur lesquels on peut agir

Pour l’instant, le meilleur moyen pour prévenir ces maladies ou tenter de les inverser et le protocole ReCODE mis au point par le chercheur et son équipe. Il consiste à un changement radical de mode de vie (activité physique, neuronale, gestion de l’alimentation, la supplémentation, du sommeil, des traitements, des expositions aux polluants, etc.) selon sa physiologie, sa génétique, son profil métabolique, sa capacité d’adaptation, etc. 

Pour tout savoir sur le protocole ReCODE, lire La fin d’AlzheimerLa fin d'Alzheimer - Le programme et pour protéger votre cerveau, lire La nutrition du cerveau

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